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vendredi 16 décembre 2022

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Jellycat Design


Petit montage infographique de mes préférées, ces peluches sont la création de Jellycat, une marque Londonienne spécialisée dans la création de peluches. L'humour, la douceur, le souci du détail et la qualité, leur design, se démarquent des autres. L'entreprise est cofondée par les frères Thomas et William Gatacre, elle a réinventé la catégorie des peluches, créant des produits chéris par des clients de tous âges. William est le directeur général de Jellycat et raconte souvent son histoire. "Parfois, vous regardez un espace et vous pensez : cela a besoin d'un sérieux rafraîchissement. C'était le cas du marché des jouets il y a vingt ans. Il était fatigué, et un peu taxidermique" Ainsi, en 1999, Jellycat est né, du nom trouvé par le fils de sept ans de Thomas. Les débuts sont modestes, un petit stand lors d'un salon professionnel, mais la marque s'est rapidement révélée populaire. Ils ont eu des partenariats avec John Lewis, Paul Smith, Selfridges, The Conran Shop, Collette à Paris. Le directeur décrit ces moments, comme de petites joies, pas de grands projets commerciaux, mais très excitants. William se remémore les débuts de Jellycat : le frisson d'obtenir une référence, l'excitation de voir les produits en magasin et d'être invité à Paris pour rencontrer le fondateur de Zadig & Voltaire, Thierry Gillier, dont la fille était fan des jouets de Jellycat. S'inspirant des mondes de l'art, de la mode et du design, l'entreprise exploite un modèle saisonnier, proposant plus de 200 nouveaux articles chaque janvier et juillet. Cette stratégie a rendu leurs produits très convoités. À la lecture de nombreux forums de fans de Jellycat en ligne, la marque frise l'obsession pour certains produits. En conséquence, le marché de la revente de la marque est énorme, les articles abandonnés se vendant souvent plusieurs fois leur prix de détail d'origine. "La magie est dans le produit, donc tout se résume au design", explique William. La réflexion incessante de Thomas et William sur le concept et le design a conduit à une marque qui plaît à tous les âges. En effet, l'un des plus grands exploits de Jellycat a été de vendre autant de produits aux jeunes adultes que de cadeaux pour bébés et enfants. William décrit certains de ses favoris : ses best-seller, "le Bashful Bunny  (le lapin timide) ; le morceau souriant de fromage de brie complet avec bras et jambes ; le dragon des neiges, et même un plat de fruits de mer câlin – parfait pour égayer un fond Zoom ! A chaque collection, nous faisons un acte de foi", a-t-il dit. "Nous n'organisons pas de groupes de discussion, nous suivons simplement notre instinct. Heureusement, nous avons presque toujours raison... il n'y a pas de meilleur sentiment que de fabriquer quelque chose que vous aimez et de le voir se vendre ! Quand il s'agit de design, la seule chose qui ne nous influence absolument pas, c'est ce que font les autres fabricants de peluches. Nous devons ignorer nos concurrents car si nous les surveillons, cela nous retarde. C'est l'un de nos principes fondamentaux en tant qu'entreprise : nous ne devons pas faire quelque chose simplement parce que quelqu'un d'autre le fait." Cette idée a été à l'origine d'une grande partie du succès de Jellycat et a également éclairé la stratégie de l'entreprise pour éviter les voies de marketing traditionnelles. Contrairement à ses concurrents et, en fait, à ses clients, Jellycat n'a pas de canaux de médias sociaux, ce qui semble presque impensable pour une gamme de produits aussi instagrammable. "Il y a quelque chose de merveilleux à être découvert individuellement", dit William, "et nous aimons laisser les produits parler d'eux-mêmes. Les médias sociaux sont quelque chose que nous étudions, mais nous voulons que les gens achètent chez Jellycat parce qu'ils le veulent, pas parce qu'on le leur dit"

