I N V I S I B L E
Rien ne va changer dans l'invisible
Tu resteras le même, elle restera la même, ils seront les mêmes
qu'avant
Ils changeront de logiciel, ils changeront les machines
ils changeront le langage de programmation
ils changeront de langage
de langage
Rien ne fonctionnera comme avant
Tout sera pire et tout sera effacé
Avec efficacité
Mais ils seront les mêmes
Tu seras le même, animé par des désirs aussi inavouables,
et des besoins urgents, de soulager tes peines et tes orifices,
de boire les bêtises des autres, et de donner le plus vil de ton jus,
comme les autres
Rien ne changera
Ils seront les mêmes, animés par des désirs aussi inavouables,
et des besoins urgents, de soulager leurs peines et leurs orifices,
de boire les bêtises des autres, et de donner le plus vil de leur jus,
auréolés de leur langage sans âme,
comme les autres
Rien ne changera
Mais ils pisseront beaucoup plus,
jusqu'à ne plus le pouvoir,
Eux non plus
Tu cacheras tes amours à jamais interdits,
tes amitiés aussi
Tu afficheras des fausses identités, des signes pour faire semblant d'aimer
et tout ce que tu détesteras, tu feras tout pour l'aimer,
sans jamais y parvenir,
comme avant
Ta vie sera celle du mensonge,
ton salut celui de l'interroger
Eux aussi
Sans point d'interrogation
Ils changeront de logiciel, ils changeront les machines
ils changeront le langage de programmation
ils changeront de langage
de langage
Il n'y aura plus de sexe, de liquide, de merde,
de choses qui dégoulinent, de virus, de parasite,
puisque tu seras éliminé du langage
Tu ne pueras plus, tu ne pollueras plus,
tu ne contamineras personne et tu ne pourras plus être contaminé,
tu ne feras plus d'enfants, tu n'accoucheras plus, tu ne seras plus accidenté,
tu ne seras plus imaginé car l'imaginaire aura disparu de leur langage
Mais comme avant tu seras tué
comme avant
Personne ne connaîtra plus le "Tu ne tueras point"
car tu n'auras plus aucune valeur,
comme avant
Eux aussi, ils puent la merde et sont des virus ambulants de désirs,
accidentés par la vie, sans aucun imaginaire,
déprimés de ne pouvoir imaginer seulement qu'ils sont supérieurs
Ils changeront de logiciel, ils changeront les machines
ils changeront le langage de programmation
ils changeront de langage
de langage
décloisonner, valoriser, dispositif, perspective, encadrement, compétence,
personnalisation, suppression, validation, alterné, interné, empêché, enrichir, mobilité,
service, audit, conseil, sélectif, priorité, exfiltré, transformation, enjeux, opacité, barrière,
talent, véritable, responsabilité, convention, engagement, capitalisé, exercice, isolé,
fonction, bénéfice, atteinte, résultat, expertise, bénéfice, numérique, scientifique,
processus, action, opérationnel, professionnel, référentiel, classer, déclasser,
recrutement, convention, préférence, profil, ostracisé, fiché, numérisé, scanné,
désélectionné, paralysé, saisi, liquidé, assigné, dévasté, envahi, éliminé, non renouvelé,
projet, projet, projet
rejet, rejet, rejet
impartialité, transparence, condition, réforme, méritocratie, idiocratie, valeur, outils,
interadministré, intercité, intersectionné, interelationné, intersexualisé, interchangeable,
inter et entre tous les interdits,
mais supérieur à jamais
Tu seras comme les autres supérieurs, inférieur à tout
ignorant, incapable, et immobilisé,
Tu sera comme tu as toujours été
le con de la rénovation
* * *Même dans l'invisible
cela se voit encore+
Design & poem © Sonia Marques
Tag - poésie
dimanche 5 février 2023
ℑℕṼЇϟЇ฿ℒℰ
Par kiwaïda le dimanche 5 février 2023, 01:53 - Art
mardi 31 janvier 2023
ℝα∂їḉαʟ ℝ☺ღ@ᾔ☂i¢﹩
Par kiwaïda le mardi 31 janvier 2023, 02:06 - Musique
Les Dreijer suédois sont de retour, ! En attendant la sortie de leur album en mars prochain, Radical Romantics, la piste "Kandy", offre un hommage sucré, ou toxique, à l'envoûtant et inoubliable "Pass This On" de 2003, il y a 20 ans (Whaou ! On vieilli !) dont les paroles (Paroliers : Karin Elizabeth Dreijer Andersson / Olof Bjorn Dreijer) "I'm in love with your brother / What's his name /" et le clip réalisé par Johan Renck mettant en scène le styliste et drag queen Rickard Engfors, magnétisait par son attraction dans un chalet reclus. "Kandy " rassemble le duo frère et sœur, costumés avec les polyrythmies exotiques, et, cette fois-ci, c'est Karin qui s'offre en miroir, costumée et aliénée. Le double veut se manger. Sortie prévue sur leur label "Rabid Records", l'ancien fameux groupe électronique "The Knife" avait sulfurisé mes nuits et mes jours jusqu'au concert à la Philarmonie de Pars en 2013, il y a 10 ans (Whaou ! On vieilli) Suite auquel, j'avais écrit un article documenté "Les saltimbanques électroniques".
Déjà l'ouverture de l'album "What They Call Us", dont le clip montre une sorte d'entreprise sur la fin, son dernier jour, en implorant ses employés à réparer ce qu'ils ont brisé, la personne qui est venue y travailler : "Peux-tu le réparer, peux-tu t'en soucier ?" donne quelques pistes de ravageuses finitudes bureaucratiques, où plus personne ne veut travailler, pour finir la tête dans une photocopieuse ou se finir comme un petit cinnamon bun passé au micro-onde.
Donc, Fever Ray, leur pseudonyme, annonce Radical Romantics, premier nouvel album depuis plus de cinq ans, qui sortira le 10 mars et présente le mythe de l'amour. Les visionnaires de la pop, jonglent avec les formes séduisantes et terrifiantes, la force et la vulnérabilité, l'anxiété et la sécurité. Parmi les autres coproducteurs et interprètes figurent le duo puissant de Trent Reznor et Atticus Ross (Nine Inch Nails), le DJ et producteur portugais Nídia, Johannes Berglund, Peder Mannerfelt et le projet de danse technicolor de Pär Grindvik Aasthma, et l'artiste expérimental et producteur susmentionné Vessel. Un collaborateur de longue date, Martin Falck, se joint à Dreijer pour créer le monde visuel global de Fever Ray de l'ère Radical Romantics.
Hâte !
jeudi 20 octobre 2022
ϟÅṲⅤÅḠ€
Par kiwaïda le jeudi 20 octobre 2022, 00:10 - Art
Photographies et dessins © Sonia Marques
The Wild One
Kiwaïda Blue had always loved deserted Galicia with its resonant, raw rivers. It was a place where she felt sexy.
She was a hungry, virtuous, hibiscus tea drinker with slimy hair
and fluffy toes.
Her friends saw her as a precious, poised painter.
Once, she had even helped a rare bird recover from a flying accident.
That's the sort of woman she was.
Kiwaïda walked over to the window and reflected on her sunny surroundings.
The wind blew like loving dragon.
Then she saw something in the distance, or rather someone.
It was the figure of The Jazzist Purple.
The Jazzist was a courageous parrot with red hair and ginger toes.
Kiwaïda gulped. She was not prepared for The Jazzist.
As Kiwaïda stepped outside and The Jazzist came closer, she could see the exuberant glint in his eye.
The Jazzist gazed with the affection of 7 hopeful harsh horse. He said, in hushed tones, "I love you and I want a hug."
Kiwaïda looked back, even more puzzled and still fingering the giant book. "The Jazzist, I love you," she replied.
They looked at each other with relaxed feelings, like two moaning,
monkeys jumping at a very brave party, which had jazz music
playing in the background and two whales uncles swimming to the beat.
Kiwaïda regarded The Jazzist's red hair and ginger toes. "I feel the same way!" revealed Kiwaïda with a delighted grin.
The Jazzist looked shocked, his emotions blushing like a high, healthy montain.
Then The Jazzist came inside for a nice drink of hibiscus tea.
The End
vendredi 16 septembre 2022
ℒℯ ♭◎ʊ¢ @üϰ é⊥øḯℓℯṧ
Par kiwaïda le vendredi 16 septembre 2022, 15:45 - Art
En attendant (Photographie © Sonia Marques)
+
À la recherche du temps révolu, dévolu, perdu, des choses ignorées, des heures passées, blessées, absorbées, de tout ce qui ne s'éteignait pas encore, du filament accroché à ce cœur si fier et si vieux.
Reprendre les silences et les poser devant, étalés de leurs longs corps, ils se sont reposés des siècles, entrelacés, sanglotants, incandescents, jamais épuisés.
Un à un, les reconnaître, se prononcer, hésitants, suffocants, comprimés, goûts fruités, les premières fois, elles transpirent, maladroites, parfaites dans leurs petitesses, à peine énoncées.
Les secondes fois, charmantes, elles respirent et ravivent les trésors, les douleurs, les mystères, elles couvent leurs prochaines disparitions.
Toutes les autres évanescentes, se retournent et abandonnent la foi, les impuretés et amertumes ont avorté toute idée de réalisation.
Plus de réel, ni de virtuel, les souvenirs se mêlent de ce qui ne les regarde pas.
Terres calcinées, belles et sans pitié, cendres solennelles, désaveux des tabulæ rasæ, des fastes et funestes somptuosités, petits temples des flambeurs, refuges des tueurs, ténébreuses demeures voleuses du temps de travail, bibliothèques grignotées de livres incompréhensibles, indulgence et retrait des comptes, logiciels périmés, lois péremptoires, incongrues, altérées, incompressibles, cités éteintes, lumières vaniteuses, adorateurs orgueilleux, chimériques politiques, lubies, détresse de l'humanisme, envolées des chiffres, espoirs bernés, nombres indomptables, énigme de l'après, énigmatique antiquité, trou noir, fissure béante, big et bang.
