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lundi 29 janvier 2024

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Sublime retour de Margiela, la tradition de cette maison se trouve régénérée par le créateur John Galliano, la renaissance d'un phénix.
Il y a quelques années, Margiela faisait appel au styliste créateur artistique, pour apporter une nouvelle âme à l'héritage iconoclaste de Martin Margiela. Le groupe OTB de Renzo Rosso, détient la marque de denim Diesel, la Maison Martin Margiela, Marni et Viktor & Rolf.
Le purgatoire : John Galliano était renvoyé en 2011 par la Maison Dior après avoir été filmé une nuit, tenant des propos racistes et antisémites sous l’emprise de l’alcool. Il avait d'ailleurs été condamné, et le créateur avait présenté ses excuses et reconnu une triple addiction à l'alcool, aux somnifères et au valium, effectuant successivement une cure de désintoxication de deux mois aux Etats-Unis. Le tribunal avait tenu compte des circonstances de sa maladie et des nombreuses attestations versées qui démontraient la véritable personnalité de John Galliano, qui n'a jamais eu de sentiment raciste ou antisémite. Il a tout de même connu l'ostracisme de nombreux acteurs de l'industrie de la mode.
Après sa cure de désintoxication, déchu et exclu, il fut aussi sous l'emprise de son ex-avocat, qui lui a extorqué de l'argent. En 2023, celui-ci fut condamné, reconnu coupable d'abus de confiance, pour avoir détourné il y a plus d'une décennie des fonds provenant des comptes bancaires du styliste John Galliano et de l'une de ses sociétés.
Fin janvier 2024, le styliste a dépassé les attentes du milieu de la mode très compétitif et sans pitié. Son défilé, présenté sous le pont Alexandre III à Paris, le 25 janvier fut une sacrée claque !
250 invités sur place sans compter les fans de la maison l'ayant regardé en live, sur les réseaux, et autres amateurs, tous ont été subjugués. Sous la forme d'un spectacle très scénarisé et filmique, un chanteur charismatique accompagné d'un Gospel annonçait l'ambiance d'une dignité retrouvée. Le chanteur, Lucky Love, un artiste unibrassiste, depuis sa naissance, souffrant d'agénésie, une malformation rare in utero, a embrasé la scène. Le défilé se trouvaient transformé en performances multiples, par les mannequins performeurs, aux félines attitudes.
Accompagné d'une chorale Gospel, il chante : « Now I don’t need your love », tout est dit : Maintenant je n'ai plus besoin de votre amour.
Est-ce d'un amour maltraitant ? Celui de la mode cruelle ? Un message subliminal de John Galliano. La mode maltraite toujours ses créateurs et créatrices. Tombés dans l'indifférence, et maudits, les artistes peuvent être portés aux nues, de nouveau, être admirés, applaudis, tant leurs talents peuvent être exaltants.
Tel le créateur Martin Margiela, John Galliano a perpétué la tradition du fondateur, qui ne se présentait jamais au public et évitait les photographes, ainsi, Galliano, est resté en coulisse derrière un rideau doré.
Son talent créatif visionnaire et non conformiste, a secoué le cocotier du milieu de la mode fin janvier 2024 et nous a rappelé ce que le savoir-faire de la mode était capable d'insuffler : l'inspiration.
Pour celles et ceux qui ont eu la chance de bénéficier d'études dans la mode dans les années 90, on ne peut que retrouver le souffle de la création dans cet inédit défilé, tandis que celle-ci disparait, la création, dans d'autres domaines, en France.
L'artisanat des textiles, mêlé aux savantes technologies de diffusions filmiques, formulent un contenu directement accessible à tous. Ce qui, dans les années 90, n'était accessible qu'à celles et ceux dotés d'une formation supérieure dans les arts de la mode.
Les personnages inventés, des poupées aux masques de cire étranges, aux transparences roses poudrées, crèmes et noires et grises, chers aux tons de Margiela, avec des nuages de cheveux, hommes et femmes aux tailles corsetées, toutes sorties de la fumée des sols crapoteux et des flaques d'eaux croupies, parviennent à nous pincer, car il faut le faire durant ce filage onirique, non, ce n'est pas un rêve, tout a été pensé, travaillé, cousu, dessiné, durant très longtemps, et c'est arrivé, là !