Dans mon histoire, personnelle, je n'ai pas été éduquée avec un environnement renouvelé de peluches, cette frénésie consommatrice que l'on observe, mais les seules attribuées, qui me sont restées en mémoire, le sont restées toute l'enfance, durant les années 70, et dans l'esprit : un chien étrange qui aurait pu être londonien, lui aussi, orange ou rose fluo, ou bien plus tardivement, une ourse orange aux yeux verts, que j'ai nommée "Capucine", en raison des fleurs de la couleur orange, des capucines en bordure de mon jardin, à hauteur de mes yeux d'enfant. Et puis, la plus mystérieuse, fut une belette, dans les teintes brunes orangées. Dans les années 70, la couleur orange fut assez répandue, avec le marron (les camels, les cognacs, les caramels, les rouges territes, les pourpres) et le jaune solaire, sans compter les motifs des papiers peints, tous ces éléments et "patterns" sont actuellement revenus à la mode, aussi bien dans le domaine du stylisme, et ses aspects recyclés "éco-responsables", que dans celui de la décoration et la maison. Les motifs orientaux et géométriques étaient manifestes dans les impressions textiles et les nuances colorées furent qualifiées de "couleur-soleil", des couleurs acidulées et toniques, elles étaient contrastées avec des teintes plus froides, le bleu, le gris, avec l'argenté, une métallisation très en vogue, avec le vert, qui correspondaient au début des simulations végétales et celles de la nature.
L'émission télévisée pour enfants de Lîle aux enfants (qui débute en 1974) présentait un gros Casimir (créé par Yves Brunier et Christophe Izard), un dinosaure orange à gros pois, j'avais hérité de son acolyte, en peluche plutôt dure, Hippolyte, son cousin, le maladroit, paresseux, gaffeur, dont j'adorais le nom. Il était vert et était apposé à côté d'une télévision orange, design vintage assez belle. Ma mère avait un certain goût pour le design et les meubles blancs nordiques, acquis pour son appartement de jeune femme, que j'ai côtoyés, entreposés dans leur nouvelle chambre maritale, ensuite léguée, durant mon enfance. J'avais accès à une bibliothèque de livres dans une langue inconnue, avec des couvertures aussi vintages d'un autre pays. Tout était crypté. Cela forme l’œil, et le goût du déchiffrage aussi. Mes camarades, tous de classe modeste, n'avait pas d'égal à ce décor atypique, car du côté maternel, ma famille, était spécialisée dans l'art de chiner, ou tracer par l'image, la photographie, et les nouveaux usages filmiques, de façon mémoriel, située dans les Puces de Paris Saint-Ouen, le plus grand marché d'antiquaires et de brocanteurs au monde. Il y avait donc des expériences diverses et des couleurs et textiles chamarrées transmis, des manières de bricoler des cabinets de curiosités, des agencements des espaces de vie, proches des vies d'artistes, avec peu de moyen mais de l’ingéniosité, des astuces, des ruses, du goût pour les accords entre l'ancien et le moderne. Tels des petits Frida Kahlo, sans le savoir, le tout cohabitait dans une étrange maisonnée repeinte en turquoise, au goût particulier de mon grand-père. Une couleur, entre le vert d'eau et tirant parfois vers le bleu, cela dépendait des rafraîchissements, lorsque l'on est enfant et que l'on passe sa tête à travers les barreaux de la mezzanine, avec un tricot orange, on ne peut qu'être baigné dans une palette de peintres et démarrer ses premiers pas dans un climat libéré des nuances classiques et conventionnelles. Et puis, il y a toute une partie folklorique, qui tient au mariage ibérique de mes parents, une alliance entre l'Espagne et le Portugal, faites de migrations et de transculturations. Je préfère d'ailleurs ce terme espagnol de "transculturation" plutôt que celui utilisé en France d'acculturation. La transculturation désigne le processus par lequel une communauté emprunte certains matériaux à la culture majoritaire pour se les approprier et les refaçonner à son propre usage. Ce concept s'oppose à celui, d'acculturation, car celui-ci plus ancien, désigne l'absorption de la minorité par la culture dominante. Le terme de transculturation, plus récent, développé notamment par l'ethnologue et anthropologue cubain Fernando Ortiz oriente sur le processus de transformation des deux groupes au contact l'un de l'autre en soulignant les aspects créatifs que cela comporte. J'aime assez l'idée de traverser, dans la transculturation. Cette idée du voyage et du déplacement, est au cœur de mes processus de création. Les arts numériques ont été, dans mon parcours, un territoire d'investigation, où les frontières étaient traversées et respectées en tant que créations nouvelles, sans limiter le sujet dans une identité déterminée par d'autres, et des origines més-interprétées avec tous leurs lots d'à priori. J'ai ainsi apprécié faire partie des usagers d'une certaine folksonomie sur Internet, basée sur une indexation personnelle, que je continue de poursuivre. Les nuages de mots ont été mes moteurs pour naviguer, avant même qu'ils ne soient formalisés par le Web 2.0.