À la recherche, des désolés, des étoilés, des souffles qui trainent, disséminés, des poussières ravissantes, nos vies étiolées, nos luttes incapables, nos efforts innocents, les immenses, les intenses, tous abîmés, mobilisés quelque part, nébuleux, en ébullition, impérissables.
Matures déclins, écrasantes et laborieuses histoires, calomnies en pagaille, fourvoiements sans plus attendre, cumuls des chocs, glaces brisées, épanchements.
Foule des choses, foule des opinions, flux des doutes, masses des angoisses, tout sombre, chute, se lave dans les océans.
Épier le reste des larmes, goutte à goutte, essorer les maisons pleine de soumissions, décréter que les bonheurs soient sanctifiés et que tout le reste… passer sa vie à le rechercher.
À la recherche du temps révolu, dévolu, perdu, des choses ignorées, des heures passées, blessées, absorbées, de tout ce qui ne s'éteignait pas encore, du filament accroché à ce cœur si fier et si vieux.
Ne dites à personne ce qui fleuri.
+
![]()
"Le bouc aux étoiles" : Extrait d'un dessin de Jean Lurçat (peintre, céramiste créateur de tapisserie français - 1892-1966) trouvé dans la rue.
dimanche 4 septembre 2022
ḯ√яℯṧṧℯ
Par kiwaïda le dimanche 4 septembre 2022, 22:00 - Paysage

Illustration © Sonia Marques
nager sous la pluie
découvrir le paradis des ombres
sous le grondement des Dieux
se frayer un passage
sous la séparation des nuages
les êtres filants glissent
à la surface de l'eau
sans aucun fardeau
au-dessus des abysses
des fonds oubliés
des ruines d’Égypte
englouties
il pleut sur les visages
les nageurs solidaires
épousent leur fluides
poissons charnels
imperméables peaux
insondables acides
désoxyribonucléiques
prédire l'avenir
face à l'immensité du ciel
ombrageuses sérénités
des temps longs
de l'humeur des astres
subir les métamorphoses
s'aplatir sous le destin
sans plus porter les maux
ni les expertises
admirer le tumulte et la menace
des cotons épais et gris
des cumulonimbus
leurs courants ascendants
et le soleil qui perce à jour
toutes les défaillances
avancer couché avec assurance
sans jamais douter de la transparence
dans toute cette flottabilité
tout est limpide
tout est désir
aucune peine
aucune peur
être sondé sans remords
être jugé sans culpabilité
être contemplé sans s'abîmer
être la nagefluide, portance, gravité, hélium
se baigner dans l'indifférence
la foudre aux fesses
l'orage tropique
au sommet des énergies potentielles
luisants d'eau
rien savoir
blonds, bruns, frisés
sans pieds que des palmes
qu'importe les corps
seules les fusées du soir
aux lunettes saphir
plonger dans l'invisible
tout rassemble et suspend
fleurs de lotus et extraterrestres
de l'azur des flots
au couchant doré
les paupières scintillantes
écoutent l'écho des enfants sauvages
dans la joie oblique
les plus jeunes sautent à l'envers
du décor
tout se renverse
chaque espoir prend son envol
au gré de l'instant
d'un cri lyrique et fou
opéra de reflets bleus
ultramarins des mythes grecs
tatouages de flammes noires
ferronnerie artisanales
les nageurs cathédrales
petites pâtisseries orientales
aux désirs de rouleaux dorsaux
les crinières dévorées
devant les blondes mosaïques
d'un autre temps
sur les peaux rouges
sur les peaux blanches
les gouttes perlent cristallines
dans un sobre maillot
loin de l'abondance
au cœur de l'oasis
depuis une enfance étrange
dans un désert de mot
langage sans angélisme
éclipse des études
aux bord des aurores
sans lueur boréale
sombrer doucement dans l'esquisse
de la piscine certain jour
mouillés d'être les sots des capitaines
sur une barque sans agence de voyage
ni diplôme
l'assurance de n'être ni aimés
ni envisagés, ni dévisagés, pour ce que l'on est
naître sous une bonne étoile
brodée de défis et d'aura stellaire
dans l'arène des eaux limpides
baignées d'absolutions
lundi 29 août 2022
∀iℝ FℝѦiϟ
Par kiwaïda le lundi 29 août 2022, 13:35 - Paysage
Photographie © Sonia Marques
l'air est frais le soir
l'air est frais le matin
entre le soir et le matin
il n'y a plus rien
bernard fait semblant de dormir
bianca surveille les choses
vladimir compte ses bibelots
les murs sont sourds
les portes aveugles
le bleu silencieux
des cieux
fait mine de ne rien savoir
sur la candeur des champs
tu dors dans un lieu retiré
éminent solitaire
tu sais que l'air brûle les agités
l'envie les importune
poison amer de leur infortune
feuilles émeraudes et rousses
bruissent sous le sommeil des bois
une paix sans importance
s'étend à l'ombre du monde
des insectes copulent
sans regarder l'été
la forêt écoute ton cœur
caché dans ton antique demeure
où le hasard t'a fait naître
sous la voûte étoilée
tu contemples les astres muets
les joies terminées de la journée
sans y avoir participé
les songes décuplés
les lucioles saupoudrées dans le velours noir
la jeunesse auréolée de sottises
la vieillesse d'un millefeuille d'inventions
oubliant la mer promise
tu soupires à la fraîche
ici tout se réveille
qu'une vie entière a contenu
caché coupable
laissant éclore la fleur d'une ride
parmi les plis de ta peau
tu gardes encore ton troupeau
toutes ces douces absences
et les cris des hirondelles
le jour où tu dors cador
volent dans l'allégresse
de tes souvenirs
l'horizon de l'hiver
fait taire tes glorieux espoirs
et renaître tes imaginations brillantes
quelques fulgurances dans ta dolence
enivré par autant de chasteté
hormis ces insectes épris de déloyauté
être inutile rend merveilleux
l'âme et les consolations
peu d'ambition guérit des rêves inassouvis
puisque la cruauté ne sait pas sourire
il y a des terres étrangères
aux sources du bonheur
lundi 8 août 2022
ℭЇTℝϴℕ
Par kiwaïda le lundi 8 août 2022, 16:05 - Littérature
. Un soupçon de citron
Toute pressée par ses idées, elle se demandait encore si la conjugaison au féminin n'allait pas les entacher d'un soupçon. Après mûre réflexion, et quelques pas lointains, dans une nature très proche d’elle, sans âme qui vive, autours d’un bassin sans fontaine, et sans eau, aride l’été, jaillie une décision. Elle se transforma en lapin. À quatre pattes, elle espérait ainsi se dédouaner du soupçon d'elle. Avec frénésie, il grattait le sol, là où il était apparu, tel un gros nouveau né, un bébé à poil d'un blanc cassé, comme celui qui s'étale en couche première pour la préparation d'une peinture, sur une toile bien tendue. Un trou, pensait-il, un trou, il faut faire son trou. Minuscule chose poilue, douce et crème, sur la terre grise obscure, sous des cieux cristallins d'un bleu roi tranchant, grands juges de l'évènement. Était-ce un signe d'allégresse ? De plaisir ? De jouissance ? Gratter la terre, sans que personne n'y attache aucune attention, sauf la lune, incandescente, la pleine qui attendait son entrée en scène, blanche impératrice. Ravissant lapin, tendre beauté, aptitude naturelle à émouvoir les plus vils instincts, il se sait, il se sent, il scintille de joie et de peur, il le sait, il le sent, il sautille satisfait de ses effets. Son apparence est trompeuse, son silence aussi. On pense qu'il se tait, qu'il se terre quelque part, forme parfaite du trou, forme du moule du terrier. Excité par sa lucidité, il bondit, armé de ses grosses pattes, il court, il court, à travers les champs, les oiseaux l'accompagnent de leurs encouragements sifflés en arpège, si élevés, éternisés en point d'orgue, qu'il semble ne jamais toucher le sol, éperdument amoureux de l'air libre. Il se pose, se lève alerte en suricate du désert, et se repose à ras la terre, parcourant et reniflant, le lapin hume toute créature minutieuse du sol et des traces laissées par quelques artifices, ou quelques miettes croquantes. Le lapin marque son territoire secrètement, il frotte son menton, l'air de rien, par-ci, par-là. Personne ne l'entend, c'est à pas feutrés qu'il avance, de petits bonds en sourdine, gentleman du cambriolage, à la recherche de l'ultime cachette. Il trouve un coin ombré, inaccessible au commun des mortels, commence à observer doucement le moment de s'assoupir, à accueillir la chaleur en lui, puis, les yeux mi-clos, baisse la garde, juste un tout petit peu, malicieux dans son cocon de soie. Il n'y a pas d'insouciance au pays des lapins, tout est soupçon autours. Le repos alterne, sommeil, regret, rêve, mouvement des oreilles, tremblement d'une patte, du museau, petit claquement des dents, une somnolence digne d'un copieux repas de fléoles des prés, rehaussé d'un soupçon de citron.
Photographies © Sonia Marques
lundi 30 mai 2022
ℬ☮♏ ṔÅϟ✝Ѻℝ
Par kiwaïda le lundi 30 mai 2022, 17:08 - Art
Fotografia © Sonia Marques
Menino Jesus Bom Pastor, escultura Indo-portuguesa, do séc. XVII, em marfim.
