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lundi 10 avril 2023

ℵ☺Li ღℯ ☂@ηℊ℮яℯ


Noli me tangere
Giotto (1304-06)
Fresque, 200 × 185 cm
Chapelle Scrovegni, Padoue
J'ai découvert Giotto lorsque j'avais une quinzaine d'années, notre enseignante d'histoire de l'art, nous projetait de grandes diapositives, sur un écran blanc qui se tirait, et parfois elle prenait le projecteur dans ses mains, sautait sur une estrade, avec ses bottes à talons, et projetait les tableaux sur le mur à notre gauche, afin que nous puissions voir de plus près les détails. Elle s'exclamait, heureuse, d'avoir trouvé une forme nouvelle de monstration. Nous étions loin encore de Nan Goldin et son procédé photographique avec ses diapositives exposées dans des galeries ("d'art contemporain"), et pourtant, l'enseignante alliait la pratique à l'esthétique, dans le même saut, passionnée de peinture italienne (je pense qu'elle était d'origine italienne) Et bien mieux encore, il y avait l'histoire et aucune récupération.
Nous étions dans un petit amphithéâtre, en bois, une salle très belle. Nous avions le devoir, avec ses photocopies en noir et blanc, chez nous, de peaufiner la construction des différents tableaux étudiés, et, avec un calque par-dessus, de tirer des lignes, selon des questions précises, pour mesurer les directions des regards ou les perspectives. Je préparais, avec mes camarades un brevet de technicien, dessinateur maquettiste, l'ancêtre du graphisme (ou du design graphique). Nous étions destinés à réaliser des documents d’exécution d'une précision au compte-fil (loupe à fort grossissement munie d'un support, qui en assure la distance optimale à ce qui est examiné, et d'une échelle de mesure) et au scalpel (bistouri, un instrument utilisé en chirurgie pour faire des incisions, mais aussi dans le graphisme pour couper et gratter de façon très précise), avec des encres de Chine, ou des calques superposés, afin de les envoyer à l'imprimerie. Le numérique et la dématérialisation, ont complètement rendu caduques ces procédés, par contre mon acuité visuelle, et celle de mes camarades, s'est affinée, et nous avions développé une maniaquerie dans l'analyse des images et des graphismes. Nous étions évalués sur l’exécution et la précision de nos tracés, puis, dans ma vie professionnelle, j'ai pu préparer des documents pour les imprimeurs, soit en tant que graphiste, soit en tant que directrice artistique, cheffe de projet, ou artiste, puis en documentaliste... ou en soigneuse d'animaux, ou d'humains, ou... de meubles ! J'ai gardé cette expérience, dans tous les domaines de création, mais aussi dans ma vie quotidienne, et j'ai aidé beaucoup de jeunes gens et d'adultes afin de préparer des documents, des images, des fichiers, de grands tracés. Notre pays ne sait plus recruter des compétences, tout simplement car il n’en cherche plus, il est à l’arrêt et ne se consacre qu’à la politique et l’enseignement des modes de gouvernance. Tout individu pense gouverner l’autre, à titre individuel et lunatique, le plus court chemin se trouve pavé de malédictions, les bonnes consciences s’achètent et le bon sens se perd en route. Déroutes, les Magdas et Maries Madeleines veillent, disciplinées, sur les chemins plus longs, de traverses.
L’intérêt, en histoire de l'art, n'était pas de simuler des lignes, inventer des constructions, mais de mieux observer une image, étudier l'histoire, les évènements, ici, l'histoire aussi sacrée, trois jours après la crucifixion, Marie-Madeleine (Marie de Magdala), disciple de Jésus, se rendait à son tombeau afin de se recueillir, et constatait, que le corps de Jésus avait disparu, le tombeau était vide. C'est juste avant le moment de cette peinture. L'épisode biblique, qui se nomme "Noli me tangere", ce qui veut dire "ne me retient pas".
Dans la tradition chrétienne  : Le dimanche de Pâques, trois jours après la crucifixion, Marie de Magdala se penche sur le tombeau du Christ et s’aperçoit que le corps de Jésus a disparu, le tombeau est vide. A sa place, se trouvent deux anges vêtus de blanc qui lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Marie-Madeleine répond : « Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis. » A ce moment, Marie-Madeleine se retourne et voit un homme qu’elle prend pour un jardinier car il a une bêche sur l’épaule. L’homme dit : « Marie ! » et elle répond : « Maître ! ». Alors Jésus lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leurs : "Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu". » (Évangile selon saint Jean, chapitre 20, versets 11 à 18)
Sur la fresque peinte par Giotto, deux anges sont assis sur le tombeau du Christ ouvert. Il vient de ressusciter. A droite, Marie-Madeleine à genoux implore le Christ, mais celui-ci l’arrête d’un geste de la main en prononçant les paroles : « Noli me tangere ». Un paysage rocheux avec quelques éléments de végétation constitue l’arrière-plan. Le ciel d’un bleu profond représente la moitié de la surface sur la fresque de Padoue (1304). La tête des personnages sacrés est entourée d’un nimbe, disque de lumière permettant de les distinguer des humains. Les soldats qui dorment au premier plan, n'ont rien vus, ce sont des ignorants, ils  contrastent avec Marie de Magdala.

