J'apprécie l’œuvre et la personnalité de Meredith Monk depuis longtemps, je ne l'ai jamais vue sur scène, mais j'ai écouté, vu, à distance. La nuit, dans le silence, ce sont ces vidéos que je regarde. Je n'ai pas la télévision, ne l'ai jamais eu d'ailleurs, ce qui m'a emmené vers des horizons filmiques, de danses nocturnes et de sons inoubliables, à l'écoute enveloppée dans mon imaginaire, des paysages traversés, que je découvrais, seule, sans aucun référent, ni enseignement, à tâtons, j'ai vu cette petite dame, capable de tant de choses, ses voix, sa liberté de ton. Je ne sais pourquoi j'avais fixé une image d'elle assez jeune avec des tresses, car certainement, lorsque je l'ai découverte, je me faisais des nattes, patiemment, dans mon Île-de-France (qui entoure la capitale du pays), lorsque je dansais, et je m'étais dit, non seulement elle se fait des nattes comme moi, mais en plus, elle défriche des territoires qui ne seront jamais "possédés", par personne, les léguant à tous. J'étais oiseau, mince et joyeux. Mais aujourd'hui, je vois des images d'elle, elle a vieilli, comme nous tous, elle a changé, ce n'est plus la jeune femme aux nattes, c'est une vieille femme qui continue d'apprendre aux autres à trouver leurs voix. Alors, sans doute, ai-je vieilli aussi. Elle est née en 1942, elle a 77 ans ! Je ne sais pas pourquoi, j'ai gardé une image d'elle, une idée même qu'elle avait à peine une trentaine d'années, certainement à l'âge où je la découvrais, j'en avais une vingtaine. C'est resté fixé, alors que sa voix a continué à évoluer. Je m'identifie toujours aux vieux et aux enfants, le grand écart... Compositrice, chanteuse, réalisatrice, scénariste, actrice, danseuse et chorégraphe américaine, à quoi bon s'enliser dans une discipline, quand on peut virevolter, c'est ce que j'aime chez les artistes américaines. Quand on vient de la banlieue de Paris, tous les artistes auxquels on aspire, sont américains, car il y a une espèce de dynamique qui traverse des disciplines et parce que l'on se fait soi-même. Lorsque l'on étudie à Paris, on apprend surtout à caser les choses, et parfois se caser dans un petit coin, afin de ne pas faire d'ombre aux laborieux, sinon on vous coupe la tête si elle dépasse. Et puis, quand on voyage un peu, quand on parcourt des régions, des pays, on retrouve ce qui était ancré au tout début, virevolter, se laisser aller aux inspirations diverses rencontrées sur le chemin des déplacements. Le confinement nous a peut-être redonné l'envie d'avoir envie d'aller plus loin, de se reconnecter à la création, en voyageant. Monk superbe !