Des sans domiciles fixes, ou des dandy sans chemise, défilent dans ce film policier, avec des femmes aux formes généreuses, funambules, elles déambulent comme saoulées, d'autres très élancées, émaciées, elles se balancent divinement, parmi des voleurs élégants ou minables, selon. Il n'y a pas de normes des corps, car tout se contredit, masculin, féminin, hanches, fesses, seins, danseur ou acteur, actrice, aux souvenirs de freaks show d'antan, mais transfigurés dans le domaine de la science fiction. On imagine très bien un manga dessiné par Suehiro Maruo, le japonais qui ravive les cicatrices des guerres, avec une encre noire érotique, au secours des enfants torturés, bien que ce défilé n'a aucune rage, contrairement aux histoires pour public avertis du mangaka.
Dans cet espèce d'entrepôt sombre et bleuté, le défilé très référencé, intègre un Paris des grandes guerres, de vétérans burlesques, lampes brisées, vieux billard, un Pigalle d'un siècle disparu. Entre Toulouse-Lautrec le peintre, et Freddie Mercury, l'icône martyr du mouvement punk mort d'une overdose d'héroïne, ressuscité par le chanteur qui dévoile son torse et l'absence d'un bras, une ellipse paralympique stylée, audace des audaces. Henri de Toulouse-Lautrec avait une maladie qui affectait le développement des os, (la pycnodysostose, maladie génétique, qui pourrait être due à la consanguinité de ses parents) ses membres étaient courts, ses lèvres et son nez épais, ses os fragiles, il zézayait et en jouera, faisant le provocateur dans les salons. Son exhibitionnisme malaisant faisait de cet artiste un ami du cirque, qu'il dessinait, des hypertrophies musculaires des bras, des jambes, des arcatures outrées des dos, des membres, du rachitisme, au contraire, des corps voltige, léger. On pense aux rouges orangés des cheveux peints des femmes, comme dans ce défilé, aux bas noirs et mines des fins de soirées esquissées. Dans la chorégraphie des silhouettes, il y a une ligne fragile, celle de se pâmer, de tomber en défaillance, de l'ordre de l'évanouissement. Comme la démonstration d'une incapacité de se mouvoir dépassée, en raison de malaises physiques : chacune des silhouettes parvient à marcher, malgré toutes les difficultés et à transporter les vêtements, et même l’absence. Il manque toujours quelque chose, et ce manque est bien debout. Les stilettos sont en ordre de marche sur des éclats de verre, sorties d'Alice au Pays des merveilles, si ce n'est de la pulpeuse Jessica de Roger Rabbit et son lapin (du film Disney, de 1988, Who Framed Roger Rabbit) dans cette ambiance de fouines masquées. Tirant son nom d’un couteau italien à la lame fine et à la pointe acérée, le talon aiguille des escarpins stilettos, fut conçu dans les années 1950 lorsque des matières et techniques inventées pour les porte-avions furent appliquées à la fabrication de chaussures. L'atmosphère interlope de ce défilé, marque le milieu de la haute couture, tel un parfum qui reste, après avoir vu, ce qu'on croyait perdu. Renaissance donc de savoir-faire. Il y a aussi Leon Dame, le mannequin berlinois, muse de Galliano, qui est connu pour sa démarche unique, son style de mode androgyne, déjà présent au défilé Maison Margiela 2020. Et les glass skin, afin d'obtenir la peau miroir, tous ces masques fabriqués par l'équipe de maquillage de Margiela depuis quarante ans, avec sa maquilleuse Pat McGrath, elle a inventé cette facture de teint de porcelaine. Un espèce de glacé troublant.