Bien plus tard, lorsque j'ai étudié à l'école supérieure des arts de École Duperré, rue Dupetit-Thouars à Paris, un enseignant et peintre, revenait à Giotto, lorsque nous étions au niveau du diplôme supérieure (niveau Master) Car je travaillais sur les gestes et les mains. Il nous montrait des reproductions de ce peintre, et, nous avait ramené des catalogues, de gros plans, et nous demandait d'être plus attentif à tous les gestes des mains, que ce peintre avait représentés, dans ses peintures ou fresques, la douceur et la présence de ceux-ci. Autre regard, autre manière de voir. Giotto fut l'un des premiers à traiter la scène "Noli me tangere".
Giotto di Bondone ou Ambrogiotto di Bondone, dit Giotto, né en 1266 ou 1267 à Vespignano ou Romignano et mort le 8 janvier 1337 à Florence. Peintre, sculpteur et architecte florentin du Trecento, dont les œuvres sont à l'origine du renouveau de la peinture occidentale. L'influence de sa peinture va provoquer le vaste mouvement général de la Renaissance à partir du siècle suivant.

Il est évident que nos enseignants nous influencent, pour peu que l'on se souvienne de leurs cours. Cette femme et cet homme, ne se connaissaient pas, plusieurs années séparent mes études, du lycée, jusqu'aux études supérieures, pourtant, qu'il s'agisse d'études classiques en histoire de l'art, ou plus tard, dans la mode et le design, nous revenions à quelques éléments de lecture, sensibles et picturaux. Plusieurs œuvres représentent la passion du Christ dans l'histoire de l'art, la célébration la plus importante pour les chrétiens catholiques. Pour cette raison, au cours des siècles, elle a été immortalisée par les artistes sous toutes les formes. Suivre les traces laissées par les peintres à travers Pâques dans l’art, provoquent des surprises. De mon côté je revisite, ce que j'ai appris, plus jeune, et "la passion", puisqu'il en est une, de ces enseignants, n'hésitant pas à créer des fresques avec un lecteur de diapositive, ou remplir sa sacoche de catalogues, pour feuilleter des images et nous suggérer de les commenter, de s'en imprégner, les observer aussi, dans notre quotidien, tous les gestes de nos proches. Dans le milieu hospitalier, lorsque je me suis trouvée rejoindre des proches, lorsqu'ils dormaient, j'étais devant des peintures de la renaissance, la guérison, la paix, le chemin parcouru vers le soin de soi, le recueillement, toutes ces formes intérieures à travers les gestes posés, me faisait être témoin de peintures italiennes, de similitudes, avec ces attentions, au bord des doutes, des bruits électroniques, des battement du cœur, et des auras d'espoirs dans des chambres sommaires, dans un dénuement salutaire.

Sous chaque jardinier, chaque jardinière... se cache un Jésus ressuscité...

mardi 18 mai 2021

℘@ƴṧα❡ε ρℯїᾔ☂üґ℮



Si la peinture m'était contée ?

Elle se trouverait au détour d'une cabane, en dessous d'une feuille de l'arbre vert, sur les plumes du mâle ou de la femelle d'un oiseau exotique, sur l'eau diluée d'un portrait comme une aquarelle du mois de mai, sur le bleu cyan d'un regard qui en dit long... Elle serait la symbiose d'une mémoire sensorielle, elle serait mes souvenirs avec les êtres chers, la ballade avec le soleil et l'amoureux, l'inquiétude de l'orage, le bonheur qu'il éclate, les gouttes de pluie et l'averse sur nos pieds nus, en connexion sans le Wifi ni le Bluetooth, en télépathie avec l'abeille, le miel de notre cœur...










Photographies et peinture © Sonia Marques

Si la peinture m'était contée ?

Il n'y aurait plus de tableau, plus de Musée, plus de muse, plus de pinceau, juste l'éclat du trait de génie, la trace de son passage au gré du vent et de sa bise discrète... Et les yeux fermés, contempler la peinture ainsi faite.

lundi 17 août 2020

тê☂ℯ ℯη ʟ❝αїґ





Photographies © Sonia Marques

dimanche 21 juin 2020

♥ℯґ﹩ ʟ℮﹩ ʝøüґṧ μ℮їℓłℯʊґ﹩

Plonger dans les jours meilleurs pour aller de l'avant, jeter ce que l'on ne veut plus, respirer avec le meilleur, dans les chemins de l'expérience amoureuse.
Tu as toujours été là, nous avons été là, nous irons plus loin.


Photographies © Kiwa & Thejazzist

Des peintures que j'ai réalisées, impressions sur plexiglas...

Un nougat qui nous aimait, en fait une nougatine...

Des tissés divers et variés, et des peintures de tissages...

Tu as toujours été là...

Des dessins joyeux, des farandoles et rubans fantaisistes...

Du raku et de l'indigo...

Mon oiseau bleu, mon ange...

Survivre... Vivre... Sur l'épaule... Résister...

Trouver les ruisseaux aux sources des plaisirs...

Confiance...

La paix...

Limoges... Lucides...

L'art...

La constance...

Le verbe aimer...

*

« Rares sont en effet les relations uniquement fondées sur ce que chacun sait de façon démontrable de l’autre, et rares celles qui dureraient un tant soit peu si la foi n’était pas aussi forte, et souvent même plus forte que les preuves rationnelles. »
Écrivait le philosophe Simmel, sur la relation de confiance.

