Après avoir exploré les peintures de Juan Gris, avec ses teintes bleues et sable, j'observe les vitraux de Franci Chigot, et ma sélection peut rassembler ces nuances, elles correspondent aussi à la même période, il y a un siècle.
Ci-dessous : Fenêtre La musique (1930) ces vitraux proviennent du salon de musique de la maison Laforest, place Jourdan à Limoges... Ils reflètent le goût de Chigot pour la musique et le jazz.

Photographies © Sonia Marques

+

Le Musée des Beaux-Arts de Limoges (BAL) expose l’œuvre du maître-verrier Francis Chigot :
« Un monde de lumière : les vitraux de Francis Chigot et son atelier »

Parallèlement à sa scolarité classique au lycée, Francis Chigot est entré à 15 ans à l’École nationale d’Art décoratif de Limoges (l’ENAD). Couvert de premiers prix, il poursuit à 20 ans ses études aux Arts décoratifs de Paris et à l’Académie Julian. Lors de l’Exposition universelle de 1900, il découvre les réalisations civiles sur verre de l’École de Nancy dont le style souple et fleuri l’enthousiasme. À la mort de son père en 1903, il est obligé de quitter la capitale pour prendre sa succession à la tête de l’entreprise de peinture-vitrerie-décoration. Il décide toutefois de privilégier rapidement le vitrail, au point de lui dédier quatre ans plus tard un local, véritable acte de fondation de son atelier de maître-verrier. Dès lors, il applique subtilement les principes de l’Art nouveau. Les commandes affluent rapidement, tant dans le domaine de la création et de la restauration de vitraux d’églises, qu’en provenance de particuliers, pour des commerces, bureaux ou maisons (baies d’escalier, verrières de jardins d’hiver, plafonds...).

Léonard Chigot, né à Saint-Léonard-de-Noblat en 1841 d’une lignée de tailleurs d’habits, devient peintre-décorateur. En 1869, il épouse Anne Jourde, fille d’un sculpteur-tailleur de pierre de la commune d’Aureil. En 1875, il crée une entreprise de peinture-décoration en tous genres, au 3 rue de la Courtine à Limoges. C’est là que naît son fils François, dit Francis en 1879. Francis Chigot, devenu bachelier, poursuit ses études à l’Ecole des Arts Décoratifs de Limoges dont il sort avec le 1er grand prix en 1899. Il va à Paris poursuivre ses études d’art, mais à la mort de son père en 1903, il revient à Limoges et reprend l’entreprise familiale. Depuis ses études il a toujours eu en tête de faire du vitrail et en 1907 il ouvre son atelier au 54 rue Montmailler à Limoges entouré d’une petite équipe de peintre sur verre et coupeurs-monteurs-poseurs en vitraux. Il signe alors le début de sa longue carrière (53 ans) de maître-verrier.

+

Orgue et machine à laver, vitrail et télévision

J'apprécie regarder les vitraux composés de verres striés et parfois comme de la dentelle. Cette exposition est lumineuse. De toutes mes recherches, je vois aussi un rapport direct avec mes vidéos écraniques, la lumière est aussi blanche, surtout celle (Vidéo Tonic) où je décris l'histoire du château au paysage plat et vert et du dragon rouge. Comme publié quelques fois; la gare de Limoges est lumineuse car les vitraux de Chigot, de part et d'autre (et nettoyés il y a peu) laissent entrer la lumière. Les châtaignes et les motifs aux couleurs d'Automne revêtent aussi, l'été, quelques reflets qui miroitent, et l'échelle plus fine et ample, dans la gare, fait de cette œuvre, une impression plus subtile et délicate. On peut ne pas s'en apercevoir, pour les passants pressés, et puis, dans la salle d'attente, on peut également se demander si ces vitraux sont contemporains. En tous cas, pour celles et ceux qui ne connaissent pas son histoire, ils ne laissent pas indifférent. Celles et ceux qui ont encore une once de curiosité, et sont parvenus à s'extraire de la télévision (autre vitrail un peu bruyant) ils ont accès, en France à beaucoup de chefs d’œuvres, par le train, par exemple. Le droit à la déconnexion est aussi recommandé, visiter cette exposition (jusqu'en février 2023), en passant par la gare de Limoges, affine ainsi les connaissances historiques et culturelles, mais aussi industrielles. Ici, cela fait partie de l'histoire, et dans mon histoire artistique, c'est riche, car, il y a là, un accès à la couleur et la transparence, la lumière. Et cela fait des années que je côtoie ces œuvres historiques. C'est très particulier. La cathédrale Saint Étienne a aussi son assortiment de vitraux et l'orgue vient d'être renouvelé, c'est tout un art le transport des tubes d'un orgue. Mon voisin, était l'organiste de la cathédrale, il m'a fait venir, monter voir son travail, puis, comme tout musicien, précaire, je lui ai donné mon secret pour déménager sa machine à laver... Une toute autre manière d'échanger les bons tuyaux... Les organistes lavent aussi leur linge, pas dans la Vienne, comme c'était la tradition des ponticauds et par les laveuses. Pas de place donc pour une télévision, lorsque l'on teste des orgues électroniques, avant de jouer en grand dans une cathédrale. Juste la place d'une machine à laver. J'aime bien l'histoire contemporaine, allier des notions qui n'ont absolument rien à voir ensemble... à priori.