O Menino Jesus adormecido encontra-se representado sentado, de pernas cruzadas, cabeça apoiada sobre a mão direita, assente sobre cabaça sendo esta a posição iconográfica de Buda na sua Segunda Iluminação. Enverga vestes de pastor esculpidas em ponta de diamante, cingidas na cintura por cordão. Peanha do tipo canónico, com três socalcos. No primeiro, fonte da Vida jorrando água, dando de beber às Ibis, as Aves do Paraíso. No segundo socalco surgem-nos ovelhas a pastar, representando as Almas e na base, Maria Madalena. De ambos os lados encontram-se os dois leões, Guardas do Paraíso.
Fotografia © Sonia Marques
Por quê estava pensando nessa criancinha ?
Porque ele parecia dormindo, ou ele estava ouvindo seu telefone ?
O dormindo acordado, como eu acordado, mas em meus sonhos.
Existem pastoras mulheres ? Pequenos Budas de mulherzinha ?
Pedaços de coisas, pequenas coisas, pequenos pedaços do mundo, pensando...
Pedaço ou bocando ?
O que é Bocado :
1-Porção de qualquer alimento que se pode colocar na boca de uma só vez.
2-Porção que se tira com os dentes. Dentada.
3-Pedaço ou porção de qualquer coisa.
4-Breve intervalo de tempo.
5-Parte do freio que entra na boca do cavalo.
O que é Pedaço :
1-Mulher extremamente bonita e muito gostosa;
2-Lugar pré-determinado e enfatizado por alguém;
3-Fatia, Naco, Porção, Mordida;
4- Quantidade; Qualquer coisa, parte do mundo...
O Pensador é uma das esculturas de bronze mais famosas de Auguste Rodin.
Retrata um homem meditando, parecendo enfrentar um profundo dilema.
No entanto, nunca percebi isso assim.
Antes o simbolismo de um ser humano que pensa, sem pré-conceber,
que está enfrentando dilemas ou algumas preocupações.
Portanto, este pequeno pastor está mais próximo do Buda,
da ideia de que os pensamentos deslizam como água pelas penas de um pato.
Este é um patinho, como a cor do pato azul, com esmeralda e o raio dourado do sol...
Assim pensa o pedacinho de uma mulher, o pedacinho de uma coisa, uma parte do mundo. Desliza nas penas.
dimanche 27 mars 2022
¢αη¢ґ℮ℓ@⊥
Par kiwaïda le dimanche 27 mars 2022, 00:45 - Enseignement
La pensée totalitaire n'a pas d'altérité :
"Si vous ne pensez pas comme moi, je vais vous envoyer à la police"
"On va faire en sorte que vous redeveniez normal… c'est-à-dire, comme moi"
C'est l'avantage de la pensée paresseuse qui s'impose...
Réciter la même chose au même moment, le conformisme c'est la grande arme de la dictature...
Avoir la même croyance...
Celui ou celle qui n'a pas la même croyance sera, torturé, ré-éduqué, etc…
Une pensée sans altérité, il n'y a pas de débat possible, il n'y a qu'une récitation...
La récitation est un excellent tranquillisant...
L'arrêt de la pensée est sécurisant, euphorisant...
Scander le même slogan, le réciter, est euphorique...
Manifester en groupe sous un même slogan est euphorisant...
Penser c'est casse-pieds...
Ne pas avoir à penser, à élaborer, rend heureux...
La pensée intérieure, la liberté
La poésie / vouloir supprimer le malheur c'est supprimer les artistes, les œuvres d'art...lundi 14 mars 2022
Ðéмø¢ґi⊥℮
Par kiwaïda le lundi 14 mars 2022, 23:00 - Art
DÉMOCRITE ET LES ABDÉRITAINS
Que j'ai toujours haï les pensers du vulgaire !
Qu'il me semble profane, injuste, et téméraire,
Mettant de faux milieux entre la chose et lui,
Et mesurant par soi ce qu'il voit en autrui !
Le maître d'Épicure en fit l'apprentissage.
Son pays le crut fou : Petits esprits ! mais quoi ?
Aucun n'est prophète chez soi.
Ces gens étaient les fous, Démocrite, le sage.
L'erreur alla si loin qu'Abdère députa
Vers Hippocrate, et l'invita
Par lettres et par ambassade,
A venir rétablir la raison du malade.
Notre concitoyen, disaient-ils en pleurant,
Perd l'esprit : la lecture a gâté Démocrite.
Nous l'estimerions plus s'il était ignorant.
Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite :
Peut-être même ils sont remplis
De Démocrites infinis.
Non content de ce songe, il y joint les atomes,
Enfants d'un cerveau creux, invisibles fantômes ;
Et, mesurant les cieux sans bouger d'ici-bas,
Il connaît l'univers, et ne se connaît pas.
Un temps fut qu'il savait accorder les débats :
Maintenant il parle à lui-même.
Venez, divin mortel ; sa folie est extrême.
Hippocrate n'eut pas trop de foi pour ces gens ;
Cependant il partit. Et voyez, je vous prie,
Quelles rencontres dans la vie
Le sort cause ; Hippocrate arriva dans le temps
Que celui qu'on disait n'avoir raison ni sens
Cherchait dans l'homme et dans la bête
Quel siège a la raison, soit le cœur, soit la tête.
Sous un ombrage épais, assis près d'un ruisseau,
Les labyrinthes d'un cerveau
L'occupaient. Il avait à ses pieds maint volume,
Et ne vit presque pas son ami s'avancer,
Attaché selon sa coutume.
Leur compliment fut court, ainsi qu'on peut penser.
Le sage est ménager du temps et des paroles.
Ayant donc mis à part les entretiens frivoles,
Et beaucoup raisonné sur l'homme et sur l'esprit,
Ils tombèrent sur la morale.
Il n'est pas besoin que j'étale
Tout ce que l'un et l'autre dit.
Le récit précédent suffit
Pour montrer que le peuple est juge récusable.
En quel sens est donc véritable
Ce que j'ai lu dans certain lieu,
Que sa voix est la voix de Dieu ?
Fable, Jean de La Fontaine, Démocrite et les Abdéritains, Livre VIII, fable 26
1678
Gravure de J.-J. Grandville (1803-1847) pour "Démocrite et les Abdéritains"
La bêtise populaire. Le peuple souhaita faire passer le philosophe Démocrite pour fou, en conviant le médecin Hippocrate. Les Lettres d’Hippocrate sur la prétendue folie de Démocrite, sont traduites du grec en 1730. La Fontaine s'est appuyé sur ces lettres du philosophe grec Démocrite (Abdère vers 460 – vers 370 av. J.-C.) et du médecin Hippocrate (Île de Cos vers 460 – Larissa, Thessalie, vers 377 av. J.-C.). Dans une de ces lettres, les notables de la ville d’Abdère – cité réputée depuis toujours pour la stupidité de ses habitants – écrivent à l’auteur du « Serment » pour lui demander de venir soigner le vieux philosophe qu’ils tiennent pour fou. Démocrite fut le maître du philosophe grec Épicure (Samos ou Athènes 341 – Athènes 270 av. J.-C.) fondateur de la théorie de l’Épicurisme. Voilà ce qui arriva : Démocrite ne cessait, en regardant les hommes, de rire, tout le faisait rire aux éclats. « Toute rencontre avec les hommes fournissait à Démocrite matière à rire » disait Juvénal à son sujet. Cette hilarité inquiéta ses concitoyens les Abdéritains qui firent alors venir Hippocrate pour soigner le philosophe devenu fou. A cet effet, le Sénat et le peuple d’Abdère envoyèrent des lettres à Hippocrate pour l’inviter à examiner et soigner Démocrite. Hippocrate trouva Démocrite dans le jardin de sa maison, occupé à écrire un traité sur la folie (c'est à propos). Au cours d’un entretien, il expliqua à Hippocrate : « Tu attribues deux causes à mon rire, les biens et les maux ; mais je ris d’un unique objet, l’homme plein de déraison, vide d’œuvres droites, puéril en tous ses projets, souffrant sans nul bénéfice des épreuves sans fin, poussé par ses désirs immodérés à s’aventurer jusqu’aux limites de la terre… ». Après cela, Hippocrate décréta que Démocrite était l’homme le plus sain d’esprit et le plus sensé qui soit comme le dit Hippocrate dans sa lettre racontant ses entretiens avec Démocrite. Si le vieux sage Démocrite ne s'interrompt que pour disséquer des animaux et tourner les hommes en dérision avec son rire étrange, féroce, incoercible, il en est qu'aujourd'hui encore, on dissèque les lettres en les déclarant comme fausses ou écrites par un imposteur, et la médecine elle-même tente d'y discerner ce qui faisait "manie" et narcissisme, quand l'individu s’exaltait, en quelques sortes... d'où la mélancolie. Il en est que cette fable de La Fontaine, s'abstient de toute psychologie, pour en écrire une morale sur la récusation d'un peuple, pétri de rumeurs, de fausses interprétations... ou n'ayant aucun sens de l'humour. Ce petit décalage face au réel qui surprend tout ignorant de la chose "philosophique" et défie toute théorie totalitaire... Mais, oui, il arrivait à ce moment, il y a très très longtemps, qu'étaient découvertes cet état d'esprit, critique, ou sarcastique, ou caustique, d'un individu, qui relativisait... et s'était réfugié dans une forêt pour mettre à distance les soucis qui agitaient les hommes de la cité, en choisissant de rire de tout. Cette forme de mélancolie délivrait Démocrite du malaise de la civilisation, au risque de se faire passer pour fou. La question philosophique reste ainsi intacte : peut-on rire de tout ?Les représentants de la cité d’Abdère au sujet de la prétendue folie de Démocrite et la théorie des Hippocratiques sur les mouvements et les effets de la bile noire convergent sur la mélancolie associée à une forme de génie. Comment la société considère ce comportement et y répond. La tristesse, le mal de vivre et les angoisses sont mises en scène dans le théâtre et la poésie, ce trouble de l’âme constitue le fil du génie poétique antique.
