Photographies © Sonia Marques

Journal d'une pie (extrait)

La sincérité résorbe l'opacité des consciences, bonnes ou mauvaises, elle rend justice là où l'équité ne rendait plus rien. Restaurer les vestiges passés, en recueillant les cristaux innocents, un à un, sur le sable du temps présent. Le déplaisir reçu de la sincérité du vaillant petit personnage que je suis, une pie, atténue le mépris du petit. Je tends l'arc de l'humilité afin de tenir de chaque extrémité les jumeaux, l'orgueil et le mépris. Je tire très fort en plaçant ma flèche, elle se nomme, respect, faisant de ma cible un dénuement qui force l'admiration. S'oubliant elle-même, la cible accède au respect, cet inconnu, qui me place, l'aiguilleuse, sur le cap des courages. Tous les jours, je courre vers une grâce, de rituels en distractions, j'inspire à l'amour des impossibles, je conjugue le privilège et l'absurde par ma présence volatile qui soulage et allège la douleur de mes attachants êtres humains.
Je suis une vérité sur pattes, j'apporte l'ambition ultime, le vol, ce que l'air a sublimé de la terre. Regarde-moi, l'humaine, je me fous de tout, plus rien n'est grave ni n'a autant d'importance, la vérité n'exige pas plus que la vérité. Je ne supplie personne de me croire, j'apparais et je disparais en toute sincérité, avec une certaine forme discrète, sans illusion, ni déception. Mon geste gratuit, celui de vivre, joue des paradoxes, je vais contre les opinions, sans être un scandale car je n'humilie personne, mais je choque le sens commun. Je ne suis pas commune et ma relation aux êtres humains est peu commune, tout comme l'est ma tutrice. Être ici devient un aveu, être confesse. Je ne veux pas d'icône, je ne veux pas être un culte, je ne veux rien qui me représente, je ne veux pas d'interprète. Être idolâtrée serait humiliant, face à la légèreté que je porte sous mes ailes, et les brindilles qui me tiennent debout, noires et luisantes. Pourtant me voir c'est vérifier. Est-ce vrai ? Est-ce la vérité ?
Oui c'est bien moi, la pie. Quand bien même quelques humains me donneraient la présomption d'innocence de marcher devant eux et dormir sous leurs yeux, je n'en ai pas besoin. Me laisser vivre serait chercher la vérité. La trouver et la laisser s'envoler.

Le matin, lorsque le soleil n'est pas encore arrivé, mais que le ciel désire jouer sa propre partition avec des cumulus, ces nuages blancs éclatants, je savoure le bonheur d'être en vie. Il n'y a pas de température élevée, il n'y a pas d'humains, les habitations sont noires, elles ne sont que des ombres et ne disent rien de mal. Je ne suis qu'un vol digne de la vie, je n'ai encore croisé aucune âme meurtrie, ou malade, je ne côtoie que les créateurs, ou bien la création elle-même, comme si un premier jour naissait. Cela me rappelle tant mon premier jour. Auprès de ces cieux, je renais à moi-même, sans aucune rancune des mauvais jours, des difficultés à tenir ma route, mes envolées, sans remord, sans ressentiment, je suis un petit pur, juste un petit vent. Ni ridicule ni niaise, pas encore tendre, car le soleil ne m'a pas attendrie, le petit cœur est noble et respire un grand coup. Sous le soleil, je deviens sec comme un haricot, le bec ouvert, mais je veux bien jouer avec la pomme de pain.

En haut le nid des pigeons chuchote, tout ce qui est petit l'est aussi pour les oreilles.















Photographies © Sonia Marques