Statue de l'intendant Ebih-Il, les mains jointent, en position d'orant. Époque des dynasties archaïques, vers 2400 av. J.-C. Mari, temple d'Ishtar Gypse, lapis-lazuli, coquille H. : 52,50 cm. ; L. : 20,60 cm. ; Pr. : 30 cm

Et nous devrions lui en savoir gré car son sujet qui porte sur la guerre et sur un siège et, par conséquent, sur un problème de virilité supérieure, se passerait avantageusement de cette déliquescence qu’est la prière, laquelle représente la situation de soumission la plus extrême puisque l’orant s’y abandonne sans lutte, s’étant livré à Dieu une bonne fois pour toutes

— (José Saramago, Histoire du siège de Lisbonne, 1989 ; traduit du portugais par Geneviève Leibrich, 1992, p. 20)

orant

\ɔ.ʁɑ̃\ masculin (Religion) (du latin ōrāre, prier)
Qui est en prière ; qui prie.

Toute la vie de l'ermite est contenue dans cette tension vers Dieu, cette attention de l'âme orante pour la fidélité de laquelle les anciens moines d’Égypte avaient inventé l'oraison jaculatoire.

— (Nathalie Nabert, Les larmes, la nourriture, le silence, Éditions Beauchesne, 2001, page 110)



 

Statue d’Ebih-Il

(alabaster, seashell, bitumen, lapiz lazuli)

Hauteur: 52.5 cm Largeur : 20.6 cm
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/statue-d-ebih-il-nu-banda


De nombreux fidèles ont déposé des statues à leur effigie dans les temples de Mari, perpétuant ainsi leur présence devant la divinité. Ces statues d'orants et d'orantes les représentent, la plupart du temps, les mains jointes et vêtus d'un vêtement appelé kaunakès. La statue d’Ebih-Il est, sans conteste, un chef-d'oeuvre par la qualité de son exécution, par son état de conservation et par le caractère expressif de son style.

Le chef-d'oeuvre de la sculpture de Mari
 

Les fouilles menées dès 1933 par André Parrot sur le site de Mari, en Syrie ont permis de mettre au jour des temples consacrés à différentes divinités (Ishtar, Ishtarat, Ninni.ZAZA..), datant des environs de 2340 av. J.-C. La statue d’Ebih-Il a été découverte dans le temple de la déesse Ishtar virile, premier sanctuaire fouillé à Mari. De ce dernier provient une autre statue de la même période représentant le roi Ishqi-Mari, dont l'inscription permit d'identifier Tell Hariri comme étant le site de l'ancienne Mari.
Ebih-Il est assis sur un tabouret en vannerie. Il est torse nu et porte une jupe longue de kaunakès, vêtement fait d'une peau de mouton ou de chèvre ou encore d'un tissu imitant par ses longues mèches la toison de l'animal. Le kaunakès était aussi bien porté par les hommes que par les femmes. La manière dont sont traitées les mèches laineuses du kaunakès d'Ebih-Il, ainsi que la présence d'une queue à l'arrière de ce vêtement, confirment bien qu'il s'agit d'un vêtement en peau d'animal, rendu ici avec un réalisme rare. Le personnage a le crâne rasé et arbore une longue barbe qui devait être incrustée d’un autre matériau. Seuls les yeux ont conservé leurs incrustations de coquille et de lapis-lazuli enchâssés dans une monture de bitume. Le lapis-lazuli, provenant d'Afghanistan, témoigne des relations établies sur de longues distances, dès cette époque ancienne au Proche-Orient. L'albâtre translucide, dans lequel cette oeuvre est façonnée, donne beaucoup de subtilité au modelé du buste comme au léger sourire qu’esquisse le personnage. Au dos de la statue se trouve une inscription qui identifie l'oeuvre : « Ebih-Il, nu-banda, a offert sa statue pour Ishtar Virile ». Autrefois traduit par le terme d’intendant, le titre d’Ebih-Il a récemment été compris comme celui de nu-banda. Les fonctions d’un nu-banda pouvaient inclure des responsabilités importantes, notamment reliées à l’armée. Avec cette nouvelle distinction, il est désormais acquis qu’Ebih-Il appartenait aux plus hautes élites du royaume, ce qui rentre en cohérence avec la qualité de sa statue. Celle-ci fut l’objet de soins importants, restaurée dans l’antiquité à la suite d’un accident. De récentes études ont montré le lien qu’il convient de dresser entre la présence de ce nu-banda dans le temple de la déesse de la guerre et du pouvoir et celle du roi Ishqi-Mari.
 