Je lisais sur "la confiance" :

Toute relation de confiance serait un premier pas risqué, un saut au-delà de la certitude. On ne peut exiger la confiance, cela aurait pour conséquence de repousser l'émergence de la confiance. Le premier pas risqué du pari et de la foi, ne se commande pas. Dans le premier pas, l'individu qui avance et expose sa confiance se trouve dans une position de vulnérabilité, seulement s'il se trouve dans cet état, il peut alors attendre, se mettre à disposition, formelle et normalisée, que sa confiance ne sera pas déçue. Si la réciprocité n'est pas présente, il s'agit d'amener l'autre à la réciprocité, l'initiatique d'un premier don entraine un contre-don.

Un acte qui force le respect n'a pas de caractère obligatoire.
La condition de la préservation.
Si les comportements opportunistes sont sanctionnés, l'absence de communication est un problème différent et conduit ineffablement à la méfiance. Car la confiance nécessite des points d'appuis pour se développer.

Dans un milieu carcéral, on parle de "balance" et de traîtres", et de "complices". Il est des entreprises, des institutions, où ces types et modes, ressemblent à ces langages basés sur la loyauté. Sauf, qu'il faut discerner un lieu carcéral, d'une entreprise, d'une institution toute autre.

Les comportements opportunistes ou liés à la trahison peuvent-être érigés en comportements exemplaires. Ce qui détruit les moteurs de la confiance, dans une société, puisque l'incertitude prévaut, dans toute relation de confiance. Il se situe entre le savoir et le non-savoir.

L'impasse collaborative est dû à une absence de confiance et le sentiment d'inquiétude, que l'on peut constater en France, peut être nourri par l'injustice et le ressentiment. Le recours et les procédures en justice, enlèvent l'ingrédient indispensable de la protection d'une communauté, de son corps. S'il n'était pas possible de se fier aux autres, toute interaction deviendrait incertaine.

« Celui qui sait tout n'a pas besoin de faire confiance, celui qui ne sait rien ne peut raisonnablement même pas faire confiance »  écrit encore Simmel.

Ainsi je crois au lien, c'est un travail et un effort, qui ne demande pas d'effort, dans le sens qu'il n'y a pas de force, sur l'état donné. La paix, à mon sens, est la notion la plus difficile, la plus essentielle, pour vivre ensemble. Chacun avance avec le pardon. Après avoir réfléchi sur les notions abordées par Jankélévitch, autre philosophe, il me semble que le pardon est lié à l'individu et son histoire, quasiment, son karma. Si le pardon, c’est renoncer à l’espoir que le passé aurait pu être différent, nous pourrions accepter les maux du passé comme une fatalité heureuse : le passé devait être ce qu’il fut pour qu’une personne puisse devenir ce qu’elle souhaite être. Pardonner serait toujours pardonner sans avoir le pouvoir d’accorder le pardon. Pardonner l’impardonnable, n'est pas un pouvoir, car il se situe dans l'impossible, c'est une forme de courage qui le transcende. Le courage de pardonner n’existe pas avant la situation dans laquelle je suis appelée à être courageuse. Je trouvais intéressant cette idée, selon Jankélévitch, que se faire Dieu pour l’homme est toujours diabolique, car se faire Dieu parmi les hommes, c’est rendre l’existence des autres hommes impardonnable en souffrant sa propre impossibilité d’être.

Même si l'on se pose continuellement la question de l'impardonnable au regard des atrocités historiques, il me semble que l'impardonnable doit pouvoir être, lorsque l'on considère que le mal radical est placé dans le mal, l'enfer, et ne se tient plus dans l'humain (tel que Hannah Arendt avait déjà exposé ce discernement) Considérer qu'une agression consiste très exactement à rendre l’existence de l’Autre impardonnable, ce serait déchoir la victime de son humanité qui est dégradée en animalité. Considérer qu'un ou qu'une agresseur.e puisse avoir été victime, par le passé, et reproduise le mal, c'est considérer l'agression comme "humaine" et donc s'orienter vers le pardon, comme se pardonner soi-même, de ne pas avoir été à la hauteur d'une défense. C'est humain, tout simplement. C'est rétablir la confiance en soi.
Pour l’impardonnable et les questions historiques, de guerre, oui, je peux, me la poser, mais dans les cas historiques et tels qu'une société est capable d'en analyser les fondements du mal, se référer à l'éthique et à la philosophie. Évidemment, la foi et la spiritualité, tiennent lieu aussi de recherche sur le bien et le mal.

État de la recherche... Ma pensée s'intéresse à la confiance, celle-ci est établie, selon moi, de façon inégalitaire. On ne peut réclamer d'égalité dans la confiance, mais considérer l'incertitude, comme la mesure d'une réciprocité.