Trouble est vraiment le sentiment laissé par ce défilé, avec, une étonnante empathie, tendresse pour les âmes blessées et errantes, sous les ponts. La virtuosité des techniques textiles, tient à une sophistication singulière comme le "milletrage", des couches de tissus aériens, qui dessinent des aquarelles subtiles de voiles, de décolorations de tâches, ou des grands cocons lumineux, rembourrés qui distordent même l'idée d'un corps humain, soutenus par de fines jambes élancées. Il y a aussi des rétrécissements du textile, qui créent des formes expressives dans les jupes. Les mannequins arborent toute une gamme de poses facétieuses, elles minaudent et se cachent, se drapent dans les costumes dont il manque des pièces, ou s'enfuient comme des cambrioleurs, tels des Arsène Lupin. Les fesses et les hanches sont exubérantes, certaines poitrines libérées, et, dans le même temps, la contrainte du corset pointe une taille surréaliste, comme des papillons épinglés. Tailles de guêpe, seins généreux qui ballotent librement, indécence et exubérance, pudeur, pilosité pubienne suggérée, peinte en trompe-l’œil, délicatesse des robes en mousseline de soie, superpositions de plissés cartonnés... L'actrice britannique, Gwendoline Christie clôture magistralement le défilé dans sa robe plastique laiteuse qui rappelle les heures de gloire de l’artiste d'art contemporain Matthew Barney.
Théâtre captivant d'une soirée très parisienne, nous laissant nostalgiques de notre jeunesse et notre héritage artistique.
À d'autres !

dimanche 7 janvier 2024

☾αρiT@iη℮



Image du film "Moi capitaine" (Lo capitano) de Matteo Garronne (réalisateur notamment, du film italien poignant "Gomorra, basé à Naples) Film sorti en salles françaises, le 3 janvier 2024.
La bande son du film est de Andrea Farri, avec le superbe Geoffrey Oryema et son titre "Exile".


Lo capitano, raconte, tel un conte, un long voyage initiatique, une odyssée, au péril de vies nombreuses. Inspirée d’une histoire vraie, celle de deux jeunes adolescents qui décident de quitter leur pays, rejoindre le Vieux Continent. Sénégal, Mali, Niger, Libye, et la Méditerranée, l'une des routes de la migration vers l’Europe. L'un deux devra prendre la barre d'un bateau pour traverser la Méditerranée avec, à son bord, des centaines de personnes parmi lesquelles vingt-cinq femmes et quinze enfants. Avec la fine interprétation de l'acteur sénégalais, Seydou Sarr, qui incarne l'histoire vraie d'Amara Fofana. Amara Fofana, a 16 ans, lorsqu’en 2014, il arrive dans le port d’Augusta, en Sicile. Un an plus tôt, avec un copain du même âge, il a quitté son pays, la Guinée, dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Un périple de près d’une année qui passera par le Mali, le Niger et la Lybie. Là-bas, des passeurs l’obligent à prendre les commandes d’un bateau pour traverser la Méditerranée. A bord se trouvent 250 personnes. Amara Fofana les conduira sain et sauf en Italie après deux journées entières en mer. Le jeune homme n’avait jamais navigué. Il ne savait alors même pas nager. Arrivé en Italie, les autorités le prennent lui-même pour un passeur. Il est condamné à une peine de prison de deux mois ferme ainsi qu’à deux ans de mise à l’épreuve. A sa sortie, il entreprend des études secondaires tout d’abord et supérieures ensuite dans une école de marine, où il obtient son brevet de skipper. En 2019, il prend la direction de la Belgique.
Inspiré de témoignages authentiques, le film a nécessité deux ans de préparation et de documentation. Il a été tourné presque entièrement en wolof entre le Sénégal, l’Italie et le Maroc, avec l’aide d’interprètes. Le film a été tourné au Maroc, en Italie et au Sénégal pendant 13 semaines, avec des acteurs, non-professionnels.

mercredi 3 mai 2023

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Beau Is Afraid
, (Beau a peur) est un film d’horreur américain, une comédie dramatique réalisée par Ari Aster, sortie en 2023. Il met en scène l'acteur Joaquin Phoenix dans le rôle de Beau Wassermann, un homme doucereux et peureux, qui s'embarque dans une odyssée surréaliste pour retrouver sa mère, affrontant ses plus grandes peurs en chemin, au rythme d'un stress haletant et de scènes captivantes, merveilleuses et épouvantables.