"je ris d’un unique objet, l’homme plein de déraison, vide d’œuvres droites, puéril en tous ses projets, souffrant sans nul bénéfice des épreuves sans fin, poussé par ses désirs immodérés à s’aventurer jusqu’aux limites de la terre..."
Même si la fable est, de nos jours, difficile à lire, sans connaissances et contextualisations historiques, on peut saisir la dimension, toujours vivante, et j'apprécie les gravures de Grandville, il m'a fait découvrir cette fable et Démocrite... passionnant !
Aucun n'est prophète chez soi...
Que j'ai toujours haï les pensers du vulgaire ! Qu'il me semble profane, injuste, et téméraire... Mettant de faux milieux entre la chose et lui, Et mesurant par soi ce qu'il voit en autrui !
lundi 28 février 2022
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Par kiwaïda le lundi 28 février 2022, 00:44 - Art

© Sonia Delaunay : Rhythm Colour (1939)
Sonia, née Stern (ou Sara Illinichtna Sternnote), c’est d’abord une enfant d’ouvriers ukrainiens, née à Gradizhsk, en Ukraine, en 1885, qui aura la chance d’être adoptée par son oncle maternel en manque de descendance, la faisant passer d’un milieu modeste aux cercles intellectuels de Saint-Pétersbourg. De Henri Terk, son oncle, elle prend le nom, et étudie assez peu les beaux-arts : le dessin à Karlsruhe pendant deux ans, puis à Paris à l'Académie de la Palette dans le Quartier du Montparnasse. Devenue Sonia Terk, elle reçoit une éducation digne de ce nom (découvrant les arts, les langues, les voyages) et surtout une rente qui lui permettra de créer à sa guise. Un mariage de convention en 1908, avec le galeriste et collectionneur allemand Wilhelm Uhde, elle a été naturalisée française grâce à ce premier mariage, il l’aidera entre autres à exposer et rencontrer celui qui deviendra son mari et compagnon de vie, Robert Delaunay. Leur relation intime et professionnelle restera admirable jusqu’à la fin. Après une période fauve, elle invente, avec son deuxième mari, une forme de peinture qu'Apollinaire définit du terme vague d'orphisme, qui ne correspond à aucune tendance réelle. Sonia et Robert Delaunay ont surtout travaillé ensemble sur la recherche de la couleur pure et du mouvement des couleurs simultanées. Aucun drame autobiographique, que ce soit ses origines juives ou la naissance de leurs fils Charles, ne viendra altérer son enthousiasme créatif, malgré les conflits (de la Révolution russe à l’Occupation) Elle a allié l’univers de son foyer à celui de la ville mondaine et avant-gardiste qu’était Paris, et tissé des lignes de vie et de chance qui n'ont fait que varier une même énergie vibrante. Des maillots de bain aux tapisseries en passant par la mode ou l’architecture, c’est une seule même quête simple et honnête du contraste des couleurs simultanées qui donne à son travail cette intensité.
Son travail sur le textile, notamment, est influencé par ses origines ukrainiennes : la première couverture qu’elle crée pour son fils, en assemblant plusieurs tissus de couleurs vives, s’inspire directement de la tradition ukrainienne. Elle donne à cette œuvre une dimension cubiste, qui se retrouve au fil de son travail. Les pièces de Sonia Delaunay sont exposées dans les collections permanentes du musée d'Art Moderne et du Centre Georges Pompidou à Paris. C'est une des artistes les plus influentes du 20eme siècle, à une époque où les femmes étaient souvent reléguées au rang de muse ou de modèle. Son travail dans des domaines variés a laissé une empreinte durable dans le monde de l'art.
Extrait de l'article du journal portugais :
Um dos casais mais referenciais da criação artística do século XX, Robert e Sonia Delaunay abriram as portas para um novo movimento artístico: o orfismo, um estilo que resulta da junção do fauvismo e das suas cores garridas e fortes com o cubismo e as suas formas geométricas. A experimentação em tons e em amplitudes visuais tornaram-se habitués de uma dupla que chegou a passar por Portugal, no período da Primeira Guerra Mundial, já parte da conhecida École de Paris, que reunia essa ebulição cultural na capital de França. Travaram, assim, conhecimento e fizeram uma amizade forte com os artistas Amadeo de Souza-Cardoso e Almada Negreiros, para depois, no seu regresso, se abrangerem nas novas expressões criativas que o século XX trazia na força da sua atualidade. Robert Delaunay nasceu em Paris, a 12 de outubro de 1885. Dois meses e dois dias depois, nasceu Sonia, na Ucrânia. Na morte, afastaram-se mais: ele partiu a 25 de outubro de 1941, com 56 anos, sendo vítima de um cancro; ela viveu até 5 de dezembro de 1979, chegando a completar 94 anos de idade. Robert nasceu numa família nobiliárquica, ficando ao cuidado dos seus tios. Foram eles que o incentivaram a seguir a sua ambição de se tornar pintor e foi estudar Artes Decorativas em Paris. Depois de concluir esse curso, colaborou com o Salon de Indépendants e com a Société des Artistes Indépendants, à qual se juntaria na provocação que foi causando aos típicos conservadores, chocados com o abstracionismo ali premente.

© Sonia Delaunay : Marché au Minho (1915)
> 1914 Robert réformé, ils partent en Espagne, puis au Portugal où les marchés de pastèques, melons, les costumes, la musique inspirent Sonia. Cette guerre amènera pour Sonia la fin de sa rente provenant de biens immobiliers de Russie, en 1917 les bolcheviks nationalisent, Sonia est ruinée. Mais la rencontre avec Serge Diaghilev la sauve en lui proposant de créer les décors et costumes d'un ballet Cléopâtre. Sonia décide alors d'arrêter de peindre pour gagner sa vie. Décor de théâtre, ouverture d'une casa Sonia en Espagne où elle vend ses objets, robes, chapeaux, meubles, tissus. La vente d'un tableau les aide à se ré-installer à Paris vers 1921. Sonia s'attèle aux costumes d'une pièce 'Coeur à gaz', d'une fête de charité. Sonia Delaunay crée sans arrêt tissus, robes et manteaux. L'exposition internationale des Arts décoratifs de 1925 la consacre avec sa boutique simultanée. Elle créera même l'habillage d'une voiture. Financièrement c'est très difficile, Sonia continue cependant ses travaux alimentaires. Lors de l'exposition Internationale de 1937 les Delaunay décorent 2 pavillons dont le Pavillon de l'Air. Elle expose au salon des Tuileries, au salon des Réalités nouvelles des Rythmes qui rappellent un peu certaines toiles de Robert Delaunay. Et puis c'est la guerre et l'exode. La mort de Robert en 1941 la laisse désemparée. A la mort de Robert Delaunay en 1941, elle se retire à Grasse jusqu’à la fin de la guerre. En 1946 elle est cofondatrice du Salon des réalités nouvelles et expose avec le groupe Art concret. Elle est également cofondatrice du groupe Espace en 1953. Elle se consacre à l'exposition rétrospective de son mari en 1946 et à son œuvre. Elle renaîtra en 1953 à la peinture, la sienne. En 1960 elle peint un jeu de cartes esquissé lors de sa jeunesse. En 1966, elle rencontre son dernier poète Jacques Damase, elle réalisera autour de ses poèmes 11 pochoirs. Elle recrée des tapis, des lithographies, des décors, des costumes, des toiles. "Jusqu'en 1979, date de sa disparition, elle a toujours créé", explique Anne Montfort, cocommissaire de l'exposition à Paris en 2015 : Sonia Delaunay, Les Couleurs de l’abstraction, au Musée d’Art moderne de la ville de Paris. Ils ont travaillé de concert, Robert et Sonia Delaunay, et Sonia a souvent été assimilée à Robert, en n'étant considérée que comme la "femme de", déplore Anne Montfort. Elle a d'ailleurs tout fait pour que l'œuvre de son mari soit reconnue après sa mort en 1941, au détriment de la sienne." Libre, Sonia Delaunay ne respectait pas la distinction entre "art majeur" et "art mineur". Elle passe allègrement de la peinture aux arts appliqués, dessinant des imprimés "simultanés" pour des tissus, imaginant des manteaux-tableaux, fabriquant des reliures de livres et esquissant des affiches publicitaires.
Décorée de la Légion d'honneur en 1975, elle s'éteint à Paris le 5 décembre 1979... à 94 ans.
Ses œuvres sont d'une incroyable force et créativité, plus d'un siècle plus tard, aujourd'hui, toujours aussi vivantes, au regard de l'abandon de la culture et des artistes, et de ce qu'elles et ils nous enseignent au péril de leur vie, toujours modestes et sans compter sur l'excès de visibilité, mais sur le savoir et la finesse des réalisations.


La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France est un poème écrit au début de l'année 1913, puis il a ensuite été illustré, mis en forme par l'artiste Sonia Delaunay (1885-1979) et publié aux éditions Les hommes Nouveaux à la fin de l'année 1913. Les relations entre le texte de Cendrars et la peinture de Sonia Delaunay sont dictées par la technique du simultané. Les recherches sur la couleur et la lumière menées par les Delaunay s'inscrivent dans les liens tissés entre l'étude de la couleur et celle du son, notamment de la musique. Le rythme dicte la création dans la Prose du Transsibérien, le poème varie entre le rythme intérieur de l'introspection du narrateur et la cadence rapide du train, vitesse fluctuante entre les arrêts et les accélérations de la locomotive. Les formes colorées répondent au même impératif du rythme. Le simultané repose sur la base rythmique du poème, le travail de Sonia Delaunay dépasse ainsi l'illustration du texte.
Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France
Dédiée aux Musiciens
En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon cœur, tour à tour, brûlait comme le temple
D’Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou
Quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout.
Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare
Croustillé d’or,
Avec les grandes amandes des cathédrales toutes blanches
Et l’or mielleux des cloches…
Un vieux moine me lisait la légende de Novgorod
J’avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s’envolaient sur la place
Et mes mains s’envolaient aussi, avec des bruissements d’albatros
Et ceci, c’était les dernières réminiscences du dernier jour
Du tout dernier voyage
Et de la mer.
Pourtant, j’étais fort mauvais poète.
Je ne savais pas aller jusqu’au bout.
J’avais faim
Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres
J’aurais voulu les boire et les casser
Et toutes les vitrines et toutes les rues
Et toutes les maisons et toutes les vies
Et toutes les roues des fiacres qui tournaient en tourbillon sur les mauvais pavés
J’aurais voulu les plonger dans une fournaise de glaives
Et j’aurais voulu broyer tous les os
Et arracher toutes les langues
Et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui m’affolent…
Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe…
Et le soleil était une mauvaise plaie
Qui s’ouvrait comme un brasier.
En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance
J’étais à Moscou, où je voulais me nourrir de flammes
Et je n’avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux
En Sibérie tonnait le canon, c’était la guerre
La faim le froid la peste le choléra
Et les eaux limoneuses de l’Amour charriaient des millions de charognes.
Dans toutes les gares je voyais partir tous les derniers trains
Personne ne pouvait plus partir car on ne délivrait plus de billets
Et les soldats qui s’en allaient auraient bien voulu rester…
Un vieux moine me chantait la légende de Novgorod.
Moi, le mauvais poète qui ne voulait aller nulle part, je pouvais aller partout
Et aussi les marchands avaient encore assez d’argent
Pour aller tenter faire fortune.
Leur train partait tous les vendredis matin.
On disait qu’il y avait beaucoup de morts.
L’un emportait cent caisses de réveils et de coucous de la Forêt-Noire
Un autre, des boîtes à chapeaux, des cylindres et un assortiment de tire-bouchons de Sheffield
Un autre, des cercueils de Malmoë remplis de boîtes de conserve et de sardines à l’huile
Puis il y avait beaucoup de femmes
Des femmes, des entre-jambes à louer qui pouvaient aussi servir
De cercueils
Elles étaient toutes patentées
On disait qu’il y avait beaucoup de morts là-bas
Elles voyageaient à prix réduits
Et avaient toutes un compte-courant à la banque.
Or, un vendredi matin, ce fut enfin mon tour
On était en décembre
Et je partis moi aussi pour accompagner le voyageur en bijouterie qui se rendait à Kharbine
Nous avions deux coupés dans l’express et 34 coffres de joaillerie de Pforzheim
De la camelote allemande “Made in Germany”
Il m’avait habillé de neuf, et en montant dans le train j’avais perdu un bouton
- Je m’en souviens, je m’en souviens, j’y ai souvent pensé depuis -
Je couchais sur les coffres et j’étais tout heureux de pouvoir jouer avec le browning nickelé qu’il m’avait aussi donné
J’étais très heureux insouciant
Je croyais jouer aux brigands
Nous avions volé le trésor de Golconde
Et nous allions, grâce au transsibérien, le cacher de l’autre côté du monde
Je devais le défendre contre les voleurs de l’Oural qui avaient attaqué les saltimbanques de Jules Verne
Contre les khoungouzes, les boxers de la Chine
Et les enragés petits mongols du Grand Lama
Alibaba et les quarante voleurs
Et les fidèles du terrible Vieux de la montagne
Et surtout, contre les plus modernes
Les rats d’hôtel
Et les spécialistes des express internationaux.
Et pourtant, et pourtant
J’étais triste comme un enfant.
Les rythmes du train
La “moelle chemin-de-fer” des psychiatres américains
Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés
Le ferlin d’or de mon avenir
Mon browning le piano et les jurons des joueurs de cartes dans le compartiment d’à côté
L’épatante présence de Jeanne
L’homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement dans le couloir et qui me regardait en passant
Froissis de femmes
Et le sifflement de la vapeur
Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel
Les vitres sont givrées
Pas de nature!
Et derrière les plaines sibériennes, le ciel bas et les grandes ombres des Taciturnes qui montent et qui descendent
Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle Écossais
Et l’Europe tout entière aperçue au coupe-vent d’un express à toute vapeur
N’est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d’or
Avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l’univers
Est une pauvre pensée…
Du fond de mon cœur des larmes me viennent
Si je pense, Amour, à ma maîtresse;
Elle n’est qu’une enfant, que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée, au fond d’un bordel.
Ce n’est qu’une enfant, blonde, rieuse et triste,
Elle ne sourit pas et ne pleure jamais;
Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire,
Tremble un doux lys d’argent, la fleur du poète.
Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
Avec un long tressaillement à votre approche;
Mais quand moi je lui viens, de-ci, de-là, de fête,
Elle fait un pas, puis ferme les yeux – et fait un pas.
Car elle est mon amour, et les autres femmes
N’ont que des robes d’or sur de grands corps de flammes,
Ma pauvre amie est si esseulée,
Elle est toute nue, n’a pas de corps – elle est trop pauvre.
Elle n’est qu’une fleur candide, fluette,
La fleur du poète, un pauvre lys d’argent,
Tout froid, tout seul, et déjà si fané
Que les larmes me viennent si je pense à son cœur.
Et cette nuit est pareille à cent mille autres quand un train file dans la nuit
- Les comètes tombent -
Et que l’homme et la femme, mêmes jeunes, s’amusent à faire l’amour.
Le ciel est comme la tente déchirée d’un cirque pauvre dans un petit village de pêcheurs
En Flandres
Le soleil est un fumeux quinquet
Et tout au haut d’un trapèze une femme fait la lune.
La clarinette le piston une flûte aigre et un mauvais tambour
Et voici mon berceau
Mon berceau
Il était toujours près du piano quand ma mère comme Madame Bovary jouait les sonates de Beethoven
J’ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
Et l’école buissonnière, dans les gares devant les trains en partance
Maintenant, j’ai fait courir tous les trains derrière moi
Bâle-Tombouctou
J’ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp
Paris-New York
Maintenant, j’ai fait courir tous les trains tout le long de ma vie
Madrid-Stockholm
Et j’ai perdu tous mes paris
Il n’y a plus que la Patagonie, la Patagonie, qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du Sud
Je suis en route
J’ai toujours été en route
Je suis en route avec la petite Jehanne de France.
Le train fait un saut périlleux et retombe sur toutes ses roues
Le train retombe sur ses roues
Le train retombe toujours sur toutes ses roues.
“Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre?”
Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours
Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t’a nourrie, du Sacré-Cœur contre lequel tu t’es blottie
Paris a disparu et son énorme flambée
Il n’y a plus que les cendres continues
La pluie qui tombe
La tourbe qui se gonfle
La Sibérie qui tourne
Les lourdes nappes de neige qui remontent
Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l’air bleui
Le train palpite au cœur des horizons plombés
Et ton chagrin ricane…
“Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”
Les inquiétudes
Oublie les inquiétudes
Toutes les gares lézardées obliques sur la route
Les fils télégraphiques auxquels elles pendent
Les poteaux grimaçants qui gesticulent et les étranglent
Le monde s’étire s’allonge et se retire comme un accordéon qu’une main sadique tourmente
Dans les déchirures du ciel, les locomotives en furie
S’enfuient
Et dans les trous,
Les roues vertigineuses les bouches les voix
Et les chiens du malheur qui aboient à nos trousses
Les démons sont déchaînés
Ferrailles
Tout est un faux accord
Le broun-roun-roun des roues
Chocs
Rebondissements
Nous sommes un orage sous le crâne d’un sourd…
“Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”
Mais oui, tu m’énerves, tu le sais bien, nous sommes bien loin
La folie surchauffée beugle dans la locomotive
La peste le choléra se lèvent comme des braises ardentes sur notre route
Nous disparaissons dans la guerre en plein dans un tunnel
La faim, la putain, se cramponne aux nuages en débandade
Et fiente des batailles en tas puants de morts
Fais comme elle, fais ton métier…
“Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”
Oui, nous le sommes, nous le sommes
Tous les boucs émissaires ont crevé dans ce désert
Entends les sonnailles de ce troupeau galeux
Tomsk Tchéliabinsk Kainsk Obi Taïchet Verkné Oudinsk Kourgane Samara Pensa-Touloune
La mort en Mandchourie
Est notre débarcadère est notre dernier repaire
Ce voyage est terrible
Hier matin
Ivan Oulitch avait les cheveux blancs
Et Kolia Nicolaï Ivanovitch se ronge les doigts depuis quinze jours…
Fais comme elles la Mort la Famine fais ton métier
Ça coûte cent sous, en transsibérien, ça coûte cent roubles
Enfièvre les banquettes et rougeoie sous la table
Le diable est au piano
Ses doigts noueux excitent toutes les femmes
La Nature
Les Gouges
Fais ton métier
Jusqu’à Kharbine…
“Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”
Non mais… fiche-moi la paix… laisse-moi tranquille
Tu as les hanches angulaires
Ton ventre est aigre et tu as la chaude-pisse
C’est tout ce que Paris a mis dans ton giron
C’est aussi un peu d’âme… car tu es malheureuse
J’ai pitié j’ai pitié viens vers moi sur mon cœur
Les roues sont les moulins à vent du pays de Cocagne
Et les moulins à vent sont les béquilles qu’un mendiant fait tournoyer
Nous sommes les culs-de-jatte de l’espace
Nous roulons sur nos quatre plaies
On nous a rogné les ailes
Les ailes de nos sept péchés
Et tous les trains sont les bilboquets du diable
Basse-cour
Le monde moderne
La vitesse n’y peut mais
Le monde moderne
Les lointains sont par trop loin
Et au bout du voyage c’est terrible d’être un homme avec une femme…
“Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre?”
J’ai pitié j’ai pitié viens vers moi je vais te conter une histoire
Viens dans mon lit
Viens sur mon cœur
Je vais te conter une histoire…
Oh viens! Viens!
