Pourquoi ?
Être artiste aujourd'hui
Ne pas se reconnaître dans aucun artiste représentant un parti politique ou un syndicat (c'est pareil)
Un besoin de couleur, il n'y en a plus
Voir la couleur, la contempler
Croiser des personnes qui tentent de voir ce que l'on voit
C'est cela être artiste
Voir ce que d'autres ne voient pas, plus
Mais est-ce toujours voir ?
Percevoir aussi, ressentir et exprimer ce que l'on ressent
Sentir, les odeurs d'un paysage participent du chemin
Impossible à voir sur un écran
La promenade, riche de sens
Alors n'importe qui peut être cet artiste
Un, une artiste, c'est n'importe qui, plutôt que n'importe quoi
Parler, se balader, la marche libère les esprits, les muscles, la respiration
La rencontre des personnes ou des animaux, rares, mais partout si on regarde bien
Les insectes partout, ces cris d'oiseaux qui correspondent : nous sommes chez eux
Ils nous regardent d'en haut, nous devenons de petits animaux qui marchent et parcourent les sentiers
Être artiste aujourd'hui et comprendre que beaucoup sont prisonniers
La santé mentale en difficulté
Toujours à se soumettre à son parti, ses petits diktats inventés en dehors des lois
ses petites hiérarchies et ses revendications, pelletons par pelletons
Les pauvres toujours, le social, les bons arguments, de vente
Les pauvres et les slogans par-dessus, le mal de vivre, la solitude, l'abandon, le manque de soutien, l'incompréhension,
Alors, alors, marcher,
Aussi souvent dans le froid et dans le soleil, la pluie, tout est accessible
Qu'est-ce que c'est que cette idée de la culture payante ?
Avoir son badge partout, son échelon spécial, son exposition, sa médaille et perdre de vue, tout ce qui faisait l'artiste
Un artiste n'a pas de liens avec ce qui se vend, car ils et elles partent à la recherche de ce qui existe,
tout simplement, ce qui existe, pour le révéler

Pourquoi cela ne se vend pas ?
Car on ne peut vendre la couleur d'un ciel gris changeant, ni l'amertume des lieux mouillés,
ni l'angoisse des sentiers pas battus, ni le bonheur des retrouvailles ni le rideau noir de la nuit sur des peaux rouges confites,
ni ce sourire au gré d'un dialogue à bâton rompus qui perce les secrets à jour et illumine les naïfs visages
pour mieux les encourager à se tanner, le cuir, le temps, les buissons qui rampent, pourquoi ils rampent ?
Le temps brûle les calories, la vitesse les emporte dans l'eau des canards,
Ces perles liquides qui glissent le long de ces plumages
Comme ces temps qui changent et ces modes qui glissent le long des artistes
Tout se brouille comme les œufs au virus
Le lendemain un autre virus
Les modes trépassent
Rien ne passe plus
Il ne se passe plus rien
La machine est bloquée
À jamais
Les artistes passent leur chemin
Ils regardent le temps changer
Demain cela ne sert à rien
Après-demain non plus
Ne plus se fier aux temps des humains
Rien ne les vaccine plus
Des petites feuilles au gré du temps
Comme ces petites natures
De temps en temps
Va-et-vient
Incertains
Authentiques

Il ne se passe plus rien

Sauf ce que l'on invente

S'apercevoir qu'il n'y a que des petites natures

Et pas une seule nature à quelque chose

Brindilles accrochées au rien au vent à la chute
Perchoirs et maisonnées

Immeubles cramponnés aux collines
Pylônes dépassés téléphones périmés

Moutons cahutes souterrains sous autoroute

Hélicoptère urgence vagues de voitures et débris de cris

Héler au fin fond des confins

Sans voir venir l'avenir

Dormir au moindre retour en arrière

Jouir à la moindre étincelle de vie