Je sais que la pratique est éloignée de la théorie, parfois, mais puisse-t-elle devenir une pratique philosophique ? Sans dogme, mais par l'expérience ? Un à postériori.

lundi 7 décembre 2015

฿☺üłε ∂ε ᾔεїℊ℮

David Hammons, Bliz-aard Ball Sale, 1983, New-York

David Hammons est un artiste américain né en 1943 à Springfield dans l'Illinois. Il travaille dans une variété de médias, y compris la performance, l'installation, la sculpture, la gravure, entre autres modes de production. Une grande partie de son travail intègre au début le corps et des matériaux ordinaires, organiques, cheveux, os de poulet, graisse, instruments de musique, pelles, sacs en papier. Avec des objets fonctionnels David Hammons crée un art qui résonne avec les jeux de mots et l'humour de l'art conceptuel avec une approche spirituelle et la présence corporelle et sociale de la vie afro-américaine.
Sa célèbre action, des boules de neige à vendre, Bliz-aard Ball Sale, en 1983, se trouvait sur ​​la rue à New York, à côtés d'autres vendeurs sur Cooper Square. David Hammons vendait des boules de neige dans différentes tailles, aux passants. En attribuant une valeur et apparaissant à rechercher un profit à partir d'un banal objet éphémère (la neige fond), David Hammons attire l'attention à la fois sur la nature arbitraire du marché de l'art et les conditions financières précaires de la classe ouvrière New-Yorkaise.
Sa pratique unique qui mêle art de l’assemblage, culture populaire, musique de jazz, mémoire de l’esclavage et identité noire, lui permet de rester insaisissable. Ses œuvres sont des contributions incontournables à l’histoire de l’art contemporain et des influences majeures pour plusieurs générations d’artistes depuis les années 1970.
Il voyage en Italie et collabore avec des artistes italiens, ce qui lui a donné l'occasion de partir dans toute l'Europe et à la rencontre de son public artistique comme dans les Magiciens de la Terre au Centre Georges Pompidou (exposition légendaire !) et à la grande Halle de la Villette à Paris en automne 1989.
L'année dernière, le 10 décembre 2014, le Crédac (Centre d'art contemporain d'Ivry), donnait une conférence d'Elvan Zabunyan (David Hammons, sur les traces d'une partition urbaine à la médiathèque d'Ivry) qui s'intégrait dans une réflexion sur les liens parfois méconnus entre l’histoire de l’art contemporain, le contexte colonial et l’héritage de l’esclavage aux États-Unis et dans les Caraïbes. Je n'y ai pas assisté mais je remarque qu'Elvan Zabunyan (historienne de l’art contemporain, travaille depuis le début des années 1990 sur les problématiques issues des cultural studies, des théories postcoloniales et des études de genre), depuis sa publication "Black is a color, une histoire de l’art africain américain"  (aux édition Dis Voir, 2004) reste une référence dans les deux écoles d'art où j'ai le plus enseigné, souvent contextualisé selon les étudiants et le climat de la ville, de l'école, du pays. Mes apports de plus en plus minoritaires, les références auxquelles j'aspire, de plus en plus effacées, ma voix de moins en moins audible. Les boules de neige seront toujours là et la fonte des neiges n'a pas besoin de voix pour nous impacter climatiquement, mais d'actions. Ces jours-ci, les élections et l'emprise des vieux extrémistes politiques français sur nos valeurs, des votants contre l'art, contre l'autre, contre la différence, successivement après la folie meurtrière des jeunes extrémistes français. Triste pays où nous vivons, qui ne connait l'inconfort et la misère et méprise la poésie, un pays qui a peur, celui où j'ai eu accès aux plus belles expositions, des moins valorisées aux plus soutenues, et où je vis, tout ce qui fait que j'aime l'art et l'enseignement, la création et la liberté des formes artistiques. Un pays qui m'a appris beaucoup de l'art, et auquel je retransmets ce que je peux, de moins en moins ce que je veux, je pense être juste, au regard de mon expérience.
- Sommes-nous si peu à reconnaître ses valeurs à les défendre ?
Des amis intellectuels et artistes que je n'entends plus, des cachés entrés en résistance, des muselés, des absents, des partis ailleurs, des isolés, des interdits de manifester, des S.O.S. sans réponses, le désengagement de tout, des interdits de penser de se réunir sur des idées. Seules les réunions festives restent autorisées pour une image surannée de liberté d'expression, exposée aux vents mauvais.
- Sommes-nous si volontaires pour faire semblant ? Pour être exposés aux vents mauvais ?
De l'indépendance d'esprit, nous avons besoin.

David Hammons, Bliz-aard Ball Sale, 1983, New-York

Je repensais à cet accès, et pour ma part, il vient des MJC, ces Maisons des Jeunes et de la Culture, ces lieux initiés des mouvements issu de la résistance de 1944. Là où ma mère m'y a inscrite et y participait, en banlieue, dans les années 70, elles sont devenues des lieux de résistance à l’isolement, à l’intolérance, à l’individualisme, à la morosité, au formatage, ont favorisé l'épanouissement personnel, les rencontres, l'amitié, l'amour, les échanges avec des jeunes si différents, tournés vers des projets communs, des valeurs humaines et riches qui nous rassemblaient au-delà de tout. J'ai tout appris, enfant, de la lecture, de la musique du monde, des métissages culturels, de la danse contemporaine... J'y ai invité des amis, à participer, à apprendre, depuis la capitale ils venaient se nourrir, voir, écouter, des spectacles, danser, dire, dessiner. C'est un beau bagage et il est précieux, une denrée rare dans d'autres contrées. Dans mon parcours, bien avant les grandes villes, la capitale, j'y ai pris goût bien avant, à tout ce qui se joue dans le domaine artistique et se diffuse dans tous les autres domaines. Il est long le chemin et plein de traverses.
J'ai croisé tant de David Hammons, inconnus aux yeux du milieu de l'art, aux visages différents, aux idées singulières, aux styles et attitudes multiples, des jeunes femmes, filles, des danseuses avec des espoirs, des beautés saisissantes, d'Afrique, du Nord de l'Europe, des pays que je n'ai jamais visité, tous comme moi, avec juste le souhait d'apprendre, de créer, dans une économie de moyen, qui ne craignent ni le dépouillement, ni l'ornement, la décoration, ni l'invisibilité médiatique des instants partagés. Une intensité qui dure finalement dans le temps. Mon esprit est contemplatif.