Ainsi, je peux à présent relier, une de mes réalisations en céramique, qui emprunte à cette mémoire des couleurs, sensorielle à tous point de vue, que j'ai réalisée dans ma ville à Limoges :

Je me suis intéressée à la couleur "terre de Sienne", en 2010, et son pigment minéral naturel, de teinte brune rougeâtre, dont j'ai recherché une nuance très spécifique en céramique, pour mon œuvre de grande envergure, "Cendrillon". Dans l'élaboration de ce puzzle de biscuits décorés à la main, et dont, chaque tuile, fut aussi modelée à la main, en céramique et porcelaine, d'un savant mélange de rébus destinés à être jeté, des excédents, j'ai confectionné et étalé comme des pâtes à cuisiner, chaque carreau, émaillé et traité individuellement, par mes soins, afin d'être verni de couleurs et motifs graphiques différents, se juxtaposant ensuite, par vibrations, ainsi tous disposés, avec un jeu visuel mathématique, entre figure et abstraction, tel un tapis lumineux et chatoyant, indécent et magique. Je pense que les couleurs solaires, qui contrastaient avec les noirs et blancs et leurs motifs (comme des signes typographiques pixelisés et numériques, toutes sortes de hastags, dièses musicaux) étaient issus de ces nuances colorées de mon enfance, des années 70, et s'inscrivaient dans une composition ambitieuse, une fresque, un décor d'azulejaria, d'une histoire revisitée, de cet art des carreaux de céramique ibériques, mozarabes et portugais, des Maures, typiques de l'art mauresque. La matrice, le nuancier, que j'ai créé, était si particulier, et les couleurs provenaient d'une mémoire qui s'est imprimée, surtout avec le jaune, et le brun, majoritaires, des couleurs solaires, très chaleureuses.
Dans la région porcelainière du Limousin, où j'ai conçu et créé cette installation, et l'ai exposée dans la ville de Saint-Yrieix-la-Perche, berceau de la découverte du kaolin (l'argile essentielle à la fabrication de la porcelaine, prénommé "l'or blanc", l'exploitation des carrières se réalise en 1786, alors que la Chine découvre et utilise la porcelaine dès le XII e siècle) c'était une véritable gageure. Car cette région du centre de la France, orne et décore toujours traditionnellement ses espaces patrimoniaux, d'assiettes blanches et divers objets de porcelaine blancs, avec très peu de couleurs, voir quasiment pas. Souvent les visiteurs et clients de ces lieux labellisés, sont plutôt aisés et retraités. On peut visiter de petits espaces, réservés, avec des créations d'artistes qui rassemblent des œuvres uniquement blanches, sans aucun décor, ni même d'aspérité. Toute expression est effacée, tout métissage, tout voyage exporté-importé, toute histoire. Souvent, je me suis posée la question de la répétition de ces formes, qui se situent entre art de l'artisanat pour décor d'intérieur et art contemporain. Le silence devait dominer, comme si des drames historiques de guerre, ou de conflit, empêchaient tout dire, toute évocation d'un égo, d'une personnalité, et qu'en groupe, tous les artistes devaient choisir d'immaculer leurs objets ou sculptures, d'un commun accord. Comme s'il fallait s'abstraire de l’indicible, éviter toute culpabilité ou collaboration, ou faux pas. C'est ainsi que je le ressentais en écoutant aussi les exposants designers à mes côtés, surpris par ma proposition franche et généreuse, qui pouvait être censurée par son audace, questionnant les couleurs autorisées dans leurs circuits habituels d'exposition, ou leurs formations artistiques.
