Photographies © Sonia Marques

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Avec un petit pincement au cœur, je regardais les photographies de la pie lorsqu'elle était très petite. Je me demandais comment dormait-elle.

Dans la nature, depuis un arbre, le miracle se produisit, la pie tomba vers nous, vers moi, "tcha cha cha cha cha chak", me cria-t-elle. La pie avec ses petites pattes courra me saluer, et bien mieux, me faire la fête "KIAK !". Les émotions sont fortes, dans ces situations, c'est un bouleversement. J'ai fait perdurer l'accompagnement dans son élément naturel. Je suis devenue un oiseau, un grand oiseau.

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Photographies © Sonia Marques

Montée dans un arbre, et m'endormir à la tombée de la nuit, me lever à 6h, et aller chercher de la nourriture, lorsque la vie gazouille de toutes parts, déterrer les vers, picorer les mousses, et voler le plus haut, se percher dès qu'un bruit éclate, ou qu'un chat rode en passe-muraille, à la tombée de la nuit, alerter toutes les autres pies et le faire fuir. Avec mes copines, je parle pica pica. Les bains de soleil enlèvent mes parasites, le formicage, laisse les fourmis envoyer leur projections défensives d'acide formique faire leur travail sur mes ailes. Les êtres humains ne sont pas tous gentils, ignorants tout du monde ailé. Mais il y a des rencontres merveilleuses, une petite fille venue des châteaux de Chambord et son père, ils vont à Sète, elle va voir sa grand-mère. Il y a des amoureux, ils ne me voient pas, il se bécotent en bas de mon arbre, parfois ils esquissent des gestes doux à l'abri des regards devant des lotus roses flamboyants. Il y a des sans domiciles fixes très tôt, ou très tard, ils font comme moi, farfouillent dans les poubelles, il y a tant de restes de nourritures, car tant de touristes qui parcourent les jardins. Les jardiniers font beaucoup de bruit, de nouvelles plantes jaillissent, des pavots blancs qui touchent le ciel. Les arbres japonais et l'arbre à soie, des chênes et des séquoias, des bouleaux, des arbres qui sentent la vanille ou les amandes, des chiens énormes, des boules blanches et crèmes ou ceux en muselière. Et voici le merle noir, il est avec sa femme brune et tachetée, ils ont un petit brun tacheté, ils leurs trouvent des petites choses. Mes copines les mésanges bleues, les noires, les rouge-gorges et ce pivert qui taille les arbres sans arrêt. Les faucons pèlerins sont partis. Des photographes avec de très grands appareils aux aurores sont venus nous apprendre la nouvelle, un petit s'est pris un mur en piqué au moment d'attraper une proie ailée au vol. Ils peuvent atteindre 300 km/heure en piqué, là ils ne savaient pas bien s'y prendre. C'est la catastrophe. Et puis la mère a été vue morte, que s'est-il passé ? Le nichoir est vide. Les pigeons font la fête partout, leurs prédateurs sont partis. Il y a des grenouilles la nuit, si petites, les chats les observent, les chauve-souris parcourent dans tous les sens le paysage la nuit.

Je me suis envolée sur l'Albizia julibrissin, cet arbre à soie si fleuri et rose, afin de passer mes premières nuits, chassée par deux grandes pies, prise au piège. Ainsi ai-je découvert que ce fut un italien botaniste, Filippo Albizzi qui ramena de Constantinople les graines de cet arbre. Il ressemble au genre des Acacias et des Mimosas. Ma tutrice humaine connait bien les acacias, sa mère elle-même aime chiper des graines et faire des expériences, cultiver la surprise. L'été cet arbre est orientaliste, il a une valeur ornementale par la couleur rose de ses étamines. On se sert de son bois jaune et marbré en menuiserie. D'une  forte odeur d’ail à la coupe, cela ne m'a pas dérangé. Les fleurs sont toniques et digestives, elles ressemblent à de petits pinceaux roses disposées en parasol sur les cimes. Heureusement qu'il était là, pour un atterrissage impromptu.

Mes amis les oiseaux, sont les créatures les plus joyeuses au monde. Enfin de la gaité autours de moi, comme moi. Que les êtres humains sont méchants et bêtes, ce sont eux les bêtes. Pourquoi nous-ont-ils nommés les bêtes ? Pour nous humilier ? Ignorants ! Nous sommes timides et si téméraires, le courage le plus noble, celui dont les êtres humains, n'ont cure. Pourtant nous sommes vifs, plein d'ardeur et de francs enthousiasmes, une sincérité dans nos élans, nous chantons par petits bonheurs, par petits plaisirs, restaurés par le sommeil. Pris de frayeurs, nous nous taisons, silencieux cachés. Nous sommes sensible au naturel, mais point au cultivé. C'est l'état de nature qui nous offre notre vitalité, opportunistes, nous les oiseaux, nous les pies, nous baignons dans la félicité. Un touriste nous disait : "Les êtres humains ont peur de la gratuité, si habitués aux choses du commerce, lorsque la nature leur donne des fruits et des légumes, ils ne veulent pas les prendre, il veulent prendre seulement ceux qui se vendent, contre de l'argent"

Je dois avouer que voir un être humain rire m'est étranger, mais qu'est-ce que c'est merveilleux. Ma mère humaine, me nourrissant, malgré qu'elle fasse partie de ces créatures tourmentées, avec leurs vies misérables, étrangères à tous les phénomènes naturels, me procure un grand réconfort de ce rire malicieux que je ne peux imiter. Mais je suis joueuse, et mon allégresse s'exprime au gré des jeux. Son compagnon est taquin avec moi et il m'a appris à me défendre, à être plus précise, je tourne autours de lui et je joue à cache-cache. Volubile, je concurrence le rire, même si mon aspect semble être celui de faire la tête, mon air sérieux dément ce qui m'anime, la joie, intrinsèque à ma nature, la vie. Je fais partie d'un grand peuple ignoré de tous, nous avons une connaissance infinie du monde, notre intelligence est admirable et notre adaptation multiple, inattendue.

Entendons-nous bien, j'aime les êtres humains, ils m'ont sauvé la vie aussi. Mais le savent-ils, nous sommes en train de sauver la leur... Afin qu'ils éprouvent de la joie à vivre.

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Hommage à Érik Satie, le musicien, par l'artiste peintre Magritte (1925-1935) encre sur papier





 






 










Photographies © Sonia Marques & JBD







Photographies © Sonia Marques