mercredi 11 janvier 2012

ℙ☺üґ ℘êḉн℮ґ à ⅾ℮υ✄ ℓα ʟüη℮

ANY EVER

Ryan Trecartin

Ryan Trecartin
Installation de Ryan Trecartin et Lizzie Fitch au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris - 2012 (Photo : Sonia Marques)
Extrait du communiqué :

Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présente Any Ever, première exposition d’envergure en France des artistes américains Ryan Trecartin et Lizzie Fitch. Depuis plus de cinq ans, ils développent à travers vidéos, installations et sculptures un monde où la culture consumériste et les relations intergénérationnelles sont amplifiées jusqu’à l’absurde.(18 octobre 2011 - 8 janvier 2012)

Ryan Trecartin et Lizzie Fitch travaillent ensemble, la fonction de chacun variant selon les projets. Pour les vidéos, Ryan Trecartin écrit les scénarios, dirige les acteurs et réalise le montage, tandis que Lizzie Fitch se charge de la production. Pour les installations et les sculptures, leur collaboration est fluide, quoique spécifique. Le rôle de chaque intervenant est d’ailleurs toujours détaillé dans le générique des films ou les crédits des œuvres plastiques.
Au-delà du rapport auteur(s)-collaborateur(s), leur travail invente une forme nouvelle de création collective. Dans ses vidéos, Ryan Trecartin fait figure d’homme-orchestre, bien que les rôles tenus par ses amis soient autant de performances individuelles. Les personnages se mélangent, fusionnent, se subdivisent... Le genre, l’âge, l’apparence et la fonction sont autant de données aléatoires dont la permutation sert de ressort à la fiction.
Any Ever
est un univers en expansion. On n’y pénètre qu’en acceptant de réexaminer les codes du monde réel et les règles du langage. La trilogie Trill-ogy Comp (2009) et les quatre films qui composent Re’Search Wait’S (2009-2010) se développent dans l’espace de l’ARC à l’intérieur de pièces destinées à être habitées comme la scène d’un théâtre : chaque vidéo possède ainsi son lieu propre où le son a un rôle à part entière.
Elaborée depuis deux ans avec les artistes, l’exposition du musée d’Art moderne de la Ville de Paris est conçue comme un environnement protéiforme. Le spectateur est entraîné dans un copier-coller sans fin, anarchique et jubilatoire. Cependant, aucun de ces récits n’est univoque ; les comportements s’y répètent en boucle ou soudain échappent aux motivations qui avaient semblé les guider.
Lizzie Fitch et Ryan Trecartin sont nés tous deux en 1981, respectivement dans l’Indiana et au Texas. Ils ont étudié à la Rhode Island School of Design. Ils vivent et travaillent à Los Angeles.

Voir les vidéos de Ryan Trecartin
Télécharger le texte des commissaires

Ryan Trecartin

Image de la Vidéo  "The Re’Search" de Ryan Trecartin
Cette exposition a été époustouflante, tant dans les installations et couleurs, l'utilisation des objets de magasins type Ikea ou bricolage, les sièges et les salles pour visionner les vidéos. Celles-ci peuvent se voir en passant, il y a un fond sonore, mais si l'on s'installe et l'on prend le casque, commence une cascade immersive du 'cut' au 'cut' sonore impressionnante. J'ai beaucoup aimé la vidéo "The Re'Search", avec tous ses caractères de façades de ces pré-adolescentes dans leur chambre qui expriment un monde aliéné d'images et de zapping effréné. Peintes, maquillées, les espace aussi peints et maquillés, peut-être le lociciel After Effects n'est pas loin, dans des tableaux qui vibrent, insolents, des pigments jetables que le cerveau veut rejeter ou il reste scotché fasciné à la vitre. Les voix américaines se coupent la parole, la narration filmique se trouve être entre un rap, un hip hop, un R'n'B contemporain, tandis que des personnalités multiples envahissent l'écran et s'agitent devant la caméra. Des choeurs de jeunes filles chantent, le vocabulaire très scénarisé mêle des langues vernaculaires de SMS, télé-réalité, tourisme mondial, avec une superficialité visuelle à couper le souffle ! Le flux constant de commentaires et contre-commentaires fusionnent dans un rapport synesthésique violent. L'expérience de la simultanéité caricature l'insensibilité avec laquelle nous réagissons face à l'inondation culturelle, les attitudes consuméristes, les blocs de mots et de phrases qui arrivent d'un coup. Cette exploration de la technologie du troisième millénaire, de l'identité, du consumérisme décoiffe certainement les expositions d'artistes français de la même génération parfois trop passéistes qui montrent le plus souvent une peur de l'avenir et ne représentent plus le contemporain malgré l'étiquette. Lyzzie Fitch, artiste, alter ego féminin de Ryan Trecartin, un duo, travaillent ensemble depuis une dizaine d'années sont les précurseurs d'une nouvelle forme de la création collective.

