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Le petit prince bleu s’est fait discret pour ne pas nous inquiéter. Il a attendu que notre dîner se termine pour s’en aller dans la pénombre, dans la pièce de l'imaginaire, éclairée par les étoiles de la nuit et les lanternes de la rue. Son esprit vole au-dessus de nous, si difficile à réaliser son absence, toute sa joie illuminait mon appartement.
Il était mon petit bonhomme, j’étais sa petite femme, mon amoureux était son ami, il était notre ami. La joie était parmi nous, sur mon épaule était le bout de paradis, le bleu de l’esprit. Si beau si élancé, si gai, si déterminé à aimer, il était tout entier, tout curieux. Il est parti par la petite porte, c’était un artiste, me dit mon amoureux.
Il était encore sur mon épaule à me dire ne t’inquiète pas, je serai toujours là.
Il me disait : « Ça va ? Ça va ? » Toujours il me questionnait ces derniers temps à savoir si cela allait, car cela n’allait pas souvent.
Et je lui demandais : « Ça va Pépino ? »
Il me répondait du tac au tac, oui avec ce cri si positif en plissant les yeux et d’un geste enthousiaste de tout son petit corps, s’élançant vers le haut, même s’il somnolait, il me répondait de ce petit cri, afin de me dire, « je suis là », « je serai toujours là ».
Il me répondait, il était toujours là, il veillait sur moi, sur nous tous. Chaque matin, il ne sera plus là, chaque soir, il ne me demandera plus « faire dodo » afin que je le cape. Il adorait tout nouvel aliment, il savourait et exprimait son plaisir, il savait aussi dire ce qu’il ne voulait pas, et comment ne pas le déranger, il savait nous faire comprendre tant de choses. Huit années sont passées si vite en accompagnant sa vie, lui en accompagnant la mienne, dans cette ville inconnue et pendant mon travail si difficile où mon environnement professionnel fut si toxique. Mais chez moi, avec lui, tout devenait positif, merveilleux, évolutif, interactif, fantaisiste, artistique. Loyal et fidèle, sans aucun jugement, d’une délicatesse rare, ses gestes doux, son plumage soyeux, son intelligence et sa douance me surprenaient, sa grande sensibilité face aux souffrances et surtout son excitation de tout bonheur quotidien, tout rayon de soleil.
Sa voix était si gentille et adorable que son animation disparue a rendu mes jours sans aucun sens et sans force.
Nous avions appris récemment qu’il adorait voyager en notre compagnie en voiture, il aimait nous voir partir loin et nous regarder à l’arrière, rire et chanter. Il aimait Satie, l’écoute se faisait plus attentive lorsque les premières notes de piano s’enchaînaient doucement, comme si quelques questions étaient lancées à l’infini, devant l’horizon, ou comme lorsqu'il regardait goutter un papier qu'il avait préalablement déposé dans sa grande écuelle d'eau : écouter tomber chaque goutte l'une après l'autre, comme un métronome. Il rythmait ma vie et m'offrait des soupirs, des respirations et surtout des points d'orgue.
Il aimait nous voir heureux. Alors c’est devant cet horizon qu’il avait fait ce voyage avec nous, afin qu’il soit soigné. Il avait fait mine d’être en meilleure santé devant le vétérinaire, en nous montrant sa hardiesse, en replaçant ses barbes et ses barbules de son plumage, en appliquant l’huile sur ses plumes qu’il sécrétait par sa glande uropygiale située à la base de la queue. Ainsi il nous montrait qu’il nettoyait bien ses plumes afin qu’elles demeurent imperméables, belles et en bonne santé. Tous ces moments avec lui étaient de bons moments, tout était bon, clair, rien de néfaste et de mauvais, tout était éclatant de simplicité, je me sentais pousser des ailes, il m’apprenait de cette liberté que les humains ne connaissent pas. Il savait des mots de notre langage, des phrases, il les répétait, il nous parlait, il nous écoutait, il savait tout. J’aurai aimé lui montrer la mer et tant de chose encore, qu’il vole en notre compagnie, ou que je vole en sa compagnie, au dessus de tout.
Mon petit prince, mon savant personnage, peu te connaissait ou on eu la chance de te reconnaître. Je fus de ceux-ci et ta voix résonne encore. Quelque chose en moi est parti avec toi, quelque chose d’unique, de singulier, d’infaillible. Je souhaiterai de tout cœur, te croire, tu es toujours là, sur mon épaule, petit esprit rieur, la liberté d’aimer.