Francis Chigot a reçu une éducation chrétienne, il est resté attaché toute sa vie au catholicisme. Sa foi s'exprime dans le vitrail. Lors de la loi de la séparation des Églises et de l'État (1905) et des années de tensions précédentes, les commandes étaient rares. Il fut mobilisé pour la guerre en 1914, comme plusieurs ouvriers, et il est tombé malade, a du rejoindre sa famille, il a relancé son atelier. Il restaure plusieurs vitraux d'église, et Monuments historiques, puis en 1930, il fut sollicité pour décorer les chapelles funéraires. Dès l'Armistice, le 11 novembre 1918, (bientôt), Francis Chigot part dans les régions dévastées du Nord de la France pour proposer des projets de vitraux pour les églises reconstruites. Entre 1922 et 1936, une vingtaine d'églises de villages, de cités ouvrières, de bourgs, ont des vitraux de Chigot, avec les cartonniers maison (Léon Jouhaud, Pierre Parot, Georges-Louis Claude, Camille Boignard) L'explosion des arts décoratifs, a embrassé la production religieuse et civile. Le vitrail était célébré partout (représentations de plein air, sport, industrie et nouveaux moyens de transport)
Dans les temps reculés, les Égyptiens et les Romains ont excellé dans la fabrication de petits objets de verre coloré. Bien avant, il y a 40 millions d’années, les éruptions volcaniques, manifestations naturelles, donnent naissance au verre. L'époque médiéval et la renaissance avec les cathédrales de lumière sont des œuvres visibles partout. La période de l'Art Nouveau est particulièrement inventive, et l'école de Nancy est un repère assez spectaculaire. L'art contemporain fait perdurer cet art à travers de nouvelles créations stimulées par des aides, pour des artistes parfois sans aucune pratique, en relation avec des maîtres verrier, femmes et hommes. Il existe en France de nombreux centres de formation qui couvrent tous les métiers du verre, du cristal et du vitrail et proposent différents parcours accessibles dès le CAP.  Comme le verre nécessite de nombreuses transformations en vue de ses nombreuses utilisations dans le bâtiment (verre trempé, verre feuilleté, doubles vitrages) il existe des formations dans le bâtiment pour des construction d’ouvrages (aluminium – verre – matériaux de synthèse) et aussi pour toutes les surfaces et l'étanchéité. Le secteur des verriers pour le bâtiment ou menuisiers pour l'aluminium de verre possède aussi ses formations pour façonner, découper et maîtriser le perçage du verre.

Le chêne au bord de l'eau (1914) : Les verres américains pour le paysage et les verres chenillés pour la rivière, donnent  ce vitrail une lumière colorée apaisante au lever du soleil et flamboyante à l'heure du coucher, témoignant du talent du peintre verrier. I fut exposé à Montréal en 1927, et avant, à Paris en 1914, au Salon des décorateurs.

Photographies © Sonia Marques

+