© Céramiques, œuvres de Cynthia Lahti

Beaucoup découvriront les oeuvres de l'artiste Cynthia Lahti, à travers le film Showing Up, américain réalisé par Kelly Reichardt, en salle ces jours-ci.

Synopsis :
Avant le vernissage d'une prochaine exposition, Lizzie, une artiste, voit son quotidien et son rapport aux autres ainsi que sa vie chaotique devenir sa source d'inspiration.

Film touchant avec un regard délicat sur la création, assez rare, en réalisation filmique. Les sculptures de l’artiste Cynthia Lahti sont filmées jusqu'à la mise au four, de la terre à l'observation, du chat au pigeon, de la chaudière qui dysfonctionne, au vernissage, à la famille à problème, aux doutes, mais à la détermination d'une artiste et de l'humilité de son savoir faire. Les dessins de toutes ces petites femmes, qui dansent, sautent, marchent, librement, jusqu'aux assises de bois pour la terre, sont des petits bijoux. Charme de pouvoir tourner et découvrir chaque partie. Il y a une harmonie dans l'association, sans doute une école artistique, dont on aimerait partager un peu le quotidien. Pour avoir vécu des ambiances moins idylliques, ce film rassure et augure de regards emplis de gratitudes à venir sur le milieu de la création artistique. La réalisatrice, tel un chat discret, peaufine l'art de respecter le silence obligé d'un quotidien, ou d'une nuit blanche : la (fameuse) charrette, que tout artiste connait. Pour avoir visité tant d’expositions de céramique et avoir également participé et créé avec ce médium, j'ai beaucoup apprécié ces petites femmes sculptées et leurs couleurs. Il y a une grâce et une intériorité chez chacune de ses créations. Le film surligne la vie des artistes dont on ne parle pas, ou si peu.

Tous les pigeons blessés méritent une attention. Prendre soin de ses ailes, de son art.
La petite échelle, des œuvres de petites dimensions, sensibles, brillantes, et libres.

J'aime beaucoup cette simplicité et cet art de la contemplation de la figure humaine, de ses positions. Il y a quelque chose de léger, comme un printemps qui s'installe avec nonchalance à l'abri des gros titres. Chaque jour un film différent...

Sur le site Internet de l'artiste :

Cynthia Lahti crée des œuvres d'art visuellement séduisantes et belles, malgré leurs imperfections manifestes et leurs matériaux parfois humbles. Inspirées d'objets et d'images, historiques et contemporains, ses créations reflètent sa conviction que même le plus petit artefact peut évoquer les sentiments les plus puissants. Sa pratique artistique, qui englobe le dessin, le collage, les livres modifiés et la sculpture, est influencée par des artefacts humains de l'Antiquité à nos jours, ainsi que par des expériences et des émotions personnelles.

Cynthia a grandi à Portland, dans l'Oregon, où elle a obtenu son baccalauréat à la Rhode Island School of Design. Après avoir obtenu son diplôme en 1985, elle est retournée dans l'Oregon où elle continue de vivre et de faire de l'art, trouvant l'inspiration à la fois dans son paysage physique et psychologique et dans la façon dont il encourage sa pratique intrépide en studio. En 2013, elle a reçu la bourse Hallie Ford pour artistes, la bourse Bonnie Bronson en 2015, la bourse de soutien individuel Adolph et Esther Gottlieb en 2017.

Cynthia Lahti crée des œuvres d'art visuellement séduisantes et belles, malgré leurs imperfections manifestes et leurs matériaux parfois humbles.