J'ai rencontré une spécialiste des contes littéraires, Élisabeth Lemirre, venue faire une conférence à Limoges, à laquelle j'ai assisté dans la belle bibliothèque multimédia, sur le conte spécifique de Cendrillon, et apporter des éléments de son livre ("Sous la cendre : figure de Cendrillon", de 2007) Elle m'a fait comprendre que ma réalisation artistique ressemblait aux contes africains, plutôt que la Cendrillon occidentalisée. En Afrique, elle est "noire" et telle une "garce", un peu garçonne, elle désarçonne. Sa beauté résidait dans le côté frondeur de Cendrillon, tels que les contes africains le relatent, et non dans le versant soumis, occidental, de la Cendrillon qui attend patiemment le prince charmant, maltraitée par des femmes, belle-mère et filles, et doit "rentrer dans le rang" afin d'être choisie par le premier venu et se marier avec. Elle avait remarqué mon petit sac en bandoulière, et m'avait dit qu'il était couleur de l'arc-en-ciel, irisé, comme ceux des fées, qu'il y avait une histoire de fées là-dessous.
La question de la couleur était au cœur de ma recherche artistique et la communication de l'historienne, personnelle, m'avait fait questionner les fondements de mon histoire et de mes traversées, car, je n'avais jamais vu ma proposition ainsi. Tous ces croisements coïncidaient : je réalise une œuvre en 2010, du nom d'un conte de fée à Limoges, et, dont quelques prémices pédagogiques, avaient été bien explorés à l'école supérieure d'art d'Angers, où j'ai enseigné une dizaine d'années auparavant, dès 2001, avec deux collègues peintre et designer, à destination des étudiants en Master, d'un atelier de recherche et création, que nous avions nommé du même nom du conte "Cendrillon", pour une rencontre, d'après diplôme, et la professionnalisation (qui avait très bien été accueilli)  ; en devenant professeure à l'école nationale supérieure d'art de Limoges, en infographie et et création multimédia (comme à Angers), je conçois et réalise une œuvre entièrement en céramique, de ce même nom, puis, je l'expose dans la région à 2 reprises ; puis un an après, un Opéra de la ville, un spectacle lyrique nommé Cendrillon, que j'ai vu, se produit, et je rencontre une conteuse, qui me raconte le versant de la couleur de mon œuvre. Une traversée assez magique à travers la France et les régions, le tout motivé par mes projets artistiques et pédagogiques reconnus.
Les aspects mathématiques d'une matrice qui multiplie les possibles, un nuancier qui contamine tous les carreaux, et peut se rejouer à l'infini, recréer d'autres figurines ou tableaux abstraits, m'intéressaient plus que tout. Cette réalisation continue de m'inspirer, dans mon parcours, la fulgurance et la sagacité de la méthodologie aussi. C'est la représentation d'un potentiel, une sorte d'autoportrait à un instant T. À la lecture de l'essai "La peur de la couleur", de David Batchelor, artiste, écrivain et directeur d'études au Royal College of Art de Londres, lorsque je voyageais beaucoup en train, chaque semaine pour enseigner en région des Pays de la Loire, avait confirmé certaines de mes réflexions intimes, sur la couleur; telle que je la vivais, ici. Il avait analysé, dès les années 2000, l'histoire de la "chromophobie", en occident, et ce qui se cachait derrière ce phénomène depuis ses origines, au travers d'exemples empruntés à la littérature, à l'architecture et au cinéma. En explorant des thèmes aussi variés que La Baleine blanche de Melville, Le Voyage d'Orient de Le Corbusier, Le Magicien d'Oz ou des expériences d'artistes contemporains, l'auteur montrait comment la couleur s'inscrit, dans l'imaginaire culturel occidental. Il allait jusqu'à qualifier même, une forme de "haine de la couleur", la peur de la perversion ou de la contamination par la couleur, selon lui, s'inscrivent au cœur de la culture occidentale depuis l'Antiquité, soit en l'assimilant à un "corps étranger", oriental, féminin, infantile, vulgaire, pathologique, soit en la reléguant au domaine du superficiel, du superflu ou du cosmétique.