Danser sa vie

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Lectures from Improvisation Technologies by William Forsythe
Reedit: Nik Haffner, Volker Kuchelmeister, Chris Ziegler
Production Management: Julian Gabriel Richter
Performance: William Forsythe
The Forsythe Company and ZKM, 2011
Paris, Centre Pompidou, 2011

Fichier vidéo intégré
Fichier vidéo intégré










William Forsythe réalise un film vidéo à la fois pédagogique et lumineux sur l'imaginaire des formes dans l'espace et des gestes du corps, de la chorégraphie, autours, à l'intérieur, avec, sans, ces formes, ces espaces à géométries variables. Son plaisir est communicatif, c'est un jeu d'incrustations, avec brio lorsqu'il saute l'une des formes, néons, un bâton vertical, tel un magicien qui s'invente ses étapes, relais, haies, échelles à gravir : "champagne"

Exposition au Centre Pompidou jusqu'au 2 avril "Danser sa vie" :
J'ai pu découvrir également un film de performance/danse d'Olafur Eliasson, artiste contemporain danois, né en 1967, (Movement microscope, 2011).

Olafur Eliasson dit :

"En tant qu'artiste, je veux voir une exposition aussi par l'intermédiaire de mon corps. En art, on comprend physiquement ce qui arrive, sans passer par les mots. Il suffit de marcher à travers l'exposition Danser sa vie pour en prendre conscience : les danseurs y font danser les tableaux que l'on croyait statiques, comme Udnie, de Picabia, ou Le Bal Bullier de Sonia Delaunay (1913). Merce Cunningham disait que «le cerveau est dans notre corps tout entier». On reconnaît confusément quelque chose que l'on a déjà éprouvé."

Dans son film, des danseurs se sont mêlés à ses collaborateurs dans son studio de Berlin pour s’essayer au finger connect, danse des mains inspirée du hip-hop.

"Autour de moi à Berlin, j'ai des danseurs, des performeurs, des architectes, des historiens de l'art et des scienti­fiques. Le plasticien américain Bruce Nauman a filmé le vide de son atelier dans sa vidéo Mapping the Studio. Celle que j'ai réalisée pour le Centre Pompidou, Movement Microscope, filme mon studio comme un travail en cours, un processus très physique. L'espace, l'architecture et le corps sont interactifs. Plutôt que de danser dans l'espace, on peut danser un espace, comme le démontre superbement William Forsythe, vrai «space machine» dans ses performances. Je suis un fan de hip-hop depuis l'adolescence. Je pouvais danser comme un robot ! J'ai rencontré alors Steen («popper» du groupe Out of Control, NDLR). Son énergie de danseur urbain galvanise les jeunes de banlieue marginalisés. Il est mon héros."

Dans cette exposition j'ai pu revoir une vidéo mixée de Jeff Mills, avec le superbe pas de danse de Joséphine Baker (The Dancer, 2011) en noir et blanc, un film 16 mm de Jan Fabre (Quando l'uomo principale è una donna, 2004) où l'on voit une femme nue danser (Lisbeth Gruwez), enduite d'huile, aux gestes qui quittent rarement le sol, glisse et vertige du corps sculptural dont l'érotisme premier laisse place à une chorégraphie performance fascinante. Quando l'uomo principale è una donna s'inspire des femmes-pinceaux ou performances anthropométriques d'Yves Klein. L'interprète évolue sous un dôme de bouteilles d'où s'échappe de l'huile d'olive, d'abord au compte-gouttes, puis par filets formant des flaques et transformant la scène en une véritable patinoire.
Revu aussi le podium à ampoules de Felix Gonzalez-Torres, vu et revu, pour se remémorer les années 90, mais toujours sans un seul couple qui danse à l'intérieur ensemble, malgré les traces de pas et les casques près à l'écoute.

Aussi le spectacle de Jérôme Bel : THE SHOW MUST GO ON
Un spectacle repère de la fin de ces années 1990, pour un art chorégrahique qui se passe de mouvement dansé, une pièce conceptuelle, avec fantaisie et humour. La bande son des années pop et rock, airs connus et reconnus induisent ou non des actions simples et répétitives. On peut voir en ligne ou télécharger un film en 2 parties de Jérôme Bel, sur son site Internet, expliquant ce spectacle.

Et des petits Matthews Barney, un régal ! Le duel homme-bouc, mythologie moderne, enrobés plutôt qu'encadrés.

Matthews Barney


Matthews Barney  Matthews Barney


Matthews Barney
Matthew Barney ENVELOPA : Drawing Restraint 7 (kid) (détail), 1993 Diptyque d’épreuves gélatino-argentiques dans des cadres en plastique prothétique

Le sentiment des choses

Exposition au Plateau (Paris jusqu'au 26 février) / Commissaires  : Elodie Royer et Yoann Gourmel

Lenka Clayton et Michael Crowe, Isabelle Cornaro, Julien Crépieux, Robert Filliou, Martino Gamper, Ryan Gander, Mark Geffriaud, Ray Johnson, Chitti Kasemkitvatana, Bruno Munari, The Play, Bruno Persat, Pratchaya Phinthong, Chloé Quenum, Clément Rodzielski, Fred Sandback, Mieko Shiomi.