Ne pas se fier à ce visuel enfantin, qui fait partie de l'animation insérée au cœur du film, réalisé par les géniaux cinéastes chiliens Cristóbal León et Joaquín Cociña. Car, ce film est une dinguerie, un cauchemar à n'en plus finir... de trois heures !
L'acteur, excellent comme souvent,
interprète un personnage non héroïque, bedonnant dépressif paranoïaque, maltraité par sa mère, un homme-enfant en forme de sac triste, au phrasé marmonné. Son innocence n'est pas supportable dans un monde qui recherche sans arrêt le coupable idéal et n'admet aucune excuse, elle est jugée sans cesse à l'aune d'actes manqués, ceux des autres, prise dans le
maelström d'une société chaotique et terrorisante, insécuritaire à souhait, qui frise avec le freak show et l'épouvante.
Beau se
défini par sa culpabilité, d'où émerge ses angoisses dévorantes. Sa mère dominatrice, incapable de le rassurer, lui inflige son mécontentement permanent, dont il tire une indécision, mettant à rude épreuve son entourage, par ses hésitations, ne sachant que balbutier, s'excuser, être désolé de voir les abominations du monde, tel un Jésus martyrisé. Poussé à la confession, à rechercher au fond de lui ses péchés,
que la reine-mère lui ordonne de dire, avec l'aide manipulatrice de son complice le psychothérapeute, il se retrouve piégé par ceux qui représentent cette loi divine et supérieure. Sa petite voix intérieure, quasi inaudible, est écrasée sans cesse, par des ordres venus de son passé, qui l'empêchent de grandir et discerner. Dans une confusion perpétuelle, Beau traverse des humiliations répétitives, sans qu'il ne puisse jamais les arrêter au fil de l'eau du cours de sa vie. Il est conduit ainsi à revisiter les croyances inculquées, les fausses, et rechercher, ce pourquoi, il demeure dans une cage dorée psychologique, enfermé par sa mère célèbre. Elle travaille dans la publicité et ses slogans plébiscités bienveillants provoquent une dissonance cognitive face à la maltraitance subie, tandis qu'il vit dans un taudis, addict aux médicaments, aux formules toujours plus nocives, et mortelles inscrites sur des étiquettes. Il ne transgresse pas la loi de la mère supérieure, il est transgressé par elle, entièrement soumis, dans une peur infantile et castratrice.
L'élément fantastique de l'installation immense,  d'un sexe avec ses testicules, un peu dans le genre
kaijū eiga, une sorte de grande sculpture molle, enfermée au grenier par sa mère, lieu où est également enfermé son père, fait figure de l'imaginaire du conte de Barbe-Bleue, où sont enfermés les prisonniers des prédateurs, et ici de la prédatrice. Le grenier est un cachot-mensonge, lieu de l'inconscient freudien, s'y aventurer est à ses risques et périls. N'ayant jamais accès au bonheur tant promis par la société publicitaire, véhiculée également par l'animation colorée assez magique et salutaire après autant d'épreuves, subies par les spectateurs, Beau comprend qu'il n'a jamais joui, trop empêtré dans l'histoire fictionnelle transmise par sa mère, lui interdisant toute relation sexuelle, au risque de mourir. Il ne s'est jamais affranchi de ce mensonge, une fiction qui maintient l'enfant unique dans sa cage, jusqu'à un âge avancé. Cet âge est l'odyssée de ce film, un moment critique, qui représente littéralement un accouchement, telle une arrivée angoissante dans  un monde angoissé, de cris. Beau n'a pas poussé son premier cri comme les autres. La différence est traitée ici, par l'indifférence du monde, autours du personnage. Ce qu'il se passe autours de Beau forme un film, tandis que Beau, dont les spectateurs endossent la peau, assiste aux scènes les plus surréalistes, sans qu'on ne sache qui est-il vraiment. Son entourage lui récite sa vie et son passé, ce qu'il doit faire, avancer comme un pion sur un jeu, dont il ne maîtrise aucun paramètre. De surprises en surprises, il tombe dans tous les pièges, les spectateurs deviennent à leur tour, voyeurs et donc complices, sans broncher, des mauvais traitements.