Aux Fidji règne l’éternel printemps
La paresse
L’amour pâme les couples dans l’herbe haute et la chaude syphilis rôde sous les bananiers
Viens dans les îles perdues du Pacifique!
Elles ont nom du Phénix, des Marquises
Bornéo et Java
Et Célèbes a la forme d’un chat.
Nous ne pouvons pas aller au Japon
Viens au Mexique!
Sur ses hauts plateaux les tulipiers fleurissent
Les lianes tentaculaires sont la chevelure du soleil
On dirait la palette et les pinceaux d’un peintre
Des couleurs étourdissantes comme des gongs,
Rousseau y a été
Il y a ébloui sa vie
C’est le pays des oiseaux
L’oiseau du paradis, l’oiseau-lyre
Le toucan, l’oiseau moqueur
Et le colibri niche au cœur des lys noirs
Viens!
Nous nous aimerons dans les ruines majestueuses d’un temple aztèque
Tu seras mon idole
Une idole bariolée enfantine un peu laide et bizarrement étrange
Oh viens!
Si tu veux nous irons en aéroplane et nous survolerons le pays des mille lacs,
Les nuits y sont démesurément longues
L’ancêtre préhistorique aura peur de mon moteur
J’atterrirai
Et je construirai un hangar pour mon avion avec les os fossiles de mammouth
Le feu primitif réchauffera notre pauvre amour
Samowar
Et nous nous aimerons bien bourgeoisement près du pôle
Oh viens!
Jeanne Jeannette Ninette nini ninon nichon
Mimi mamour ma poupoule mon Pérou
Dodo dondon
Carotte ma crotte
Chouchou p’tit-cœur
Cocotte
Chérie p’tite chèvre
Mon p’tit-péché mignon
Concon
Coucou
Elle dort.
Elle dort
Et de toutes les heures du monde elle n’en a pas gobé une seule
Tous les visages entrevus dans les gares
Toutes les horloges
L’heure de Paris l’heure de Berlin l’heure de Saint-Pétersbourg et l’heure de toutes les gares
Et à Oufa, le visage ensanglanté du canonnier
Et le cadran bêtement lumineux de Grodno
Et l’avance perpétuelle du train
Tous les matins on met les montres à l’heure
Le train avance et le soleil retarde
Rien n’y fait, j’entends les cloches sonores
Le gros bourdon de Notre-Dame
La cloche aigrelette du Louvre qui sonna la Barthélemy
Les carillons rouillés de Bruges-la-Morte
Les sonneries électriques de la bibliothèque de New-York
Les campanes de Venise
Et les cloches de Moscou, l’horloge de la Porte-Rouge qui me comptait les heures quand j’étais dans un bureau
Et mes souvenirs
Le train tonne sur les plaques tournantes
Le train roule
Un gramophone grasseye une marche tzigane
Et le monde, comme l’horloge du quartier juif de Prague, tourne éperdument à rebours.
Effeuille la rose des vents
Voici que bruissent les orages déchaînés
Les trains roulent en tourbillon sur les réseaux enchevêtrés
Bilboquets diaboliques
Il y a des trains qui ne se rencontrent jamais
D’autres se perdent en route
Les chefs de gare jouent aux échecs
Tric-trac
Billard
Caramboles
Paraboles
La voie ferrée est une nouvelle géométrie
Syracuse
Archimède
Et les soldats qui l’égorgèrent
Et les galères
Et les vaisseaux
Et les engins prodigieux qu’il inventa
Et toutes les tueries
L’histoire antique
L’histoire moderne
Les tourbillons
Les naufrages
Même celui du Titanic que j’ai lu dans le journal
Autant d’images-associations que je ne peux pas développer dans mes vers
Car je suis encore fort mauvais poète
Car l’univers me déborde
Car j’ai négligé de m’assurer contre les accidents de chemin de fer
Car je ne sais pas aller jusqu’au bout
Et j’ai peur.
J’ai peur
Je ne sais pas aller jusqu’au bout
Comme mon ami Chagall je pourrais faire une série de tableaux déments
Mais je n’ai pas pris de notes en voyage
“Pardonnez-moi mon ignorance
“Pardonnez-moi de ne plus connaître l’ancien jeu des vers”
Comme dit Guillaume Apollinaire
Tout ce qui concerne la guerre on peut le lire dans les Mémoires de Kouropatkine
Ou dans les journaux japonais qui sont aussi cruellement illustrés
À quoi bon me documenter
Je m’abandonne
Aux sursauts de ma mémoire…
À partir d’Irkoutsk le voyage devint beaucoup trop lent
Beaucoup trop long
Nous étions dans le premier train qui contournait le lac Baïkal
On avait orné la locomotive de drapeaux et de lampions
Et nous avions quitté la gare aux accents tristes de l’hymne au Tzar.
Si j’étais peintre je déverserais beaucoup de rouge, beaucoup de jaune sur la fin de ce voyage
Car je crois bien que nous étions tous un peu fous
Et qu’un délire immense ensanglantait les faces énervées de mes compagnons de voyage.
Comme nous approchions de la Mongolie
Qui ronflait comme un incendie
Le train avait ralenti son allure
Et je percevais dans le grincement perpétuel des roues
Les accents fous et les sanglots
D’une éternelle liturgie
J’ai vu
J’ai vu les trains silencieux les trains noirs qui revenaient de l’Extrême-Orient et qui passaient en fantômes
Et mon œil, comme le fanal d’arrière, court encore derrière ces trains
A Talga 100.000 blessés agonisaient faute de soins
J’ai visité les hôpitaux de Krasnoïarsk
Et à Khilok nous avons croisé un long convoi de soldats fous
J’ai vu, dans les lazarets, des plaies béantes, des blessures qui saignaient à pleines orgues
Et les membres amputés dansaient autour ou s’envolaient dans l’air rauque
L’incendie était sur toutes les faces, dans tous les cœurs
Des doigts idiots tambourinaient sur toutes les vitres
Et sous la pression de la peur, les regards crevaient comme des abcès
Dans toutes les gares on brûlait tous les wagons
Et j’ai vu
J’ai vu des trains de 60 locomotives qui s’enfuyaient à toute vapeur pourchassées par les horizons en rut et des bandes de corbeaux qui s’envolaient désespérément après
Disparaître
Dans la direction de Port-Arthur.
À Tchita nous eûmes quelques jours de répit
Arrêt de cinq jours vu l’encombrement de la voie
Nous le passâmes chez Monsieur Iankéléwitch qui voulait me donner sa fille unique en mariage
Puis le train repartit.
Maintenant c’était moi qui avais pris place au piano et j’avais mal aux dents
Je revois quand je veux cet intérieur si calme, le magasin du père et les yeux de la fille qui venait le soir dans mon lit
Moussorgsky
Et les lieder de Hugo Wolf
Et les sables du Gobi
Et à Khaïlar une caravane de chameaux blancs
Je crois bien que j’étais ivre durant plus de 500 kilomètres
Mais j’étais au piano et c’est tout ce que je vis
Quand on voyage on devrait fermer les yeux
Dormir
J’aurais tant voulu dormir
Je reconnais tous les pays les yeux fermés à leur odeur
Et je reconnais tous les trains au bruit qu’ils font
Les trains d’Europe sont à quatre temps tandis que ceux d’Asie sont à cinq ou sept temps
D’autres vont en sourdine, sont des berceuses
Et il y en a qui dans le bruit monotone des roues me rappelle la prose lourde de Maeterlinck
J’ai déchiffré tous les textes confus des roues et j’ai rassemblé les éléments épars d’une violente beauté
Que je possède
Et qui me force.
Tsitsika et Kharbine
Je ne vais pas plus loin
C’est la dernière station
Je débarquai à Kharbine comme on venait de mettre le feu aux bureaux de la Croix-Rouge.
Ô Paris
Grand foyer chaleureux avec les tisons entrecroisés de tes rues
Et tes vieilles maisons qui se penchent au-dessus et se réchauffent
Comme des aïeules
Et voici des affiches, du rouge du vert multicolore comme mon passé bref du jaune
Jaune la fière couleur des romans de la France à l’étranger.
J’aime me frotter dans les grandes villes aux autobus en marche
Ceux de la ligne Saint-Germain-Montmartre m’emportent à l’assaut de la Butte
Les moteurs beuglent comme les taureaux d’or
Les vaches du crépuscule broutent le Sacré-Cœur
Ô Paris
Gare centrale débarcadère des volontés carrefour des inquiétudes
Seuls les marchands de couleur ont encore un peu de lumière sur leur porte
La Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens m’a envoyé son prospectus
C’est la plus belle église du monde
J’ai des amis qui m’entourent comme des garde-fous
Ils ont peur quand je pars que je ne revienne plus
Toutes les femmes que j’ai rencontrées se dressent aux horizons
Avec les gestes piteux et les regards tristes des sémaphores sous la pluie
Bella, Agnès, Catherine et la mère de mon fils en Italie
Et celle, la mère de mon amour en Amérique
Il y a des cris de sirène qui me déchirent l’âme
Là-bas en Mandchourie un ventre tressaille encore comme dans un accouchement
Je voudrais
Je voudrais n’avoir jamais fait mes voyages
Ce soir un grand amour me tourmente
Et malgré moi je pense à la petite Jehanne de France.