Pour revenir à Jellycat, la grande tortue, que j'ai acquise pour orner le pare-brise d'une voiture japonaise, feu... se fond dans le paysage, avec mes "vrais lapins". Il se trouve que j'ai découvert ces peluches londoniennes, dans le petit magasin à Limoges, adorable, tenu par une femme qui tricote soigneusement ses peluches, "La Lune Noire" et dispose toujours un assortiment des nouvelles créations de Jellycat, entre autres. J'échange très souvent avec les commerçants de ma ville, il n'est pas rare que je présente aussi des créations que je transporte. J'avais un sac grand cabas en velours noir, orné de fleurs et d'un loup blanc d'une créatrice anglaise justement, il est souvent admiré et aimé par tous. C'est ainsi que je peux aussi faire connaître des créateurs et créatrices aux commerçants, qui, à leur tour, me font part de leurs histoires insoupçonnées, si aucune conversation n'est engagée. J'ai toujours pensé que les créations étaient d'excellents médiateurs, entre soi et l'autre, et l'au-delà, comme l'étaient les icônes religieuses, et le sont toujours. À Paris, je ne portais pas grande attention au marché des jouets, ou des peluches. Mais à bien y regarder, ce n'est pas si exact. Il y a une culture quelque part et une formation, que j'ai acquis, au fil du temps :

