photo © Sonia Marques

Dame au chignon mingqi (substitut funéraire) / Dynastie des Tang (618-907) / VIIIe-IXe siècles / Terre cuite, engobe clair et polychromie / H : 47 cm
Photographie : Sonia Marques (au Musée Guimet)

Extrait de la description de cette statuette exposée au Musée Guimet :

Cette dame de cour appartient à une phase stylistique caractéristique de l’apogée de la dynastie des Tang (618-907) et possède une polychromie dans un état de conservation exceptionnel. Son ample silhouette est enveloppée par une longue jupe imprimée de motifs floraux sur un fond bleu sombre, attachée très haut sous la poitrine, et un gilet à col en V à larges manches flottantes. Les pommettes éclatantes tempérées par les jolis sourcils arqués en feuille de laurier font équilibre à la coiffure volumineuse. Ce groupe stylistique de mingqi arbore toute une série d’expressions familières traduites par l’inclinaison de la tête et la position des bras qui confèrent à ces imposantes figures une frappante vitalité. Légèrement déhanchées, elles présentent un visage joufflu et très maquillé aux traits fins, et surmonté d’une coiffure extravagante qui amplifie dans la démesure les styles des périodes précédentes.
Exécutés dans un moule bivalve, cuits à basse température et peints, ces mingqiou substituts funéraires sont alignés dans des niches creusées dans les murs du corridor d’accès des tombes tang. Elles participent au raffinement de l’environnement, et durant cette période, gagnent en réalisme et en expressivité ce qu’elles perdent en vertus magiques qui étaient les leurs depuis l’époque des Royaumes combattants (475-221 avant notre ère).
L’origine de la mode des femmes enveloppées a été traditionnellement attribuée au goût de l’empereur tang Xuanzong ( 712-756) pour les femmes enveloppées telles que Yang Guifei. L’archéologie a infirmé cette légende, néanmoins c’est à partir des années 740 que se multiplient ce type d’images. Des similitudes entre les motifs peints de la robe de cette pièce et ceux figurant sur la robe d’une donatrice représentée à Dunhuang entre 848 et 907, suggèrent que cette statuette funéraire est l’une des dernières exécutées après la disparition du dernier des grands empereurs tang.
Un petit tour au Musée Guimet, une façon de le faire visiter à mon ami et retrouver des pièces, toujours là et certaines qui m'impressionnent toujours. Que ce soient les joues rouge de cette petite statue avec ses chignons comme un Mickey, ce torse à la tête de cheval ou bien toutes les peintures tibétaines de danses macabres ou d'accouplement, de mandalas… et ces statues dont la porcelaine est si fine et les détails si délicats, là dans les plis de ce petit fantôme blanc, des bouddhas, bouddhas et des bouddhas, des yeux plissés et des mains lotus… Je n'ai pas toutes les références.

Situation extrême de Paris, l'entrée se fait comme à l'aéroport, par un portique où l'on doit se défaire de ses appareils, tandis que dehors devant l'escalier, des clochard ont fixé leur domicile (bien que nommés SDF) sous la pluie et sur des matelas. Ils sont en conférence avec des sacs en plastiques sur la tête…. Des bouddhas donc. Paris, c'est ces situations opposées et insupportables, de résider dans des espaces exigus et exploités par des propriétaires peu soigneux de leurs appartements loués à des locataires qui payent chaque mois une somme astronomique pour un matelas avec un toit, tout un salaire. Soit on s'installe devant un Musée National qui déshabille les visiteurs qui payent l'entrée et les scannent au préalable, soit on emmène tout ce monde au Musée, car on enseigne et on aimerait transmettre malgré ces contradictions et nos instincts de survie plus fort, regarder à travers des vitrines bien soignées des objets d'art d'un passé, si bien conservées qu'on rêverait, parfois de s'endormir à leurs côtés, juste une nuit, là à côté d'un torse nu à la tête de cheval ou aux pieds d'une dame au chignon.

