RUTU (© Rita Angus) 1951


Betty Curnow (© Rita Angus) 1942


Rita Angus était une peintre néo-zélandaise, fille aînée d’un charpentier devenu patron dans la construction. Dès son plus jeune âge, elle souhaitait se consacrer sa vie à la peinture. Ses parents soutiennent son désir et lui donnent pour tuteur un ancien directeur du Canterbury College School of Art. La jeune fille étudie ensuite la peinture dans cet établissement de Christchurch – alors capitale culturelle de la Nouvelle-Zélande – auprès de Leonard Booth et de Cecil Kelly. Elle suit également des conférences à la Elam School of Fine Art d’Auckland en 1930 et découvre, par des reproductions, l’art de la Renaissance Italienne et celui d’autres maîtres comme le Hollandais Vermeer, dont l’œuvre la marque profondément. A 22 ans, elle se marie sur un coup de tête pour divorcer quatre ans plus tard. De 1934 à 1937, illustratrice pour un journal local de Christchurch Press Junior, elle travaille aussi à se forger une œuvre personnelle dans son propre atelier situé à Cambridge Terrace. Privée définitivement de maternité après une fausse couche, elle sera internée quelques mois dans un hôpital psychiatrique. Par la suite, elle vit en solitaire, se consacrant exclusivement à son art à North ou à South Island. Elle ne quitte la Nouvelle-Zélande qu’une seule fois, entre 1958 et 1959, pour un voyage en Europe organisé par les New Zealand Art Societies. R. Angus produit essentiellement des paysages et des portraits. Si elle réalise un nombre important d’aquarelles dans une veine lyrique, ce sont surtout ses grandes huiles sur toile qui la font connaître. Considérée aujourd’hui comme chef de file de l’art régionaliste néo-zélandais, elle propose une vision originale des paysages de son pays. Cass (1936) constitue une œuvre charnière dans la création de son style. Elle y représente une minuscule gare perdue au sein d’un immense paysage. Le trait est précis, vif, la couleur claire, rayonnante, caractéristiques que l’on retrouvera dans tous ses paysages. Dans les années 1950 – 1960, une inspiration surréaliste tardive se fait sentir dans plusieurs paysages qui jouent sur la déconstruction de l’image ou sur la présence d’objets étranges comme des pierres flottantes (Two Stones, 1966). Ses portraits, tout comme ses nombreux autoportraits, présentent la même clarté, la même insistance sur la structure et la même franchise de couleur. En 1936-1937, alors même qu’elle vient de divorcer et de tomber malade, elle se peint en femme sûre d’elle-même, élégante, moderne, avec gants et cigarette, le regard affûté. À la fin des années 1930 – ses années mondaines –, elle fait de nombreux portraits qui présentent la même touche dans la construction (Fay and Jane Birkinshaw, 1938). Elle peint également quelques œuvres au caractère symbolique, dont trois « portraits » de déesses qui sont la réponse de cette pacifiste résolue à la Seconde Guerre Mondiale. Active pendant près de quarante ans, elle n’a guère atteint la notoriété de son vivant. Elle n’obtient sa première exposition personnelle à la Center Gallery de Wellington, qu’à l’âge de 49 ans, et son art n’est présenté que deux fois à l’étranger, dans des expositions collectives sur l’art néo-zélandais – à Londres en 1956 et à Washington en 1969. La reconnaissance lui vient à titre posthume, avec une grande exposition rétrospective itinérante en 1983-1984, véritable révélation qui marque durablement de nombreux artistes néo-zélandais contemporains. Le centenaire de sa naissance a donné lieu à une nouvelle rétrospective, à Wellington, qui a réuni plus de 400 œuvres. L’œuvre de Rita Angus (1908-1970) est dominée par l’autoportrait. Dans leur caractérisation sans faille, ces portraits reflètent des voyages à la fois techniques et spirituels. Beaucoup sont strictement objectifs mais d’autres, comme cet ouvrage, sont hautement symboliques.








Sa peinture, Rutu de 1951, a été réalisée  peu de temps après que l'artiste se soit remis d'une dépression physique et mentale et constitue probablement son autoportrait le plus imaginatif. La représentation de Rutu fait référence à de nombreuses représentations de la Vierge Marie, mais elle a la peau foncée et les cheveux clairs. Derrière elle, le soleil ressemble presque à un halo. Rutu regarde l'intérieur des terres depuis la mer de Tasmanie et son trône est orné de coquillages et de végétation luxuriante. Cette peinture fusionne les emblèmes chrétiens et pacifiques dans une célébration d’une culture hybride et uniquement néo-zélandaise.

Le portrait de Betty Curnow de 1942 est le résultat de nombreuses séances préparatoires et discussions sur le portrait avec Elizabeth Jamaux Curnow, peintre et graveur. Les deux femmes ont collaboré en sélectionnant les objets et les costumes qui représenteraient le mieux Curnow, sa vie de famille et son histoire. Les objets entourant Curnow sont imprégnés de symbolisme personnel. Elle est proche des siens, assise sur la chaise de sa grand-mère devant le portrait de son père. La présence de son mari, le poète Allen Curnow, transparaît dans ses nombreux livres. Elle tient le pantalon de son fils Wystan qu’elle était en train de raccommoder. Une aquarelle d'Angus, offerte à la famille, est posée sur l'étagère. Il fait référence à l’enfance de Curnow à Canterbury. Tant l’impression de la scène des récoltes de Jan Brueghel que les formes ovoïdes répétitives font allusion à la fertilité. Le charisme de ce portrait en a fait un emblème de la peinture néo-zélandaise.

Au milieu des années 1930, Rita Angus avait la vingtaine et travaillait comme artiste commerciale indépendante, écrivant et illustrant des histoires dans le supplément Press Junior, dans un petit studio de Chancery Lane à Christchurch. Elle faisait partie d'un réseau de femmes indépendantes travaillant dans les arts, dont Olivia Spencer Bower, Louise Henderson, la violoncelliste Valmai Moffett et son amie Jean Stevenson, rédactrice en chef du Press Junior. À cette époque, elle faisait des voyages réguliers pour explorer la campagne néo-zélandaise ; elle rendait fréquemment visite à son amant Harvey Gresham à North Canterbury.

Ses paysages et ses portraits sont très contemporains, les détails semblent quasiment être réalisés parfois depuis une vitre de train, lors de ses déplacements. Graphiques, ses peintures sont aussi le résultat de son attrait pour les mathématiques, la géométrie, tant dans la rupture académique, que dans le découpage des vues et des présences humaines, des poteaux de télégraphes, des lignes déssinées par les télécommunications, le mouvement des herbes et des nuages tourbillonnant. Nous sommes face à des illustrations graphiques splendides, réalisées par une artiste peintre qui est née le siècle dernier.

C'est la première fois que je découvre le travail d'une artiste, grâce au programme de Google qui permet de voir des Musées, ou visiter les œuvres de ceux-ci. Lorsque l'on n'a plus accès aux Musées, c'est une belle digression, s'apercevoir qu'un accès demeure encore là, pour celles et ceux qui aiment la peinture, l'art et tant d'autres choses. Puissions nous croire aux jours meilleurs.