J'avais un camarade de classe, lors de mon diplôme supérieur aux arts appliqués, à l’École supérieure des arts appliqués Duperré, située au 11, rue Dupetit-Thouars dans le 3ᵉ arrondissement de Paris, dans laquelle j'ai passée 4 années de ma vie à vivre et travailler et étudier avec une grande assiduité et un grand bonheur, début des années 90, qui s'était spécialisé dans la scénographie futuriste des vitrines de Noël, versus soucoupes-volantes et nombre d'objets ludiques métallisés. Il nous avait ainsi sensibilisé au développement de recherches des jouets. Il faut dire que nous avions une bonne équipe de professeurs, et nous étions engagés à travailler également en équipe entre étudiants. J'ai enseigné ainsi, ensuite, par stimulations intellectuelles et tempêtes de cerveaux (brainstorming). À bien y regarder, à cette période, j'ai développé auparavant une gamme, qui était considérée comme une démarche artistique "pure" et non "appliquée". Elle était axée sur des "Boules" que j'avais confectionnées de longue haleine et en solitaire, après des visites d'expositions diverses et ma recherche sur le "gribouillis" en volume (aujourd'hui, on nommerait mes recherches "en 3D") Elles étaient réalisées avec du fil, et parfois des textiles utilisés pour réaliser des polaires ou des peluches, ou tout simplement de la laine. J'avais pressenti la complexité, les réseaux, la cartographie, je m'intéressais aux réseaux de neurones, à comment je pensais et formulais des idées, par grappes de connexions, sans envisager, que je n'étais pas la seule à avoir de telles réflexions intellectuelles. Parfois, je tombais sur des livres ardus de sciences cognitives que je dévorais, sans pouvoir partager mes connaissances avec mes camarades. Je travaillais artistiquement toutes formes de réseaux, avec la photographie, des matériaux que je mixais. Je visitais les magasins dédiés à la maçonnerie, avec mon père, avec l’expérience de sa profession, et j'imaginais des associations de plâtre et de boules de polystyrènes pour faire de gros volumes, ou bien j'associais des éléments d'articulations (des boulons, des roues, des boudins de protections de canalisations, etc.) avec des formes moulées dans des préservatifs distribués gratuitement par les écoles (autant que cela serve aux artistes !), dans cette époque de prévention face au virus du Sida. Toutes mes recherches partagées et présentées époustouflaient mes professeurs, et apportaient plein d'idées aux autres étudiants, cela infusait des pépites de lumière, de petites graines se plantaient comme un jardin fertilisé par l'école, elle savait faire cela, mettre en confiance ses étudiants, et n'avait alors pas besoin de faire de publicité ni d'effort de communication. De grosses boules sont arrivées par magie, et des plus petites, fines et travaillées, très colorées, de velours ou de laines, ou de textiles métallisés, dont j'ai réalisé nombre de photographies, par gammes et saisons, avec des modèles choisi pour leur personnalité, et leurs facéties, leurs capacités à jouer, à s'inventer des personnages, ou se transformer en animaux devant mon objectif, en diablotins ou en anges gardiens, des jeunes hommes et jeunes garçons, de couleurs de peaux différentes, de très beaux souvenirs en commun, sportifs aussi, dynamisants. Les photographies sont magnifiques et toutes ces réalisations étaient présentées lors de mon diplôme, remarqué, notamment par un jury composé des jeunes designers Tsé-Tsé (Sigolène Prébois et Catherine Lévy, qui nous a quitté récemment) elles démarraient tout juste leur entreprise en binôme.
Je n'ai jamais breveté mon idée, mais une trentaine d'années plus tard, des jouets ont été commercialisés avec cette idée très originale. Mes pelotes en boules étaient structurés en armature de fils de fer, amovibles et se formaient à la guise des manipulations, tel des petits "Calder". J'avais été impressionnée par le cirque des années 30, de l'artiste américain Alexandre Calder. Sinon, dans l'espace, mes installations pouvaient prendre des formes expressives dignes du mouvement artistique des peintres de l’expressionnisme abstrait, dont j'appréciais les peintures à cette époque (et j'en réalisais sur 2 mètres au carré) Je visitais beaucoup d'expositions à Paris, en solitaire ou avec un camarade féru d'art et de design également, en binôme. J'admirais les dessins et peintures de CoBrA, un groupe d'artistes qui élaborait à Paris dès les années 1948 des recherches picturales en réaction à la querelle entre l'abstraction et la figuration. Poètes et peintres (j’appréciais le travail du néerlandais Karel Appel et du danois Asger Jorn) certaines de mes grandes peintures en sont assez proches. J'avais entrepris, dans le jardin familial ouvrier, des scénographies de feux d'artifice et guirlandes énormes, lorsque je les déployais. J'étais photographe, donc la traçabilité de ces scènes éphémères étaient envisagées comme des images iconiques. Évidemment, cela avait fait tout le tour de l'école, lorsque je ramenais ces photographies, et à cette période, cela avait engagé d'autres étudiants plus jeunes, qui observait l'engouement général, à réaliser des objets hybrides d'influences de gestes et des arts du spectacle, ce qui n'existait pas encore, dans cette école, qui travaillait principalement sous forme d'images et de magazines. Comme je l'exprimais, dans d'autres articles, j'étais absorbée par "L'énergie du geste" le titre de mon mémoire.
