Photographies © Sonia Marques, dont celle prise par Étienne Cliquet (Conférence "Magic Ring", Musée du jeu de Paume à Paris, avril 2012) et paysage de Suisse lors de la conférence sur l'enseignement par Sonia Marques à Genève, mai 2012... Et 2021 (inversion de chiffre 2012-2021, effet nœud de Moebius, miroir du temps)



.L'imprévisible heureux.



La pensée concoure à des évènements remarquables. Mes déterminismes interfèrent aux évènements du monde, sans que je n'y prête attention, pourtant même lorsque ceux-ci sont lointains, ils ont une conséquence dans mon quotidien. Lorsqu'ils se rapprochent, les interférences sont telles, que la rencontre apparait, comme fortuite, au premier abord, mais très vite, cette contingence qui touche (émotionnellement), s'évapore et s'éloigne. Les conséquences de ces rencontres, des fruits du hasard, inscrivent l'imprévisibilité dans des cas bien plus subtils que je ne pouvais l'imaginer. La variabilité des facteurs en jeu mettent en scène un système complexe, dont les changements sont irréversibles. À moins que le retour à postériori, ma façon de penser la plus digne d'expérience, me permette de redimensionner les facteurs et les occurrences, leurs positions, leurs vitesses et de revoir ma copie : l'irréversibilité disparaît. L'assouplissement des croyances et manières de percevoir le monde à un instant "T", est revisité, par exemple, 9 années plus tard, détaché d'un évènement apparu et interférant, soudainement, rencontré donc 9 années plus tôt. La combinaison analysée, sans affectation, éloigne la dimension psychologique (joie, étonnement, indignation, désespoir, résignation, séparation…) et s'agrémente de nouvelles conceptions. Celles-ci, ont le pouvoir de changer la donne, du passé, par le souvenir et la conscientisation des effets et croisements. Les états instables provoqués par des évènements surgissants, balayent tout déterminisme, pourtant, dans ma pensée, celle-ci peut s'orienter de façon constante et sensiblement déterminée, malgré les contingences, et garder quelque chose de certain, parmi les incertitudes creusées par des évènements lointains ou se rapprochant, voire, chahutant ; et acquérir, par l'expérience, plus de paramètres, et donc, (elle peut ainsi) se retrouver affinée par les détails de l'imprévisible, dans ce qui se projetait, avant, dans de parfaites prévisibilités.

Le facteur de chance se retrouve ainsi bien diminué, devant les possibilités projetées, si sont quantifiées les probabilités de réussites.

Il en est que la question philosophique à laquelle un de mes dessins (des incognitos) tentait d'en évoquer le signe (la cité de la chance / la cité de dés / la cité 3D en 2D) représentait plusieurs dès de jeu, dont les ronds blancs étaient tombés à terre, devenus alors des points noirs, de sorte que l'on ne voyait que des dès noirs collés, et ceux-ci formaient une cité d'immeubles noirs (à l'encre de Chine). Les dés n'avaient donc plus aucune chance de jouer leur partie de hasard, pourtant, cette cité d'immeubles noirs, dont le sol était jonché de points noirs, comme des fleurs ou de petits trous noirs, ainsi dépourvue de nombres, devenait la plus chanceuse. Une façon d'abolir le hasard, par des coups de dés. Une façon de déterminer que tous les habitants de ces immeubles noirs avaient désormais toutes leurs chances de gagner leur vie.

Si je jette des ponts aujourd'hui sur des situations passées, c'est à travers mes conférences (2012-2021) que ma pensée déterminée alors, trouve quelques points (noirs) de variabilité, provoqués par les contingences, avec de forts degrés de changements et d'évènements (blancs), et pourtant, je la retrouve intacte, par bien des points (effet d'optique). La fiabilité de penser serait alors un repère, qui peut même orienter l'individu et également le structurer, avec de subtiles variations. C'est un peu comme traverser une guerre, ou des formes de guerres inédites, donc impossible à décrire, non dites, et être armé d'une manière de percevoir le monde qui demeure l'habitation la plus fidèle à ce que l'enfant soumettait déjà au monde à son arrivée : des réponses.

Ce sont les questions qui sont arrivées.
Les situations exposées "lui" arrivent toutes.

C'est un bonheur inachevé de paramétrer des possibilités et de savoir que celles-ci seraient affectées par l'imprévisible, car elles défient l'intelligence et imposent l'aléatoire. La confrontation aux phénomènes, à ce que je peux observer, ébranle tout rendez-vous calculé, et permet une marge de liberté fort agréable, et parfois désagréable. Les conséquences peuvent être dramatiques et fermer bien des dimensions, des avenirs, mais, si elles sont envisagées sous un prisme de variables du "pire", l'apparition, sous un certain angle, devient plus prévisible et ainsi, les portes s'ouvrent, celle de l'imprévisible heureux.

