Jeannette Dussartre-Chartreux sur le grand bassin du Champ de Juillet...

Dans les maisons tranches-de-pain, les femmes de linge...

Très intéressant. Le syndicalisme a beaucoup perdu pour l'émancipation des femmes.

À écouter. Une histoire peu relayée aujourd'hui.

Jeannette Dussartre-Chartreux, la militante des luttes émancipatrices

C’est en 1923 à Limoges, dans le quartier populaire des Ponticauds, que naît Jeannette Dussartre. Sur les berges industrialisées de la Vienne, elle forge son caractère au sein de générations de femmes du peuple, avant de travailler en atelier puis dans l’administration. Convertie au catholicisme, elle cultive avec Henri, son époux prêtre-ouvrier, une vision altruiste de la religion et s’engage toute sa vie dans les mouvements de paix. On retrouve l’engagement de Jeannette Dussartre à travers son investissement dans l’Institut d’histoire sociale de la CGT : elle travaille à la collecte de la mémoire ouvrière. En 2009, elle révèle un épisode emblématique des combats féministes, celui des corsetières … L’histoire des corsetières En 1895, des ouvrières de la Maison Clément à Limoges où l’on produit des corsets, engagent la grève ; les revendications visent des améliorations salariales et de conditions de travail. Ainsi, une pratique des plus humiliantes consiste pour l’épouse du directeur à faire agenouiller les femmes pour la prière avant le travail. Le mouvement dure 108 jours, mais le patron ne cède pas. Cet épisode est révélateur du traitement accablant des ouvrières, dévaluées matériellement au-delà des hommes et assignées moralement. Certaines représentantes sont présentes au congrès fondateur de la CGT tenu à Limoges en 1895..

Épisode 1, sur les archives de la police, sur le conflit des corsetières, des rapports de police (1895) :
Les Corsetières décorsetées

Sont rapportés des indics qui surveillent les communications des corsetières : la plupart des jeunes filles ont bu de la bière et ont dansé entre elles et se sont séparées vers 6H et sont rentrées chez elles...

Les corsetières avaient des amendes, des retenues sur salaire, malgré qu'elles travaillaient à temps plein, c'est la femme du directeur qui les humiliait, les coupaient du monde, les faisait agenouiller et leurs interdisait de parler entre elles...
Si elles communiquaient entre elles, une matrone allait le répéter afin de séparer, isoler et punir les femmes qui parlaient entre elles... le plus souvent à la police directement... Beaucoup de choses trouvent des échos dans notre période.
Les femmes grévistes ne parvenaient pas à entraîner les autres femmes, à être solidaires et se tenir les coudes...
Le rapport du commissaire est très significatif sur le traitement des ouvrières soumises au droit divin des patrons. La patronne moralise sans cesse les ouvrières, par des sanctions, des punitions, alors que les ouvrière demandent le droit à la dignité et la liberté de conscience.

Quand vous gagnez rien du tout, trouver de l'information demande une force de caractère et beaucoup d'écoute, une sensibilité au "parler vrai".

Épisode 2, de fils en aiguilles, des ouvrières

À Limoges, de 1889 à la fin des années 1960, la Maison Clément était une entreprise de confection de corsets prospère. Malgré cette réussite, personne ne peut imaginer la discipline de fer et les conditions de travail épouvantables qui y régnait. La Maison Clément ne s’embarrasse pas de l’adhésion librement consentie à des ouvrières. À ces conditions morales, elle impose les siennes ! La patronne oblige ses ouvrières, et cela sous surveillance, à faire trois jours de retraite, à aller à confesse le samedi, et faire leur Pâques le dimanche. Les absentes sont punies par une distribution de mauvais travail avec menace de renvoi, selon l’enquête diligentée par le Commissariat central ! Jeannette Dussartre-Chartreux (1923-2017) Les corsetières fondent un syndicat féminin, libre, et sortent de la tutelle du syndicat patronal fondé par la maison. Leur grève dure quatre mois. Marie Saderne avec Madame Barry et Mademoiselle Coupaud assistent au congrès national constitutif de la CGT tenu à Limoges, en septembre 1895.


Jeannette Dussartre-Chartreux habitait à côté de la cathédrale (quartier de l'Abessaille en grande partie rasé vers 1900) ) dans des taudis (vers le quartier de la règle aujourd'hui), les femmes étaient avec les enfants et les maris étaient maçons, il immigraient dans différentes régions. Jeannette dit qu'elle était maigre et faisait le clown, élevée principalement par sa mère et sa grand-mère.Son grand père était anticlérical. Il couchait dans une petite chambre, car il avait la tuberculose. Les chrétiens et les communistes travaillaient ensemble et avaient le soucis d'être au service des autres.

« Tout ce qu’on mange pourrit, tout ce qu’on donne fleurit »

Un entretien très riche de Jeannette Dussartre (décédée en 2017) réalisé par Jean-Pierre Cavaillé, le 1er mai 2006