Vivement que les êtres humains soient tous considérés comme des oeuvres d'art, et mes amis comme des Dieux que l'on soigne. ✌

photo © Sonia Marquesphoto © Sonia Marques

Photographie et infographie  : Sonia Marques (au Musée Guimet) / Divinité à la tête de cheval / 3ème quart du 10ème siècle - Epoque angkorienne, Cambodge - Grès / 142 x 44 x 28 cm

photo © Sonia Marques   photo © Sonia Marques

photo © Sonia Marques   photo © Sonia Marques

Photographies et détails  : Sonia Marques (au Musée Guimet) > N'ayant pas noté la références, je les nomme les petits fantômes blancs

Mon copain Hokusaï, montrait ses estampes au Musée. J'ai retrouvé la vague et quelques yokaïs. Sait-il qu'il est exposé ? Et où ? C'est une de mes références et support de cours, mais si cela se trouve, ce type était imbuvable, n'aurait pu être mon copain. En tous cas, ses dessins sont devenus mes copains ou mes cartes postales. Je n'ai pas fini de les découvrir. Bien plus que mes professeurs côté occident, de dessin, il m'a définitivement fait comprendre l'humour et l'observation, la précision et l'élégance des monstres et des fleurs, de la nature et sa force.

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Photographie : Sonia Marques (au Musée Guimet) extrait de l'oeuvre de Katsushika Hokusai "Shunkosai Hokuei Obake"

photo © Sonia Marques

Photographies © Sonia Marques/Dragon Trocadéro

Il a plu à Paris, cela ne m'a pas plu pour autant, tant le froid glaçait les os. Au trocadéro, un dragon est passé devant. Quel instant surprenant ! Alors que je rêvais d'un trocadéro, un soda caféiné suédois au goût de pomme et d'orange. Cela existe-t-il vraiment ? Voyons au Palais de Tokyo, pas de Japon mais des parisiens pompons.

photo © Sonia Marques

Photographies Sonia Marques (Fabrice Hyber au Palais de Tokyo)

Fabrice Hyber s'est installé au Palais de Tokyo. Son nuage gonflé donnait des idées aux touristes avec leur parapluie. Bien que sa cage en baguette de pain soit tel un dessin, un croquis vite fait, pas trop mal, je crains que les oiseaux, ici anonymes, exposés dedans soient heureux de cet habitacle. Ces roseicollis*, dont on ne donne ni le nom, ni l'espoir d'être à l'abri des regards des milliers de passants m'ont peiné. J'ai de plus en plus de mal à voir des oeuvres d'art exposant des animaux le temps de l'exposition, au regard des passants. C'est très différent du tatouage fait sur le dos de Tim par l'artiste Wim Delvoye qui a suscité un article ambiguë sur la nature masochiste du process… ou sadique de l'auteur. Là, il n'a pas été demandé d'avis aux oiseaux, ils n'ont ni signés un contrat, ni demandés tels aliments spéciaux en retour ou des heures négociées d'exposition.

Les roseicollis* sont une des familles des inséparables, les agapornis, ou lovebirds ces oiseaux de l'amour, de petits psittacidés vivant dans le sud de l'Afrique. Ceux-là, les roseicollis, n'ont pas de blanc tournant autours de l'oeil. Agapornis vient du grec αγάπη / Agape et όρνις / Ornis qui signifient respectivement amour et oiseau c'est-à-dire oiseau amoureux. Évidemment cela n'était pas indiqué et je doute que la spécificité de l'oiseau fut étudié pour l'oeuvre... Cela dit, d'un côté les médias se penchent sur le gâchis des aliments dans la chaîne de leur industrialisation, car les pommes de terre en forme de coeur seraient éliminées et jetées ne correspondant pas aux standards de commercialisation, tout comme un concombre en forme d'anneau, jeté car il n'est pas le concombre droit auquel semble s'attendre le consommateur... De l'autre, un artiste super mégalo, comme beaucoup, expose sa genèse, non sans humour, en utilisant des aliments divers et variés, pas encore avariés. Comme ses peintures à même la toile sans fond et sans pâte, comme des croquis, et ses salles investies, on peut remarquer qu'il aime prendre du terrain, de l'espace, s'étendre, et pour cela, toujours, on pense qu'on lui donne une place certaine, ou qu'il la prend de force... En art, concernant l'exposition (car dans l'art il y a une multiplicité de possibilité et pas seulement celle d'exposer) dédiée aux grands espaces, il est souvent question de moyens : qui les donnent, qui les exposent, les critères sont réservés à la discrétion des partenaires. La réception peut être soumise à la critique, mais trop peu d'artistes écrivent et formulent leur réception. La critique appartient à ce réseau de partenaires et souvent fait vendre plus qu'elle ne regarde.

photo © Sonia Marques  photo © Sonia Marques

Photographies Sonia Marques (Fabrice Hyber au Palais de Tokyo)