J'ai beaucoup aimé voir la festivité se généraliser dans cette école, l'envie d'avoir envie de créer, de rechercher. Je n'étais pas obsédée par la notion auctoriale, et mon indifférence à la compétition, encore durable, m'a fait prendre un chemin plus singulier et très réfléchi, j'étais l'inspiratrice, mes idées étaient copiées et je n'y pouvais rien. Ma scénographie finale se basait sur un ring de boxe arrangé, il y avait une lutte entre la rigueur des formes en plâtres oblongues et noires (elles auraient pu illustrer la chanson stellaire et onirique, "Madame rêve" d'Alain Bashung), puisqu'elles figuraient le plein des préservatifs, dont je me servais comme moules, que j'étirais à l'aide de pinces ou seulement avec la gravité de mes suspensions, teintées dans la masse, et celles en peluches ou de textiles proches d'oiseaux exotiques. J'opposais ainsi, le dur et le mou, le noir et blanc et les gris bleutés, aux rouges et jaunes solaires, mes propositions étaient très riches de sens, et donnaient généreusement le ton de futures tendances stylistiques. Mes professeurs étaient "fans" de mon travail, mais je l'ai appris seulement qu'aux résultats de fin d'année des diplômés, me félicitant longuement devant mes camarades pour ces 2 années de travail et me reléguant au rang de première de cordée, ce que, je n'avais jamais imaginé durant mes 2 années passées à travailler mes jours et mes nuits. Il y avait 2 équipes d'enseignants, qui ne s'entendaient parfois pas très bien (opposition Mode-stylisme et Textile/couleur), et mes recherches était parvenues à les réunir, mes résultats traduisait la réunion de leurs enseignements et leurs apportait un éclairage inédit, ce qui facilitait la vie étudiante de mes camarades de classe. J'étais donc montrée en exemple du diplôme supérieure en arts appliqués (DSAA "Modes et environnements"), tel qu'ils tentaient de le développer, dans l'idée de la conception et des tendances, pour agences de styles ou cabinets d'architectures, ou du monde automobile, textile. Dans chacune de mes classes et d'études en art, j'étais un élément pacifique, et, le travail le plus discret, s'activait, dans l'harmonie d'un groupe, à rechercher à stimuler intellectuellement et à avoir une attention sympathique pour chacun, de mes amis, sans en laisser au bord de la route.
Plus tard, j'ai été conduite à participer des jurys pour le DSAA dans cette école, une des étudiante a d'ailleurs fait partie ensuite du collectif artistique que j'ai co-fondé, elle a ainsi connu son compagnon, au sein de notre collectif, un informaticien et chercheur en arts génératifs de pixels, avec un intérêt justement en réseaux cognitifs, ce que nous ne manquions pas de discuter. Un enfant est arrivé par la suite. C'est assez amusant, et les jardins de pixels ont généré pas mal de surprises, et de rencontres, dans nos desseins.
J'ai compris, bien plus tard, que ces qualités invisibles, conféraient tout simplement à mon devenir d'enseignante. Sans le savoir, je collaborais aussi aux recherches pédagogiques de mes enseignants, complétant ma participation pour une véritable formation artistique supérieure digne de ce nom. Nous avions travaillé pour le groupe Hermès et j'avais formé une équipe qui me suivait et nous avions remporté un prix, tous ensemble. J'avais appliqué formidablement leur enseignement, jusqu'à m'en émancipé, puisque je me suis tournée vers les beaux-arts à leurs grands regrets, tentant de me dissuader de mon choix, prétextant que les écoles des beaux-arts étaient très mal en point et très conservatrices. À postériori, ils n'avaient pas tout à fait torts sur certains points, même si le chemin que je choisissais, en toute liberté, était le plus juste, dans ma recherche..
Je me suis laissée une année, j'ai travaillé dans des bureaux de styles parisiens (Peclers), ou pour un architecte (Alexis De La Falaise), dans la conception de meubles et d'aménagement de boutiques de modes. J'ai aussi travaillé dans le spectacle, particulièrement dans la danse contemporaine et j'ai été amenée à collaborer activement avec ma chorégraphe, tout en étant danseuse parmi ses élèves, et participants de plusieurs de ses spectacles montrés au public. J'avais fini par m'installer dans un théâtre pour réaliser tous les éléments de sa scénographie pour 3 danseurs, présentés aux plates-formes de Seine-Saint-Denis. J'enseignais dans le même temps des cours d'arts plastiques à des élèves de 6 à 12 ans, dans le Val-d'Oise, avec des idées assez audacieuses, elles ravissaient les parents et les organisateurs et organisatrices de l'association des arts plastiques. Puis j'ai passé le concours à l'école supérieure des Beaux-arts de Paris, et j'ai été sélectionnée en cours d'année, la suite fut une toute autre aventure, les écoles des arts appliqués supérieures et les écoles des Beaux-arts, supérieurs, ont des méthodes très différentes d'enseignement. Ainsi mon parcours des études supérieurs fut très diversifié et assez exceptionnel. Je ne le dois qu'à la notion de l'effort personnel, au désir du meilleur, mais également à la sympathie des liens l'amitié et la reconnaissance du bon, du bien, du vrai, et du mieux chez les autres et à travers les paysages traversés, les régions, les pays et leurs coutumes.