Dans la genèse de l'histoire du film, il devait être le biopic d'Emily Carr, peintre canadienne du début du 20e siècle, selon l'idée de la réalisatrice Kelly Reichardt, puis avec son co-scénariste Jonathan Raymond, ils se sont tournés vers la fiction, le présent et le territoire familier de l'Oregon. C'est à Portland que se déroule le film, une ville célèbre pour sa vie bohème et sa contreculture. Emily Carr est le nom donné à l'école où j'ai étudié, en Colombie Britannique à Vancouver, dans les années 1995, auprès de photographes et de cinéastes. Cette artiste a peint des paysages dans le style moderniste et postimpressionniste et s'est inspirée des peuples autochtones du nord-ouest du Pacifique. Elle était sous-estimée à son époque, puis est devenue propriétaire de chambre d'hôtes, pendant un certain temps, un travail si dévorant qu'elle a arrêté totalement la peinture, son domaine artistique. Kelly Reichardt et Jonathan Raymond étaient très intéressés à l'idée de réaliser un film sur une artiste qui faisait tout, sauf de l'art. Puis, ils se sont aperçus, qu'Emily Carr, lors d'un de leur voyage en Colombie Britannique, était célébrée partout, devenue une icône, tout était à l’effigie d'Émily Carr, des statues, et mon école d'art et de design renommée ! Ils ne souhaitaient pas écrire sur une artiste connue. Il y a des résidus de l'idée de départ dans le film, Showing Up, basé sur une école d'art et une communauté dans laquelle tout le monde est prêt et capable d'entreprendre des activités créatives – tant que la vie ne gêne pas. La réalisatrice et le co-scénariste ont traversé des conflits familiaux durant leur périple pour l'écriture, cette crise a favorisé des adaptations scénaristiques. Dans le film, la famille de l'artiste, traverse une crise, et malgré tout, la sculptrice continue a préparer son exposition. Sa propriétaire, est une artiste plus aisée, et fait payer le loyer à Lizzy, l'héroïne du film. Elle est en train de préparer plusieurs expositions et n'accorde pas de temps à sa locataire, pour changer la chaudière, et Lizzy se plaint sans cesse, de ne pas bénéficier de douche chaude. Sont subtilement décrits, les rapports de renommées différentes, entre ces deux artistes femmes, et comment, elles composent, avec sororité, sans tomber dans une rivalité qui anéantirait tout art de vivre ensemble. J'ai eu la chance de vivre cet esprit, lors de ma participation à une exposition collective à Vancouver, composée principalement de femmes artistes.
Dans le film, la vie est privilégiée, la veille de l'échéance de l'exposition, s'occuper d'un pigeon blessé ou d'un frère malade, alors que tout est encore inachevé, et les sculptures non cuites, s'intègrent dans l'échéance, comme si l'artiste était un funambule, toujours en équilibre.
La réalisatrice a abandonné de tourner le biopic sur Emily Carr, et s'est concentrée, avec son co-scénariste sur une histoire qu'ils aiment, celle des arts visuels, souhaitant plus que tout s'éloigner de la rage de ces dernières années. Ils se sont inspirés des films des années 70 de comédies qui ne se font plus aujourd'hui, et, qui reposent sur un humour de situation assez délicat. Lizzy, l'artiste représente une solitude même dans une communauté où tout le monde semble soudé. Elle détaille de façon assez fine, les jours et les nuits passés, seule, de la créatrice, dans son garage qui sert d'atelier, et dans le silence, afin de résoudre son processus, et afin d'accompagner un stress, jusqu'à une échéance, où tout semble, ne pas être au point. Et pourtant, tout arrive à point. Souvent, dans l'humeur de se plaindre continuellement à la place de demander de l'aide, la figure de la créatrice ici, propose un regard sur la fierté des artistes, et leur dignité à tenir le coup, même dans des situations, où tout peut "capoter". La blessure et la réparation sont au cœur du film, interprétés par le pigeon qui a failli être mangé tout cru par le chat de l'artiste au travail. L’instinct, l’apprivoisement, la guérison, sont aussi des éléments de la création.
L'artiste, dans le film, est toujours soupe au lait, fatiguée et plombée par toute les tâches qui l'entourent, mais reste très concentrée sur son art. Elle traverse les évènements, en profitant rarement des compliments, et ne participe pas aux vernissages mondains qui l'entourent, profitant de l'observation des œuvres exposées, lorsqu'elle se retrouve seule face à elles. Cette solitude, que l'on peut associer à la faculté autistique des artistes, pas chez tous, met en contraste les mondanités associées aux vernissages et fêtes, le réseautage, ainsi que tous les faussaires de l'art qui peuvent graviter, dans ce milieu, autours de la création artistique, autours d'un nom, de sa renommée.