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Ulla Von Brandenburg « Death of a King » / © photo André Morin

photo © Sonia Marques

Ulla Von Brandenburg « Death of a King » / © photo Sonia Marques

L'oeuvre d'Ulla Von Brandenburg, réalisée spécifiquement pour le Palais de Tokyo et sa réouverture, intégrée dans le bâtiment est impressionnante. Son installation nommée la mort d'un roi, est une estrade à deux niveaux et reprend la structure d’une rampe de skate que l'on peut visiteur gravir, explorer. Quand on pense au titre et qu'à la réouverture, le président Sarkozy s'était fait prendre en photo à l'intérieur, seul, debout, en pleine campagne électorale, dont il n'est pas sorti vainqueur... Cette grande peinture au sol reprend le motif Arlequin, comme issu de la Commedia dell’Arte, plié sur toute la surface. Lieu de théâtre cet espace ici fut investit le jour de ma visite par des enfants en train de glisser et courrir le long des parois. Cette artiste allemande propose une scénographie picturale, un repère dans cet immense parking qu'est devenu le Palais du duo d’architectes Lacaton & Vassal. Le squat géant qui avait provoqué au début avec ses murs bruts d'exposition déroute encore plus depuis ces 10 mois de chantier. On le visite encore comme en chantier sans les repères sécuritaires d'un lieu d'exposition monumental, sans compter le flegme des personnes qui y travaillent, et leur nonchalance : observez au restaurant les serveurs qui ne ressemblent pas à des serveurs, certains avec des balais à la main, d'autres qui paradent avec leurs sneakers et ces visiteurs touristes cherchant à savoir si la marque au sol est "fait exprès", si le tag ou les graffitis ou les marques du chantier sont les oeuvres d'artistes de la rue. Je suis épatée par l'effet "mouillé" des sols des sous-sols des salles d'exposition, obscures. Les voitures de ce parking de fiction ont été remplacées par des oeuvres d'art, hésitantes à s'inscrire dans ces lieux lugubres et pas très droits. On y croise des agents de sécurité qui plaisantent sur le cornichon exposé sous vitrine. Je gardais des oeuvres à la fondation Cartier pour l'art contemporain, il fut un temps, on ne pouvait ni lire, ni porter de baskets, seul l'habit noir était autorisé, ni bouger, mais notre mission était d'interdire aux visiteurs de toucher et photographier les oeuvres. Dans ces conditions nous ne pouvions plaisanter et j'ai vu un ami être licencié car il ne ressemblait pas à une gravure de mode. Sachant que tous, pour être recrutés nous devions avoir fait des études un peu poussées en art. Sous cet ami gardien des oeuvres mis à la porte, se cachait un écrivain. D'autres jeunes femmes, naguère dans le souhait de devenir historiennes ou conférencières, restaient très longtemps dans ces fonctions, abandonnant leur esprit critique et leurs études d'art, pétrifiées dans l'illusion du confort de surface, celui de sourire au client. Dans le fond, cela se résumait à donner son salaire à son propriétaire parisien, y résider la nuit et côtoyant le jour le luxe et les oeuvres installées. Des êtres inertes à côté d'oeuvres inertes, offerts au regard des visiteurs, la montre en main, afin de ne pas rater la pause de 10 minutes. C'est long une exposition, quand chaque minute prend l'épaisseur de l'oubli de soi, de son parcours, de ses études, parfois jusqu'à oublier de ré-agir. Une fondation de luxe qui forment des légumes, handicapent des diplômés.

photo © Sonia Marques

Hip-hop Kiwa/ © photo JD, infographie Sonia Marques (prise de vue devant l'installation de l'artiste Jonathan Binet 'Dancefloor' au Palais de Tokyo)

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Résidence

Résider dans l'art. Dernières contradictions, les résidences en art.

