Le jour avant le bonheur


Nous sommes allés visiter l'exposition, qui porte bien son nom, Le jour avant le bonheur, au musée des Beaux-Arts de Limoges, de Louttre.B.

Marc-Antoine Bissière, dit Louttre.B (1926-2012) est imprégné par un milieu artistique parisien effervescent dès son plus jeune âge ; il côtoie notamment par l’intermédiaire de son père, le peintre Roger Bissière (1886-1964), des artistes tels que Georges Braque ou Louis Latapie. À partir de 1938, la famille part s’installer dans la maison familiale de Boissierette (Lot), où le tout jeune homme commence à peindre aux côtés de son père. Louttre.B développe rapidement une recherche abstraite qui lui permet d’étudier les rapports colorés et trouve son identité artistique dès les années 1960 en créant un vocabulaire pictural propre, continuellement renouvelé ; il expérimente sans cesse à travers une forme de figuration que l’on retrouve dans nombre de ses œuvres. Proche de la terre, il construit une approche artistique sensible et empathique, teintée d’humour. Il diversifie ses pratiques et multiplie les expériences, créant des sculptures monumentales, des gravures, des livres d’artistes ou encore une série de pièces en porcelaine pour la manufacture de Sèvres.

Ces toiles nous ont offert un écho éblouissant dans ce Musée au cœur du jardin de l’Évêché, en plein soleil, un écrin où la nature déployait, ce jour, de somptueuses parades colorées, sous des arbres exotiques, des pétales jonchaient le sol, des feuilles séchées qui se retournaient et nous révélaient l'envers du décor. Ravissantes peintures que celles de cette nature, mais encore plus charmantes, les peintures de Louttre B., qui résonnaient avec cet été, ou cet Automne, ou cet hiver qui grimpe sur les branches secouer ce qui doit partir. Ce qui n'est plus essentiel, n'est-ce pas, doit nous quitter, afin de faire une table rase pour préparer la nouvelle année. Alors en regardant chacune de ces peintures, je savais déjà, que j'allais garder celles-ci pour les années à venir, et balayer toutes les perfides manifestations, sans aucune commune mesure, avec cette ouverture proposée, honnête, dans cette jubilation des tons et des sablés : merveilleuses destinées, que celle de la peinture sauvegardée, et très peu connue.

Si les jaunes, dans cette nature étaient les favoris, parsemés de rouges et dans la disparition progressives de verts, dans les peintures très bien encadrées, je distinguais des mauves et des roses si doux, côtoyant les bleus francs et les coups de pinceaux rythmés, sur du sable chaud, des empreintes, des griffures. De petites maisons, des collines ou châteaux, des fleurs énormes, voici que j'étais presque dans mes photographies. Mon compagnon me disait que ces peintures ressemblaient aux miennes, oui, il y avait un air frais, et cela fait plaisir, une connivence quelque part, parmi les isolements. Alors on joue aussi, on rigole des tons et des mats, que c'est mat ! C'est fort et c'est graphique, terriblement enfantin, et sauvage, superbement maîtrisé et sans aucun complexe de la couleur. Tout se propose, sans jamais être frustré, tout nous expose à de nouvelles dimensions de nuances, des poésies frontales et de petites fenêtres sur des rêves ou des souvenirs, autant de portes ouvertes qui ne souhaitent jamais fermer notre regard. Que c'est beau de ne pas fermer sa porte, c'est assez rare, au pays où tant de portes se ferment, suppriment des couleurs non désirées, parce que différentes, exquises, singulières, vives, des prénoms divins, des noms marqueurs d'histoire, de lune et de ciel étoilé : pour tous. Rien n'est de trop, rien n'est à enlever. Matisse était tout proche, des motifs, des ciels rois et des traits noirs épais, des découpages poudrés, gouachés. Luxuriance et profondeur des verts dans des pluies de jaunes sablés lumineux. Les gestes saccadés, de surimpressions, couches et sous-couches, reliefs, collines surlignées, palmiers noirs, maisons blanches de craies, nuages jetés, épris de vitesse, un paysage penché parfois, comme si, par la vitre d'un véhicule qui roule très vite, et même doucement, ou d'un train, on apercevait le rayon du soleil repasser les arbres et les fleurs et les toits des maisons, juste avant que tout coule. Pfff !

Photographies © Sonia Marques






























































Alors, nous n'avions plus qu'à sortir du Musée, et entrer dans les peintures...







































































































































Photographies © Sonia Marques



En retard...

C'est les vacances !