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lundi 1 juin 2020

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mercredi 2 novembre 2011

Pistol opéra

Pistol Opéra : Film de Seijun Suzuki

Affiche du film japonais Pistol Opera réalisé par Seijun Suzuki (2001)
Un ami m'a fait découvrir le film de Suzuki, Pistol Opéra. Il nous (les amis) avait déjà fait partager un autre de ses films, La marque du tueur, réalisé en 1967. Cet opéra des pistolets (arme à feu de poing) est différent même s'il se veut être la suite de La marque du tueur. Leur point commun est sans nul doute l'élégance, le sujet des tueurs, mais en quarante ans, on est passé du noir et blanc à la couleur, au monde des hommes et des clans, au monde des femmes autonomes et déterminées. D'ailleurs, si je me souviens bien, dans ce monde des hommes de la fin des années 60, il y a pas mal de cascades et de voitures (assez stylisées) Dans ce film très coloré, plein d'artifices, les tueuses sont rarement véhiculées (ou alors dans les images féériques des rêves, elles sont sur une barque, sur l'eau) Ainsi je parle d'autonomie. Le scénario de Pistol Opéra est assez simple : Miyuki Minazuki alias Stray Cat, classée Numéro 3 dans la guilde des tueurs, se retrouve embrigadée dans une guerre entre tueurs qui veulent devenir Numéro 1. Et le film, que j'ai vu en version japonaise, sous titré en anglais, est au final assez complexe, mais ce sont les images et leurs esthétiques qui prennent le pas sur l'histoire tant les tableaux se succèdent. Ce film est fascinant. Les femmes tueuses de cette fresque sont étranges car l'esthétique est la priorité de leurs crimes. Chaque aventure, traque, doit figurer dans une peinture magique, un théâtre, une scénographie de gestes maîtrisés comme un art martial, ou paradoxalement art de la lenteur (même si l'action est directe) comme regarder au ralentit la mort d'un ou d'une tueuse. Le supplice que prennent les auteurs à être tués à petit feu, n'est pas loin d'un érotisme d'une Asie, dont les codes, vu d'ici, demeurent exotiques. Même si très pop, car les couleurs et leurs opposés, les contrastes des lumières et la finesse du rendu, quasi photographique (le temps de l'animation gelé) ce film a quelque chose de punk, mais d'un punk très sophistiqué et pourtant super dingue. La frime, la fierté des protagonistes même mourants, sont les cartes de ces joueurs énigmatiques. Le rêve arrive dans certaines scènes, avec des incrustations fantaisistes et chaque image est un tableau que l'on aimerait retenir un peu plus, mais c'est un film. Rien qu'à imaginer que ce réalisateur d'un certain âge nous bluffe avec autant d'énergie et de style, on peut croire que la vigueur et la créativité peuvent encore donner des claques aux plus jeunes qui hésitent encore à montrer de quoi ils sont capables, avec tact. Ne parlons pas des plus vieux persuadés que leur vie créative est derrière, comme avoir déchargé toutes leurs batteries un peu trop tôt. Dans ce monde de craintifs, ce film démontre comment tourner le dos à la peur et laisser place au pouvoir de l'imagination. L'analyse même s'avère difficile et les images seraient là d'un grand renfort ;.)

Derrière la pochette du DVD, on peut lire en anglais :

"As powerful and energetic as ever, 78-year old director Seijun Suzuki creates a stunningly lurid, extreme tale of a woman assassin’s (new sensation Makiko Esumi) surreal rise in the criminal underworld. Thirty-three years later, this master of the pulp thriller reworks his own Branded To Kill into a totally new, jaw-dropping experience! The original Branded To Kill (1976, Koroshi No Rakun starring Jo Shishido. Mariko Ogawa, Anne Mari) is the stylish action movie that has been the subject of homage from world-class directors such as John Woo, Quentin Tarantino, and Jim Jarmusch. Its eccentric, eye-popping images and extreme action is fast earning Pistol Opera a worldwide cult following."

Si Suzuki fait exploser les codes cinémato-graphiques, c'est peut-être dans la deuxième partie du mot - graphique - que se trouvent ses codes. Et souvent, je me suis demandée comment se fait-il que tant de cinéastes, dans nos pays, soient si peu cultivés dans ce domaine et oublient complètement cette dimension du signe, pourtant, un des fondamentaux de la composition de l'image, avec la couleur. La réponse est du côté de l'orient. Opéra, signes visuels et auditifs, bande sonore et festival de formes, sans peur de l'excès et des longueurs (comme un kabuki), tout en précision chromatique. Délirant et snob, baroque, dans le jeu et jouer c'est du cinéma. Une scène de peinture sur un visage d'une grande force plastique n'est pas sans nous rappeler nos ancêtres les Picasso de l'art, mais en plus audacieux. Film difficile d'accès, un brin pour les contemplatifs et les amateurs de nouvelles formes visuelles, déconcertantes, dont l'histoire n'est pas le plus important mais dont le pouvoir de l'imagination donnée au spectateur, à la spectatrice, est peut-être ce que l'on peut appeler, du cinéma.