Beau représente ce secret du "vieux garçon", celui nommé ainsi, dans un temps reculé, pour définir de façon péjorative, un homme qui ne s'est jamais marié, mais qui n'est plus considéré jeune non plus, toujours lié à sa mère.
Il se traine au gré de ses humeurs et ses hallucinations. "La supérieure" qui ne meurt jamais, lui arrache, in fine, ses confessions, dans un tribunal, au-dessus de l'eau, il serait lâche et égoïste, jamais à la hauteur de ses attentes, la mère, seule victime. Jugé comme trouillard et dégonflé, sa défense tombe à l'eau. Il n'est définitivement pas l'homme providentiel.
Cette saga surréaliste est un supplice et foisonne de paranormal, de sectes et théâtres mises en abîme, un film étrange, merveilleusement imprudent, et vivifiant. Qui
croire ? Les fantômes, les démons, la communication avec les morts, le personnage est un courageux qui s'ignore, il a le don de l'expérience et de l'inconnu. Beau est affublé de toutes les tares laides du monde, hors, il est beau et médiumnique. La fable est initiatique. Les effets émétisants sont interprétés par le personnage qui vomi littéralement de sidération et nous offre des plages de respiration, quand il parvient à fuir les différentes communautés sectaires ou lieux hostiles, et, pour les spectateurs, peut-être qu'il émane une forme cathartique de ces secousses psychologiques, depuis le liquide amniotique, où baignent les vibrations de la folie du monde caverneux. Le temps défile sans que l'on s'en aperçoive, comme les saisons et le vieillissement de Beau, qui rejoue à volonté sa vie, toujours coupable à la place des autres. La spacialisation du son déroute et terrorise, la première heure, il faut s'accrocher, comme le personnage au plafond, au-dessus d'une baignoire. Entre agacements et effets hilarants des troubles anxieux des scènes, la paix arrive par surprise, pour mieux nous descendre plus profondément, prendre pitié de cet homme si doux, vulnérable et incapable de violence, dans un monde cruel et machiavélique. Une satire judéo-américaine, qui frôle avec les arts plastiques. Il me faisait penser à un autre film, Dogville réalisé par Lars von Trier, en 2003, aussi en pièce de théâtre, une parabole cruelle de la violence des rapports humains, de la noirceur de l'âme. Toujours cet étranger qui arrive dans une ville, une forêt habitée, une maison, une famille, devenant insidieusement le bouc émissaire des maltraitances historiques de ces geôles, dont raffolent les prédateurs, à priori, très attentionnés, trop attentionnés, jusqu'à chosifier Beau, cet étranger, à lui-même.
Le film d'animation est un rêve éveillé, une pièce de théâtre dans la pièce de théâtre. La trame s'inspire d'une sorte de Société religieuse des Amis, évangéliste, où Beau arbore le costume d'un pseudo-Quaker, et illustre un retour à la spiritualité et à la simplicité du christianisme primitif, avec les désastres de la nature, qui finissent par lui prendre sa famille. Dans ce petit film, le personnage doit à nouveau abandonner l'idée d'une famille nucléaire. Beau est invité à regarder cette pièce, à revivre son passé et rencontrer son père, qui n'est pas mort, le mensonge de sa mère. En arrière plan, une sorte de fou furieux, gros personnage bas de plafond, cible Beau avec son GPS embarqué sur son téléphone mobile, depuis des lustres afin de le cribler de couteaux. Ce personnage moyenâgeux, en guenilles, court et traverse le temps, il harcèle Beau, téléguidé par cette loi suprême, dont le psychanalysé ne s'est pas encore débarrassé.