Les boules (© Sonia Marques) 1990-94


Les écoles d'art sont des lieux absolument fabuleux, qui doivent se rééquilibrer, reconnaître leur histoire et ne pas se couper des meilleurs qu'elles ont formés, en se laissant emporter dans des luttes politiques qu'elles ne maîtrisent pas, et dont ce n'est pas leur métier. Se tourner vers le meilleur, en sachant s'opposer aux mauvais comportements qui violentent les étudiants et les professeurs et empêchent de mener à bien les études, seront-elles discerner les enjeux les écoles d'art si nombreuses, en France, ne pas tomber dans des rivalités inutiles qui éliminent l'expérience artistique et la création ? Je ne sais pas et je ne suis pas sollicitée pour témoigner de mon parcours, ainsi je ne peux leurs apporter ni mon soutien ni mon aide précieuse, ni mon expérience confirmée. Les directions sont seules responsables et manquent non pas de moyens, mais de compétences dans l'enseignement artistique et l’appétence de participer au monde en transition à tous points de vue.
Chez les artistes, il a une grande sensibilité aux fragilités du monde et des êtres vivants, même du minéral, du paysage. Leurs facultés résident dans l'expression artistique, l'analyse du détail, des moindres sensations, impressions, de l’infra-mince, des phénomènes, ce qui demande du temps d’observation et de grandes qualités d'imagination, celui  aussi de se connaître, telle l'idée philosophique de Socrate, d'avoir une vie intérieure riche.
Les écoles d'art, telles que je les ai connues, avaient les moyens humains de préserver ces qualités et de les reconnaître. Celles et ceux qui partagent ce temps, avec des artistes ou sont avides de lire, voir, apprendre de leurs réalisations, savent que les œuvres leurs révèlent beaucoup, ce que ne peuvent exprimer ni les informations et leurs médiatisation, ni les pressions du quotidien, l'idée factice de vivre dans l'urgence de tout, et finalement, le rien du tout devient même urgent. La culture est essentielle à la vie et se mature avec le temps, elle est irremplaçable par des algorithmes, le dessin devrait être une discipline, sauvegardée. De meilleurs desseins seraient envisagés et des observations plus fines et précises, douée de la sensibilité de l'âme humaine, cette alliance entre la main et l'esprit, si savante. De la pratique, du temps de paix, pour étudier et non pas rêver de faire la guerre, alors que nous avons tous les outils et les talents pour œuvrer, de concert : se retrousser les manches et n'oublier personne ! Lutter contre les ostracisations qui bloquent toutes les belles énergies. Différences et fantaisies bienveillantes ne devraient pas se se soumettre, dans ces domaines de création, aux pressions de normalisations, qui peuvent masquer une normalisation des violences, un systématisme banalisé.
Il n'est pas étonnant que les plus jeunes soient encore plus sensibilisés sur les questions de l'environnement et aussi de comment sont portées les attentions aux limites de l'autre, ce qui touche aux violences faites aux corps et à leurs exploitations, ce sont des notions bien plus explorées par la génération d'aujourd'hui. Je me sens en accointance avec cette génération. Je me sentais toujours décalée avec la mienne, à présent c'est beaucoup mieux, et, je pense que les écoles en subissent les transformations urgentes et nécessaires, pour pouvoir s'adapter au changement, visible partout ailleurs, dans notre société.

Joyeux Noël à tous, un repos salutaire, après une année socialement mouvementée, intimement émotionnelle, intense et transformatrice ! Douces vacances oranges.


mercredi 12 août 2020

ℭℋṲℭĦṲ

Cozinha da mãe e do mar paisagem do pai...

Pêras doces do jardim



O chuchu e o espírito santo



 

O amor em filigrana, arte de joalharia, para juntar fios de ouro...


Fotografías © Sonia Marques