D'ailleurs, deux sessions de travail, dans mon enseignement, avec des étudiants, dans un paysage de zone humide, un marais, dans le département du Cher, peu profond et d'une végétation aquatique typique se nommaient "Disparitions", puis "Apparitions", dans la saison hivernale, en tenant compte des évènements surgissants que l'on ne pouvait ni exclure, ni ignorer, moments d'explorations de ses capacités à faire face et à engager sa voix singulière, en dépit des contingences. Les à priori écologiques nous sont vite apparus, à postériori, des sources phénoménologiques idéales pour des sujets à explorer comme le mimétisme et la coloration.

Il y a des chances d'apparition. Je m'oppose à toute science qui impose le déterminisme comme conquête, sachant que la pensée de l'individu évolue par son expérience, et ne peut être stable ou ignorer tous les facteurs de sa psychologie et des natures de l’environnement et de leurs phénomènes. Il va donc de sa capacité (de l'individu) à s'offrir en toute transparence à lui-même, pour explorer de plus fines probabilités de conquêtes. Connaître ses propres limites devient alors une phase obligatoire au dépassement, sans risquer la déchirure avec ses propres capacités.

Accompagner toute personne dans son épanouissement personnel, artistique, intellectuel, sportif… et développer ses dons, revient aussi à bien connaître les limites de ses capacités à engager l'autre dans une voix plus ambitieuse.

Le refus d'imaginer une once de liberté, serait peut-être vivre un mode "par défaut", bien plus confortable, afin de ne pas prendre de risque et demeurer au plus près de ce que l'on pense devoir aux attentes de l'autre, de la vie. C'est pourtant faire fausse route que de s'engoncer dans les pas formatés pour un temps "T" donné. Rester figé dans un temps dépassé, c'est mettre en danger sa pensée et la concevoir stable, en ignorant toutes les occurrences. L'exclusion du temps peut permettre de s'extraire de situations trop difficiles ou de la peur de l'échec, mais elle coupe la pensée de son interaction avec le chaos du monde et de son évolution, sa capacité à acquérir de l'expérience.

Par rencontre, j'ai pu imaginer ce que le mode "par défaut" imposé par le milieu informatisé, pouvait exclure et ignorer. Cette limitation de la pensée, pouvait, un temps donné, rendre plus confortable l'instabilité des milieux (matériaux-médiums-formes de vies sociales) et maintenir un socle, un support pour conserver une structure pensée par un groupe à une époque révolue. Mais elle réduisait au fur et à mesure la conscientisation et excluait toute sensualité et présence au monde et à ses contingences.

Afin de ne pas confondre les termes, il existe en neuroscience, un réseau nommé : du mode par défaut (MPD) Il désigne un réseau constitué des régions cérébrales actives lorsqu'un individu n'est pas focalisé sur le monde extérieur, et lorsque le cerveau est au repos, mais actif. Je le compare à ces moments où ma pensée vagabonde, mais elle s'apparente souvent à ma façon d'écrire et actionne l'hyper-latence (beau paradoxe) Ma pensée se déconcentre facilement, elle semble partir dans tous les sens, comme une dispersion, mais elle est tout à fait normale, chez tous (en particulier lors de l'endormissement) quand on n'a pas besoin de penser à quelque chose de particulier. À ne pas confondre avec ce mode par défaut, qu'utilisent beaucoup de conceptions informatiques et techniques, pour bâtir un réseau, et là je m'abstiendrai d'énoncer ce qu'est le mode sans échec, car, il est aussi très intéressant par rapport à la peur de l'échec... Belle traduction, pour les informaticiens, au contrôle des émotions. Ayant souvent utilisé ce mode, en informatique, c'est assez réussi.

Pourtant, si je reste du côté des neurosciences, le mode par défaut est un peu ce moment où il se passe plein de choses au niveau cognitif, une sorte de boucle mentale qui réassemble en permanence les pensées, de façon inconsciente. Il émane de cette dispersion, lorsque la pensée vagabonde (le cerveau serait alors au repos), cette faculté de l'idée ou de l'Euréka. Ainsi pensai-je, de la trouvaille, mais parfois bien plus, de façon fulgurante : j'ai trouvé.

Il me semble que de cette manière, ce que je nomme poétiquement l'imprévisible heureux, est plutôt de l'ordre de l'émerveillement aux choses, de mon point de vue, d'être tournée vers ce qu'il se passe, ailleurs ou chez l'autre, devant moi ou vraiment plus loin. Cet aspect vif, de la curiosité, serait, peut-être, charmé par l'aspect cognitif de ce moment semblant reposé, sans aucune activité (ce mode par défaut en neuroscience) et pourtant connecté à ce qui diffère = la différence. Tant de bifurcations mèneraient ainsi à la découverte, en passant par l'émerveillement.

Bref :

C'est un bonheur inachevé de paramétrer des possibilités et de savoir que celles-ci seraient affectées par l'imprévisible, car elles défient l'intelligence et imposent l'aléatoire. La confrontation aux phénomènes, à ce que je peux observer, ébranle tout rendez-vous calculé, et permet une marge de liberté fort agréable, et parfois désagréable. Les conséquences peuvent être dramatiques et fermer bien des dimensions, des avenirs, mais, si elles sont envisagées sous un prisme de variables du "pire", l'apparition, sous un certain angle, devient plus prévisible et ainsi, les portes s'ouvrent, celle de l'imprévisible heureux.