Extrait du communiqué :

Premier volet d’une série d’expositions proposée par Elodie Royer et Yoann Gourmel, commissaires invités pour la saison 2011-2012, l’exposition collective « Le sentiment des choses » prend pour point de départ le travail et l’esprit de l’inventeur, artiste, designer, écrivain, illustrateur, graphiste, pédagogue Bruno Munari, « un Peter Pan à l’envergure d’un Léonard », selon l’expression de Pierre Restany.
Déplaçant et déployant dans la vie quotidienne ses recherches continues sur la circulation et l’instabilité des formes, des signes, des couleurs, de la lumière, des mots, des images, il n’a eu de cesse d’allier imagination et méthode, invention logique et intuitive, au sein d’une démarche à la poursuite de l’essentialité des choses. Des premières peintures futuristes des années 1930 aux livres illisibles, des machines inutiles aux fourchettes parlantes, des xérographies originales jusqu’aux structures à haute tension des années 1990, Munari s’est joué toute sa vie avec une grande économie de moyens des catégories et des disciplines, dans une tentative de les fondre dans une seule pratique radicale et généreuse de l’art, incitant chacun à développer sa propre curiosité et créativité.
Plus prospective que rétrospective, cette exposition ne cherche cependant pas tant à mettre l’accent sur son héritage ou ses influences, qu’à remettre en mouvement, en idées et en formes, son travail au milieu d’autres pratiques artistiques. Elle réunit ainsi sur le même plan des peintures, des prototypes, des multiples, des objets design, des livres, des jeux de Munari, et des œuvres d’artistes de différentes générations et nationalités, partageant une attitude et un esprit animés par le jeu, la sincérité, l’économie, la poésie.
Construire puis démonter chaque été pendant dix ans une pyramide en bois au sommet d’une montagne et attendre qu’un éclair vienne la frapper, envoyer quotidiennement des lettres collages à des amis ou à des inconnus, tenir une galerie dans son chapeau, reproduire un mouvement de caméra à l’aide de peintures abstraites, bâtir une maison sur les bases d’une conversation, réaliser des dessins muraux à l’aide d’un ballon de foot, faire des sculptures à emmener avec soi en voyage ou avec un fil de laine sont ainsi certains des gestes et des œuvres que l’on peut y croiser.
Proposant une situation ouverte dont les détours importent davantage que la destination, où le processus et l'expérience partagée priment souvent sur le résultat, cette exposition « en groupe » suggère un frottement conceptuel et sensible de ces différentes pratiques, contemporaines et historiques, dans ce qu’elles ont de commun comme de dissonant. Des démarches individuelles ou collectives qui, dans une sorte de défiance face à la notion d'œuvre d'art comme objet fini et fétichisé, privilégient une relation subjective et fragmentaire à l’œuvre, entendue comme précaire, transitoire, multiple.
On ne connaîtrait « le cœur des choses » qu’à travers les sentiments qu’elles éveillent en nous. C’est ce que formule le mono no aware, principe littéraire japonais, définissant les émotions qui naissent en nous au contact des faits et des choses comme le seul moyen d’en connaître leur substance. « Le sentiment des choses » en est une traduction possible et élusive.


Robert Filliou
Affiche de © Robert Filliou, 1967 : L'immortelle mort du monde

J'ai beaucoup apprécié cette exposition et j'ai découvert un artiste Bruno Munari, sa poésie et redécouvert un autre artiste, génie sans talent, de nationalité poète, Robert Filliou, entre autres, ainsi qu'un collectif japonais : The play. Le journal de l'exposition (gratuit) est très bien réalisé, avec des documents et textes développé et généreux, des éditions de Munari sont en vente sur place. Voici des extraits de ma visite (inside/outside) :


Robert Filliou
Robert Filliou, Danse poème aléatoire collectif, 1962 © Nelson Freeman, Paris/ Michel Tabanou

ROBERT FILLIOU

Né à Sauve en 1926 – Décédé en 1987, Les Eyzies (France)
Robert Filliou fut un artiste nomade. Un nomadisme à entendre tout aussi bien au sens propre qu’au sens figuré, tant sa vie compte de pays rencontrés, tant son œuvre se caractérise par l’exploration permanente de nouveaux territoires. Proche de Fluxus, par sa volonté d’un art rendu à la vie, à la fois ludique et participatif, il refusera cependant toujours toute étiquette, nuisible à la spontanéité, moteur de la « création permanente », moment ultime de l’homme. Car tout le travail de Filliou se ressaisit comme une remise en question inexorable de la pratique artistique à partir d’une réflexion anthropologique radicale : tout homme est un génie empêtré dans des savoirs et des savoirs-faire qui lui dérobent cette génialité primordiale. Anthropologie en droite ligne inspirée par la philosophie Zen, qui, au travers des notions de non-savoir et de non-agir, alimentera sans cesse chacune de ses créations.