La persécution est une parabole, dans ce film, elle s'illustre de différentes manières. Le film commence par le harcèlement que subit Beau, dans son appartement, par des missives écrites, des lettres glissées sous sa porte, sans qu'il ne puisse savoir qui les écrit, l'accusant de mille maux, d'actions qu'il n'a jamais commises, d'être le voisin qui nuit à l'ensemble des habitants, alors qu'il est persécuté par ceux-ci, jusqu'à ce qu'il perde totalement l'accès à son dernier cocon, son lieu de vie, volé et donc violé par tous ses voisins errants malveillants, sans domiciles fixes, ou tueurs en série. Malgré sa tentative d'expliquer l'horreur qu'il subit à sa mère au téléphone, celle-ci lui fait penser qu'il affabule.  Elle minore ce qu'il vit, afin de demeurer cette mère dominatrice, ayant bien plus d'importance que lui. À ce moment précis, Beau a le choix, mais encore une fois, il craint que sa mère ne meurt, comme s'il en rêvait, par une atroce circonstance extérieure, le lustre qui tombe sur sa tête. Puisqu'il ne souhaite pas s'émanciper (dire non), ni rêver qu'il tue sa mère, il aspire à ce que les évènements décident à sa place. Le complexe œdipien est sublimé le long du film, et ne se résout pas. Il est dans l'obligation de venir à son enterrement, sans y parvenir à temps. Sa mère aura maquillé sa mort et réapparaîtra encore, hanter même sa première relation sexuelle, en tuant sa conquête (son amie d'enfance), la cristallisant capable de rendre frigide tout individu, s'opposant à ses propres désirs de destruction. Beau serait ce maso obéissant au souvenir de sa mère sado.
La scène de l'appartement formule, à elle seule, l'acharnement dont est victime Beau, de la part de son entourage, alors qu'il se trouve sans aucune défense, ni aucune protection, et sans qu'il ne soit jamais cru par sa mère, qui l'accuse sans cesse d'être un menteur ou de la manipuler : structure parfaite d’inversement des pervers, renverser la vérité et accuser la victime d'être l'agresseur, tactique bien rodée, jusqu'au jugement dernier.
La scène du tribunal est somptueusement étrange, et mortuaire, une sorte de stade et d’embarcadère, où les barques au clair de Lune, échouent, sans pouvoir s'échapper, et sans avocat évidemment, face aux autres, flous et gris, tous ces visages sans visages, contre lui. On y apprend un peu plus sur son identité, puisqu'il est jugé, Beau serait né un 10 mai 1975, une date choisie, générationnelle, de celles et ceux qui approchent de la cinquantaine, en plein fantasme de l'intelligence artificielle, où l'on vend l'idée que bientôt, chacun pourra choisir ses souvenirs, inventer sa mémoire, recréer sa biographie, choisir son passé, imager sa vie (faire son cinéma) Au moment de son jugement à la moitié de sa vie, il est déjà passé par la case des très vieux messieurs, histoire d'avoir déjà vécu ce qui peut l'attendre, s'il ne se transforme pas. Le bilan au bord de la noyade, symbolise le cap de la cinquantaine, le moteur est fatigué, et l'eau est noire, profonde et insondable. La systémie dans laquelle se situe Beau, se boucle à la source de son trauma d'enfance, sa naissance, de sorte que le spectateur peut ressentir son enfermement, puisque la clôture est jusqu’au-boutiste.
Quelque part, il y a un peu d'Alice au pays des merveilles, avec les merveilles en moins, quoique la magie de l'animation faussement naïve en stop motion, apporte une féérie délicatement moqueuse de l'angélisme d'une vie réussie et méritante. Les épopées initiatiques et folkloriques fleurissent et flétrissent à tout bout de champs... Soirées de costumes de coccinelles et journées en pyjamas, que choisir ? La direction à droite ou à gauche ? Et le retour à la case départ : Mom.
Beau tente désespérément de rejoindre sa mère.

Il y a un peu de kaijū eiga, genre de films japonais, quand les aliens assiègent les villes, sauf que l'assiégé ici, c'est Beau. Et les spectateurs aussi... Apocalypse psychologique...