Pourquoi partir en résidence ? As-t-on posé la question aux artistes : qu'est-ce que résider pour eux ? Conflit de génération d'artistes. Ceux que l'on a fait circuler partout dans le monde avec la carotte d'être mieux vus, ceux qui, aujourd'hui, ont la même énergie de créer, l'imagination féroce mais au service d'autres idéaux, pas les mêmes outils de création, les mêmes questions de résidence, d'habitation, d'espace et de lieu de création. Il y a la crise, et certains artistes, très peu, mais très exposés, appartiennent au monde de la finance, de l'avidité pas très fine d'esprit. On continue de les regarder, de les voir exposer. Parfois le décalage est sidérant, parfois on est en phase.
Question essentielle. Habiter est une de mes préoccupations, liées à l'art. On dit "être habité" ou "habiter". L'atelier de l'artiste est sa résidence de création, mais elle comprend le quotidien, une certaine durée, la réflexion, la maturation des idées, des outils bien différents et chacun si singuliers, cela peut être un bon matelas pour dormir (jamais vu dans les résidences) L'artiste habite comme il veut, peut, invente son rythme, sa résidence. Souvent je me demande pourquoi propose-t-on des résidences d'artiste, alors même que l'artiste réside et tente de résider, fait sa résidence, son atelier, son oeuvre. Le cahier des charge est souvent cynique : partez ailleurs, arrêter de créer, mais créer pour nous, cela vous donne une petite image, une publication selon le cadre imposé de la seconde résidence, mais n'oubliez pas de continuer à pourvoir à votre première résidence, car la seconde n'est pas rémunérée et n'offre souvent pas de moyens de produire, à moins de piquer du matos aux régisseurs (mission impossible pour les girly, je confirme) Le pire ce sont les résidences qui valorisent les conditions extrêmes. A-t-on oublié dans quelle crise sommes-nous baignés ? Les conditions extrêmes, c'est notre résidence. La critique est quasi impossible pour un, une artiste, si persuadés qu'ils seraient marginalisés d'un réseau de soutiens (les intermédiaires dont leur fonction est de donner des modes d'emploi et des formulaires à remplir), s'ils osent vraiment résider. Et donc ne pas résider ailleurs que là où ils décident de créer. Hors ces systèmes continuent à maintenir la création dans un lieu marginalisé où l'artiste doit se plier à d'indéfinissables contraintes et humiliation suprême, ne pourra même pas exprimer son malaise. Lorsque des artistes se lancent à copier ces résidences et mimer le commissariat cela fait froid dans le dos. C'est qu'ils n'ont pas eux-mêmes fait l'expérience de résider dans l'art. Mais leur truc est d'écrire des modes d'emploi dédiés à des artistes qui ne sauraient résider, comme s'ils avaient les clés et le pouvoir de rendre viable une création, voir même d'en être l'inspirateur. Hum...  Vive les "thématiques" planplan ! Vanter les mérites d'aller ailleurs et attendre que l'artiste glisse une ligne sur son CV, de la résidence ratée. Il y a des compiles formidables et des récits off de ces artistes partis en résidence vivre une expérience dont ils ne se remettront pas. Cela n'apparaît pas dans la ligne du CV. Les artistes n'ont pas encore inventé le signe du pouce "j'aime", "j'aime pas" du Facebook. Un signe qui pourrait nous donner une piste sur leur véritable résidence. Ce système ne correspond plus à notre époque, notre contemporain d'artistes déjà en résidence dans des lieux que l'on choisit. D'ailleurs, artistes ou pas, on pointe un lieu dans une carte et on y va bien plus à l'aventure qu'avant, et les raisons sont souvent paramétrées par la réflexion du "vivre" aujourd'hui et non "mourir" ailleurs, bien moins que pour des questions de renommée. Un peu d'audace ! La pluie porte conseil. Héberger un ami artiste, n'est-ce pas accueillir en résidence un artiste ? Et les résidences courtes, entre artistes, une évidence aujourd'hui, s'héberger, c'est de toutes façons échanger, alimenter, trouver l'inspiration, sortir, visiter. Mais a-t-on besoin des intermédiaires ? Ces protocoles exhibés malhabiles ? Les artistes sont le plus souvent dans l'action directe, sans le formuler.

Ω

La boucle est bouclée. Les bouddhas clochards avec un sac en plastique sur la tête en conférence sur leurs matelas sous la pluie au pied du Musée Guimet, ne sont-ils pas en train de résider ? Pourquoi les résidences d'artistes sont-elles si fières de marginaliser ceux-ci en montrant une photo du 20 mètres carré, studio de création, vue imprenable sur le silence intérieur ? C'est l'artiste Absalon (1964-1993) qui aurait été satisfait de ces cellules. Lui qui a construit, vécu dans ses oeuvres, habitations inconfortables proches des tombeaux et bunkers restreints, à l'échelle d'une cellule de prison. Sa réflexion sur la solitude et la contrainte, le travail, étaient liés à ses idéaux de nomadisme. Ses projets de cellules seront interrompus par une mort précoce. Je ne peux que regarder ces oeuvres qu'avec cette macabre destinée. Le corps se trouvait sanglé, contorsionné et on pouvait avec de savants mots nommer ces constructions minimalistes de structures célibataires et s'extasier devant la douleur qu'elles exprimaient. Je fais un rapprochement avec une certaine idée de l'art, datée, qui me fait penser à ces formes de résidence d'artistes diffusées aujourd'hui, sans aucune distance critique. C'était une certaine époque et aujourd'hui nous ne sommes plus des Absalons.

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