 
Robert Filliou
Avec des crochets et une ficelle rafistolée fixée à deux bâtons, Robert Filliou compose "Pour pêcher à deux la lune" 1962-84

La règle et le hasard

(Extrait de Parlé écrit / verbale scritto – Bruno Munari Il Melangolo, 1992, éditions Corraini, 2008)

Comme le jour et la nuit
la règle et le hasard sont deux contraires
comme la lumière et l’obscurité
comme le rouge et le vert
comme le chaud et le froid
comme l’humide et le sec
comme le masculin et le féminin
La règle rassure,
la géométrie nous aide à connaître
les structures ou à construire un monde dans lequel
on peut évoluer sans crainte.
Le hasard est l’imprévu
parfois terrible
parfois heureux la rencontre avec quelqu’un
avec qui s’établit tout de suite
l’amour et la sympathie,
l’explosion de la solution
la découverte d’un phénomène.
La règle est mentale
on la construit avec logique
tout est prévu
avec la règle on peut construire
un programme.
Le hasard naît du climat
du contexte général, social,
géographique, des récepteurs sensoriels.
Un parfum d’eucalyptus
la forme d’un caillou le rythme des vagues...
La règle seule est monotone,
le hasard seul est inquiétant.
Les orientaux disent :
la perfection est belle mais elle est stupide
il faut la connaître mais la bousculer.
La combinaison de la règle et du hasard
c’est la vie, c’est l’art
c’est la fantaisie, c’est l’équilibre.

Bruno Munari
Bruno Munari, Sculpture de voyage, 1958 11 exemplaires Courtesy Fondazione J. Vodoz e B. Danese Photographie : © Roberto Marossi
Bruno Munari

BRUNO MUNARI

Né en 1907 à Milan – Décédé en 1998, à Milan (Italie)
Bruno Munari s’est intéressé au graphisme, à l’illustration, au livre, tout autant qu’aux arts plastiques, au design, à la photographie, au cinéma. Il a traversé et participé à de nombreux mouvements artistiques des avant gardes du début du 20ème siècle. Très jeune, il participe aux mouvements Futuriste et Surréaliste. Très impliqué dans le Mouvement Art Concret, fondé à Milan en 1947, qui regroupe, entre autres, des artistes comme Max Bill, Klee, Kandinsky, Arp, Sottsass, il expérimente les formes géométriques, triangle, cercle, carré, cherchant à supprimer le superflu. Son travail concilie l’architecture, le design industriel et les arts visuels chers au Bauhaus. Dès les années 1930, le livre va devenir le support de ses recherches artistiques. Formé par l’un des maîtres du Bauhaus, Herbert Bayer, l’activité graphique de Munari commence avec des innovations radicales. Son goût pour la typographie l’amène à utiliser la lettre comme un langage en soi, à la manière du constructiviste russe El Lissitzky. S’inspirant d’anciens livres d’anatomie, il introduit des feuilles transparentes qu’il juxtapose entre des feuilles opaques, il joue sur les dimensions et les matériaux, mettant l’accent sur l’aspect tactile du livre-objet, sans oublier l’aspect ludique et l’humour. Il s’adresse tout particulièrement à l’enfant qui sommeille en nous avec ses « livres illisibles » (1949), avant la série des « Pré-livres » destinés aux tout-petits. Appliquant au livre ses expérimentations d’artiste dans un but d’appropriation par le lecteur, il vise l’art « de tous » et non « pour tous ». Passionné de pédagogie, il crée des ateliers de découverte, à l’instar de celui installé en 1977 à l’École des Beaux-Arts, dite Brera, de Milan. Il réalise des performances pour un jeune public, activité dont il ne se lassera jamais. Son influence s’étend jusqu’au Japon et en Amérique du Sud. L’exposition « Le sentiment des choses » présente l’étendue de la créativité de Bruno Munari, sous ses multiples facettes.


The play

1977-1986 Ensemble de photographies, posters, dessins documentant cette même action pendant 10 ans
The Play, Thunder, 1977 - 1986 © The Play

THE PLAY


The Play Collectif fondé en 1967 au Japon Situant « sans raison particulière » la plupart de leurs actions dans la nature en avouant simplement « aimer le temps et l’espace infinis du plein air », The Play est un groupe à géométrie variable composé d’individus aux personnalités et aux compétences diverses formé en 1966 dans la région du Kansaï au Japon et toujours en activité aujourd’hui. Au-delà de la critique des institutions sociales et artistiques caractéristiques du contexte japonais des années 1960, le groupe n’a cessé d’inventer ses propres modalités d’actions collectives et leur transmission en créant à plusieurs la possibilité qu’un événement advienne sans se soucier de son résultat. Rejetant implicitement la notion d’œuvre d’art comme finalité, le groupe a ainsi toujours mis l’accent sur sa propre dynamique fondée sur l’échange et le faire ensemble, dans sa dimension physique comme spirituelle, à travers la construction de situations éphémères. Dans l’exposition sont présentées des photographies, des dessins, des documents divers, traces fragmentaires d’une œuvre collaborative intitulée Thunder, élaborée de 1977 à 1986. « Pendant dix ans, de 1977 à 1986, nous avons attendu qu’un éclair frappe le Doraishin, un paratonnerre installé en haut d’une tour en bois constituée de pyramides triangulaires, que nous avons construites chaque année en alternance sur le mont Shubu et le mont Ohmine. Nous n’avons jamais pu observer ce phénomène. Le Thunder ne sera plus jamais reconstruit. Conclusion : environ cinquante personnes ont participé chaque année à la construction de cette tour. Et environ cinq cents sont venues visiter cette tour durant dix ans et partager avec nous ces moments d’attente ». (The Play, 1986)



The play      The play   The play

The play 

The play
1977-1986 Ensemble de photographies, posters, dessins documentant cette même action pendant 10 ans
The Play, Thunder, 1977 - 1986 © The Play


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