C’est par un soir de tristesse que j’ai écrit ce poème en son honneur
Jeanne
La petite prostituée
Je suis triste je suis triste
J’irai au Lapin Agile me ressouvenir de ma jeunesse perdue
Et boire des petits verres
Puis je rentrerai seul
Paris
Ville de la Tour unique du grand Gibet et de la Roue.
mercredi 9 juin 2021
฿€ℜḠ∃ℜϟ ÉℝÜÐЇ†$
Par kiwaïda le mercredi 9 juin 2021, 17:16 - Art
Nous sommes apparus
comme les bergers érudits
à travers les sources et les champs
en transparence de la mémoire des lieux
installés dans les nuages mammatus
enterrés sous les herbes hautes
chaque pierre accueille l'affamé
et son goût divinatoire
chaque pas éloigne l'infâme
Nous sommes disparus
comme les gouttes de la pluie
Photographies & peintures © Sonia Marques
jeudi 4 février 2021
℘AяTḯґ
Par kiwaïda le jeudi 4 février 2021, 23:55 - Art

Peinture © Sonia Marques
À la veille de ne jamais partir
Na véspera de não partir nunca
Ao menos não há que arrumar malas
Nem que fazer planos em papel,
Com acompanhamento involuntário de esquecimentos,
Para o partir ainda livre do dia seguinte.
Não há que fazer nada
Na véspera de não partir nunca.
Grande sossego de já não haver sequer de que ter sossego!
Grande tranqüilidade a que nem sabe encolher ombros
Por isto tudo, ter pensado o tudo
É o ter chegado deliberadamente a nada.
Grande alegria de não ter precisão de ser alegre,
Como uma oportunidade virada do avesso.
Há quantas vezes vivo
A vida vegetativa do pensamento!
Todos os dias sine linea
Sossego, sim, sossego...
Grande tranqüilidade...
Que repouso, depois de tantas viagens, físicas e psíquicas!
Que prazer olhar para as malas fítando como para nada!
Dormita, alma, dormita!
Aproveita, dormita!
Dormita!
É pouco o tempo que tens! Dormita!
É a véspera de não partir nunca!
+
Poesias de Álvaro de Campos.
Ática, Lisboa, 1944
+
À la veille de ne jamais partir
du moins n’est-il besoin de faire sa valise
ou de jeter des plans sur le papier,
avec tout le cortège involontaire des oublis
pour le départ encore disponible du lendemain.
Le seul travail, c’est de ne rien faire
à la veille de ne jamais partir.
Quel grand repos de n’avoir même pas de quoi avoir à se reposer !
Grande tranquillité, pour qui ne sait même pas hausser les épaules
devant tout cela, d’avoir pensé le tout
et d’avoir de propos délibéré atteint le rien.
Grande joie de n’avoir pas besoin d’être joyeux,
ainsi qu’une occasion retournée à l’envers.
Que de fois il m’advient de vivre
de la vie végétative de la pensée !
Tous les jours, sine linea,
Repos, oui, repos...
Grande tranquillité...
Quelle paix, après tant de voyages, physiques et psychiques !
Quel plaisir de regarder les bagages comme si l’on fixait le néant !
Sommeil, âme, sommeille !
Profite, sommeille !
Sommeille !
Il est court, le temps qui te reste ! Sommeille !
C’est la veille de ne jamais partir !
+
mardi 3 novembre 2020
ℵ☮✞ℰ ☾ℒѦϟϟiℚṲℰ
Par kiwaïda le mardi 3 novembre 2020, 01:00 - Art

Victor HUGO
Recueil : Toute la lyre (1888 et 1893)
NUIT
I.
Le ciel d'étain au ciel de cuivre
Succède. La nuit fait un pas.
Les choses de l'ombre vont vivre.
Les arbres se parlent tout bas.
Le vent, soufflant des empyrées,
Fait frissonner dans l'onde où luit
Le drap d'or des claires soirées,
Les sombres moires de la nuit.
Puis la nuit fait un pas encore.
Tout à l'heure, tout écoutait ;
Maintenant nul bruit n'ose éclore ;
Tout s'enfuit, se cache et se tait.
Tout ce qui vit, existe ou pense,
Regarde avec anxiété
S'avancer ce sombre silence
Dans cette sombre immensité.
C'est l'heure où toute créature
Sent distinctement dans les cieux,
Dans la grande étendue obscure
Le grand Être mystérieux !
II.
Dans ses réflexions profondes,
Ce Dieu qui détruit en créant,
Que pense-t-il de tous ces mondes
Qui vont du chaos au néant ?
Est-ce à nous qu'il prête l'oreille ?
Est-ce aux anges ? Est-ce aux démons ?
A quoi songe-t-il, lui qui veille
A l'heure trouble où nous dormons ?
Que de soleils, spectres sublimes,
Que d'astres à l'orbe éclatant,
Que de mondes dans ces abîmes
Dont peut-être il n'est pas content !
Ainsi que des monstres énormes
Dans l'océan illimité,
Que de créations difformes
Roulent dans cette obscurité !
L'univers, où sa, sève coule,
Mérite-t-il de le fixer ?
Ne va-t-il pas briser ce moule,
Tout jeter, et recommencer ?
III.
Nul asile que la prière !
Cette heure sombre nous fait voir
La création tout entière
Comme un grand édifice noir !
Quand flottent les ombres glacées,
Quand l'azur s'éclipse à nos yeux,
Ce sont d'effrayantes pensées
Que celles qui viennent des cieux !
Oh ! la nuit muette et livide
Fait vibrer quelque chose en nous !
Pourquoi cherche-t-on dans le vide ?
Pourquoi tombe-t-on à genoux ?
Quelle est cette secrète fibre ?
D'où vient que, sous ce. morne effroi,
Le moineau ne se sent plus libre,
Le lion ne se sent plus roi ?
Questions dans l'ombre enfouies !
Au fond du ciel de deuil couvert,
Dans ces profondeurs inouïes
Où l'âme plonge, où l'oeil se perd,
Que se passe-t-il de terrible
Qui fait que l'homme, esprit banni,
A peur de votre calme horrible,
Ô ténèbres de l'infini ?
Le 20 mars 1846.

Photos : Écrans de veille...
samedi 26 septembre 2020
Ṳℵ JѺṲℝ ℵѺϟ Ⓙ☮Ї€ϟ
Par kiwaïda le samedi 26 septembre 2020, 16:26 - Art
Un jour nos joies
Ne dites pas sous les étoiles ce qui ne peut les faire briller
Ne dites pas combien vous avez mal de ne pas être éclairés
Ne dites pas manquer d'amour lorsque les étoiles au-dessus de vous meurent
Pour vous et vous offrent leurs derniers enseignementsLes étincelles effacent nos noms d'usage néant
Amants anéantis nantis d'amour
Qu'un baiser suffit à modeler l'argile
Douce l'aile invisible du départ
Serment sacré de l'envolDes années de patience pour un instant de bonheur
Une joie frémissante sur le brouillon de la vie
Brûle le cœur des âmes agatesLoin, les bois abritent les délires
Ils trébuchent sans trouver leur chemin
La peur du sourire divin les bouscule
S'agglutinent les désolés et les adieuxPleuvra ne pleuvra pas ?
Le panpan se roule en boule
La bavarde répète son texte avec sa salopette violette
Ses ailes pourpres et la violence de son rouge
Culminent, insolents dans le bleu pastel
D'un ciel songeur
Il retient nos joiesUn jour
Nos joiesToujours
Éclateront

Autoportraits (photographies © Sonia Marques)
mercredi 19 août 2020
Ḻʊ@ ηø√α
Par kiwaïda le mercredi 19 août 2020, 22:07 - Art





Fotografías © Sónia Marquès, e poema...
ir onde tudo começa
passar uma camisa branca
de linho em Limoges
e nos encontrarmos
uma noite em Lisboa
duas cidades
duas mesmas letras
dois começos
levante-se uma manhã
e veja o Tejo
a luz branca
reconhecereis você
aérea é a silhueta
de uma cidade
memória branca
o tempo passa
renascido
lundi 15 juin 2020
฿ℒÅℕℭ
Par kiwaïda le lundi 15 juin 2020, 11:25 - Littérature

blanc
Le silence était blanc. Un lac s'adressait à lui, puis il s'adressa à nous. Devant, derrière, passé, futur. Qui était-il ? Doux et si blanc, d'eau et d'argile. C'était une petite boîte, elle pouvait s'ouvrir. Un ours blanc orné de tous les dons. Il ne fallait pas l'ouvrir. La terre est remplie de maux, la mer aussi, les maladies tourmentent les mortels. Le silence la nuit est un cadeau. Il s'était posé au bord de l'eau sous les étoiles de la tempérance et de la prudence. Il regardait les chagrins sans bornes et les douleurs incurables, au loin, de sa rive chaste et sage. C'était un cadeau du ciel. Un ours blanc orné de tous les dons. Il ne fallait pas l'ouvrir.