Les statues d'orants
 

Les statuettes d'orants étaient destinées à être déposées dans les temples, vouées à leurs divinités tutélaires. L'attitude des mains jointes, la plus fréquente, est interprétée comme celle de la prière et visait sans doute à perpétuer l'acte de dévotion dans le temple. Le personnage peut également tenir dans ses mains un gobelet, comme sur les reliefs perforés figurant une scène de banquet, également déposés dans les temples. Ce type de statuaire, inauguré à l'époque des dynasties archaïques (essentiellement aux phases II et III, soit vers 2800-2340 av. J.-C.), perdurera aux époques postérieures et les nombreuses statues représentant le prince Gudea de Tello (musée du Louvre) illustrent ce phénomène. Malgré des variantes, les représentations d'orants répondent à un même schéma. Elles figurent le fidèle, homme ou femme. La plupart sont en pierre, mais il existe aussi des exemplaires en métal. Leur hauteur varie de quelques centimètres à plus d'un mètre ; la statue d'Ebih-Il mesure 52 cm. Les personnages peuvent être représentés debout ou assis. Certaines statues portent des inscriptions qui permettent d'identifier les personnages représentés et de les faire revivre dans leur fonction. A Mari, ces inscriptions ne concernent que les hommes, les femmes restant toutes anonymes. Ces hommes et ces femmes appartenaient aux niveaux supérieurs de la hiérarchie sociale : ils possédaient de hautes fonctions dans l'administration de l'état ou de la cour (rois, frères du roi, nu-banda, grand chantre, intendants, officiers, chefs du cadastre, scribes, échansons...), ou bien pouvaient faire partie du clergé (telles les prêtresses représentées par la statuaire féminine de Mari), ou bien encore appartenir à des couches aisées de la société (marchands).






Découverte de la tête de la statue de l'intendant Ebih-Il le 22 janvier 1934. La statue est aujourd'hui conservée au musée du Louvre. Département des Antiquités orientales.


Cela me fait penser à une de mes réalisations artistiques, un conte, un livre qui se nomme Les picolores.
Il existe plusieurs statues (comme les gisants) d'orants, dans cet acte de prier, que je trouve très beau.
Par exemple, dans la prière chrétienne, l'acte de communication, la prière, invoque un interlocuteur invisible et convoque une communauté virtuelle. Toute sa rhétorique habilite l'orant à recevoir un don qui lui est proposé ; par son aspect pragmatique, elle ouvre une béance dans l'orant et accroît sa capacité à recevoir le don. Parole sauvée, elle demande le salut qui lui est déjà donné.
(dans "Quand la réponse précède la demande, la dialectique paradoxale de la parole chrétienne d'Olivier Boulnois)
Dans ce blog d'écriture, sont comme des prières mes articles, il s'adresse à l'invisible et convoque une communauté virtuelle. Ses paroles sont sauvées et demandent le salut qui leurs est déjà donné. Je deviens ce que je dis, ce que j'écris, ce sont mes prières...
Je devine.

Rhétorique de la prière :

 La place de l'énonciation La prière suppose-t-elle des paroles ou constitue-t-elle une simple attitude de l'être humain ? Le sommet de la prière, est-ce parler ? se taire ? penser ? sentir ? agir ? désirer ? voir ? La prière s'inscrit dans un corps : elle implique des postures, des pestes, une imitation corporelle du Christ. Elle agit sur celui qui prie : elle réoriente ses sentiments intérieurs sur ce qu'il signifie. Ainsi, ce ne sont pas les paroles qui se règlent sur l'intériorité, mais la pensée qui peu à peu s'accorde avec la parole ruminée par l'orant. La prière n'est pas seulement la traduction des états subjectifs de l'orant en leur donnant forme objective, elle les ordonne, les décante, les pacifie. Le locuteur s'efface devant ce qu'il énonce, il devient ce qu'il dit.

Il devient ce qu'il dit