Photographies © Sonia Marques
jeudi 23 avril 2020
Ð℮яяїèґ℮ μεṧ ρ@υ℘ḯèяεṧ
Par kiwaïda le jeudi 23 avril 2020, 23:25 - Art
Dessin © Sonia Marques (série Les incognitos - 2003)
Derrière mes paupières
La flâneuse s’est
approchée à pas de velours sur mon ventre ensommeillé, puis elle a grimpé sur
mes seins, feignant d’aller toujours plus haut, mais retardée par les buttes,
son corps s’affaissait sur l’une des collines. Son œil noir était devenu bleu
profond, puis bleu ciel, je discernais, pour la première fois, son vrai regard,
clairvoyant. De son frêle cou, une force miraculeuse tirait son crâne vers mon
sein. Elle léchait l’âpre satin, avec vivacité, tout en continuant de grimper à
pas de velours. Parvenue au creux de mon cou, lovée comme une boule gorgée de
bonté, elle lapait ma peau salée. Mouillée, jusqu’au cou, je percevais derrière
mes paupières, l’antre de l’espace qu’elle avait dessiné. Un croissant de lune,
un cil blanc posé sur une nappe de pétrole. Trempée, je nageais à la surface. Tu
sais que les robinets étaient fermés et que nous n’avions plus de lumière pour
nous éclairer la nuit. Les accès aux labels distingués nous étaient interdits,
le jour. Derrière mes paupières, le paysage était inouï, mais interdits aux
munsters, qui n’ont guère de vision intérieure. Leur croûte, pourtant bien
lavée, a une odeur assez développée, qui rebute les narines sensibles. Les
munsters sont trop loin des mystères de la vie pour en humer les parfums et
explorer pleinement la création. La sécheresse jaune aspirait toutes leurs
ressources. Pour ne pas y penser, ils comptaient les morts. Les jours
ressemblaient à une danse macabre et les nuits aux respirations diverses et
variées, insoupçonnées, la vie battait son plein, derrière mes paupières. La
flâneuse reconnaissante me baignait de son énergie soyeuse et brossait mes
rêves dans le sens du poil. Nous regardions sans fard les diurnes limités aux
erreurs de calculs. Nous fermions les yeux sur ce désamour des chiffres et des
beaux mathématiques, sans masque, nous faisions défiler des arpèges de billets
doux. Plats et pleutres, comme ils se présentaient chaque jour, nous pouvions
être attristés par l’immaturité prônée comme modèle infaillible, la maîtrise et le contrôle continu des bonnets d'ânes, que l'on hisse sans conviction au-dessus des beignets frits et trop sucrés. Le silence
imposé nous donnait l’opportunité d’accueillir, ce qu’il se passait derrière
les paupières du monde, éclairés par la nouvelle Lune, dans cet axe frondeur et
tumultueux, propice aux changements de directions, le Soleil ne regardait plus la Lune vainqueur, mais admiratif de l'aurore boréale fugace, les yeux fermés. Devenue une légende
controversée, princesse des beaux bizarres ténèbres, la flâneuse guidait son
monde par le bout du nez. De son petit gabarit, elle avait soumis les plus
lâches et prétentieux et avait passé outre les subalternes, trop ternes et pas
assez invisibles pour mener la quête de l’amour au bord du précipice du désir.
Tous les indésirables éclairés par des projecteurs violents, surlignés à
l’encre magique, vidés de leurs substances cinglée, se retrouvaient dans une
corbeille, enfin réunis, sous la même enseigne, un paradis fiscal aussi
minuscule qu’un ongle coupé, trop gênant pour les contagieuses velléités.
Bienvenu dans les mystères de la vie, tu es un nouveau membre, la nuit porte
fortune, et le bout du bout, s’enfonce dans tes opportunes sagacités. Ni
l’intégration, ni la désintégration n’existent, ni l’égalité, ni la diversité,
aucun de ces maux ne traverse l’esprit des voyageurs intranquilles, car la poésie n’a
pas cette volonté d’écraser qui que ce soit, ni limiter les véhicules de ta
traversée onirique. Bien, venue, et nue. Mange-moi. Bois-moi. Sans maudire. Mouillée jusqu'au cou, la flâneuse s'approche à pas de velours sur ton ventre ensommeillé, derrière mes paupières.
dimanche 19 avril 2020
ÐÅℵϟ Ḻ❝☮ℳℬℛ∃ Ḏ€ ℒ∀ ℕÜi†
Par kiwaïda le dimanche 19 avril 2020, 15:06 - Art
© Sonia Marques (peinture - 2019)
Dans l’ombre de la nuit
Le Soleil s’est
définitivement couché. L’obscurité réduisait notre pouvoir, nous attendions le
lever du jour comme promesse d’une lumière de l’action et de l’espoir. Mais le
jour ne se lèvera plus. Il ne nous regardera plus de haut. Il ne désignera plus
le compte du temps humain. La Lune a pris l’avantage, elle ne sera plus la
soustraction de nos nuitées sur nos journées. Elle est notre seul espoir. Tu le
sais, mon amour, la Lune a éclairé nos rapprochements, dans l’intimité cachée du
jour après jour. Nous nous sommes abrités, lapins lunaires, désignés par la
Lune, lorsqu’elle tombait sur les préjugés du jour. Nous avons inventé une
ombre dans le nocturne, afin que la Lune devienne notre lumière. Le
scintillement des étoiles parsemait nos draps insomniaques puis, notre
imaginaire impétueux courrait dans les champs noctambules des délices
chavirés à chaque métamorphose. Entrer dans la nuit et ne plus en voir la fin,
s’éterniser en elle et tâter le paysage à l’aveugle. Sombrer sans pouvoir plus
rien retenir et être transpercé par la Lune sans pouvoir percer le jour, sans
plus aucun pouvoir. Consacrer notre amour au voyage des astres, dessiner des
liens d’étoiles en planète, d’une galaxie à l’autre, sans plus aucun point
d’émission, ni de limite entre l’être et le paraître. L’amour a confondu les
hiérarchies, nous a fondu, nos sens crépusculaires interpénétrés. Tu le sais,
l’extinction du Soleil a troublé nos représentations. Les rêves ont envahi
notre réalité, anéantissant tous les calculs visibles à l’œil nu. Encore plus
nus et invisibles aux autres, dénudés et sans arrêt frôlés par les rêves
débordés par le divin, il y a toujours plus à voir que d’ordinaire. Nous avons
trouvé, dans l’ombre de la nuit, de quoi toucher l’essentiel, un amour dont la
clarté des horizons s’est évanoui et respire profondément dans le sublime, ce
drap nocturne éternel, propice aux enlacements et caresses. Fermer les yeux en
pleine nuit, se retrouver à l’ombre, en phase avec sa seule conscience. Nos
paupières ainsi fermées rejoignaient toutes celles des autres. Les solitaires,
les pouvoirs de faire disparaître, ils se dérobent à la possession. Les
couleurs apparaissent dans la nuit avec un effort discret de variation.
L’obscurité impose le contraste et les demi-teintes et les fantaisies espèrent
naître avec exubérance de cette opacité silencieuse. Nous n’avions rien vu
venir, nous sommes devenus cette pénombre, après une inertie et une fatigue
lente, le jour avait pris nos forces, sans écouter nos sensibilités. Le rideau
est tombé, la nuit nous a emporté, et nos angoisses avec, bercées, et
chaleureusement bénies, le sommeil n’est pas notre ennemi. Pour récupérer des
forces, il est même notre fidèle ami. L’amitié du sommeil a trompé les
dépressions du jour, afin d’échapper à ses devoirs de paraître, le seul
calendrier de l’être humain, basé sur les jours et non, les nuits. En fermant
les yeux sur tous les mots d’ordre, solidaires, nous nous en sommes sortis,
nous sommes nés de l’obscur, en accompagnant le vertige du monde. Désespérément
improductifs pour les traces diurnes et les rois de la distinction, notre
destinée s’abîmait, pour eux, dans l’indistinct et l’inquiétude. Notre décalage
avec la norme, nous rapprochait des solitudes trop en mouvement, incontrôlables,
sans obligation de reproduire le visible. Artistes amoureux, dans nos théâtres
d’apparitions, dans l’ombre de la nuit, nous avions mis à distance le réel,
pour mieux nous en souvenir et tracer dans notre mémoire sensible, les dessins
rédempteurs, des phénomènes de l’amour. C’est dans cette promiscuité profonde
et lunaire que la surface s’était engloutie et nous avait enveloppé ensuite,
pour nous habiller de son invisibilité.
Tu ne me vois plus. Je ne te vois plus. Nous nous sommes perdus de vue.
Là, dans l’indicible, une seule certitude : je t’aime.
mercredi 1 avril 2020
ÐÉ☾ѺИℱЇ✝Ṳℝ∃
Par kiwaïda le mercredi 1 avril 2020, 00:25 - Animal

Photographie © Sonia Marques
Déconfit, il daignait se retourner : n'en faites pas tout un foin !
Elle n'était pas seule, il ne voulait jamais la quitter. Il se trouvait maintenant sur son lit de muguets à ses côtés. Elle avait fini par l'accepter, bien qu'il fût un peu petit et qu'elle n'aimât pas beaucoup son mordant et son humour pince-sans-rire, ni ses griffes trop saillantes. Mais elle aimait son courage à vivre, qu'il partageait avec les humains de ce monde. Elle aimait aussi son air déconfit quand son râtelier restait vide, quand ce genre d'évènement, ou sa maîtresse, trompaient son attente. Il hésitait entre l'exil et le royaume, en méditant sur la pensée camusienne. Toujours pas de carottes ? C'est la déconfiture ! S'il est ainsi que tous les Lapins sont égaux : Parle à mon pompon, mes oreilles sont malades !
Sans rancune, espèce de confiné à la noix !
Les terriers sont à la mode, dans le monde entier.
Il y a des années-lumière !
Ils se doraient la pilule, voici qu'ils sont blancs comme des cachets d'aspirine !
Comme moi <3
En telle compagnie intellectuelle, elle n'en finissait pas de tomber sur le cul...
Déconfit, il daignait se retourner : n'en faites pas tout un foin !
Elle n'était pas seule, il ne voulait jamais la quitter. Il se trouvait maintenant sur son lit de muguets à ses côtés. Elle avait fini par l'accepter, bien qu'il fût un peu petit et qu'elle n'aimât pas beaucoup son mordant et son humour pince-sans-rire, ni ses griffes trop saillantes. Mais elle aimait son courage à vivre, qu'il partageait avec les humains de ce monde. Elle aimait aussi son air déconfit quand son râtelier restait vide, quand ce genre d'évènement, ou sa maîtresse, trompaient son attente. Il hésitait entre l'exil et le royaume, en méditant sur la pensée camusienne. Toujours pas de carottes ? C'est la déconfiture ! S'il est ainsi que tous les Lapins sont égaux : Parle à mon pompon, mes oreilles sont malades !
Sans rancune, espèce de confiné à la noix !
Les terriers sont à la mode, dans le monde entier.
Il y a des années-lumière !
Ils se doraient la pilule, voici qu'ils sont blancs comme des cachets d'aspirine !
Comme moi <3
En telle compagnie intellectuelle, elle n'en finissait pas de tomber sur le cul...
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