Le chat mille couleurs qui se prenait pour une voiture bien garée

Photographies © Sonia Marques (Rochechouart)

Ci-dessous quelques œuvres exposées au Musée départemental d'art contemporain de Rochechouart, lors de l'exposition "L'Iris de Lucy", 28 artistes africaines contemporaines exposées :

Jane Alexander, Ghada Amer, Berry Bickle, Zoulikha Bouabdellah, Loulou Cherinet, Safaa Erruas, Pelagie Gbaguidi,  Bouchra Khalili, Amal Kenawy, Kapwani Kiwanga, Nicene Kossentini, Mwangi Hutter, Michele Magema, Fatima Mazmouz, Julie Mehretu, Myriam Mihindou, Aida Muluneh, Wangechi Mutu, Otobong Nkanga, Tracey Rose, Berni Searle, Zineb Sedira, Sue Williamson, Billie Zangewa, Amina Zoubir.

Il s’agit de la deuxième étape de l’exposition actuellement présentée au Musac à León (Espagne) où elle a été initiée par Orlando Britto Jinorio qui dirige CAAM à Las Palmas de Gran Canaria (Espagne). Elle intervient au moment où la scène artistique africaine est en cours de reconnaissance mondiale et que la question du féminisme des artistes femmes africaines est, avec justesse, de plus en plus évoquée. Ce projet rassemble des artistes singulières que la trop large appellation « art contemporain africain » ne saurait résumer. Y participent des artistes vivant actuellement en Afrique, du Maghreb à l’Afrique du Sud, comme de la diaspora. Elle présente également aussi bien des peintures, des dessins, des photographies, des sculptures, des vidéos, que des performances, des tapisseries et des installations. À travers cette diversité, c’est autant de facettes culturelles et artistiques qui sont explorées, répondant à des contextes différents, mais aussi à des enjeux transversaux : l’identité, le corps, l’environnement, l’héritage historique, la mémoire, le post-colonialisme, les migrations, le passé et l’avenir. Entremêlant avec force politique et poétique, les œuvres ici exposées offrent autant de regards que d’artistes.


L'araignée de Zoulikha Bouabdellah, sculpture - Acier peint 170 x 170 x 95 cm -  2013 -(Photographie : Sonia Marques)

Mythe fondateur, symbole de la liberté, de l'âme ou de la sexualité féminine, l'araignée est une créature chargée de tous les sens. Protectrice chez Louise Bourgeois (Maman), son image renvoie ici à l'architecture du corps social. L'Araignée est une composition, ses pattes un assemblage d'arcs inspirés des traditions orientales. Posé sans être fixé, manipulable à l’envi, ce corps inspire un sentiment qui oscille entre la curiosité et la crainte, dans la confusion d’un monde fragile aux possibilités infinies.

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Zoulikha Bouabdella vit et tra­vaille entre Paris (France) et Casablanca (Maroc).
Née en 1977 à Moscou, elle gran­dit à Alger et rejoint la France en 1993. Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Cergy-Pontoise en 2002, elle vit et tra­vaille aujourd’hui à Casablanca.
Le tra­vail de Zoulikha Bouabdellah traite des consé­quen­ces du rap­pro­che­ment des cultu­res et de la mon­dia­li­sa­tion. Sous la forme d’ins­tal­la­tions, de des­sins, de vidéos ou de pho­to­gra­phies, ses œuvres inter­ro­gent les repré­sen­ta­tions domi­nan­tes avec humour et sub­ver­sion.
En 2003, elle réa­lise la vidéo Dansons, dans laquelle elle confond les arché­ty­pes des cultu­res fran­çai­ses et algé­rien­nes en exé­cu­tant une danse du ventre sur l’air de La Marseillaise. La même année, son tra­vail fait partie de la pro­gram­ma­tion Expérimentations dans les avant-gardes arabes à la Cinémathèque fran­çaise (Paris).
En 2005, elle par­ti­cipe à l’expo­si­tion Africa Remix au Centre Georges Pompidou (Paris). En 2008, elle est sélec­tion­née au fes­ti­val Paradise Now ! Essential French Avant-garde Cinema 1890-2008 à la Tate Modern (Londres).

Depuis 2007, Zoulikha Bouabdellah mène un tra­vail sur les let­tres et les mots d’amour où elle s’inté­resse plus par­ti­cu­liè­re­ment à la condi­tion des femmes. Réalisés avec des maté­riaux variés - papier, acry­li­que, alu­mi­nium, néon, bois -, ses oeu­vres agis­sent comme des slo­gans et témoi­gnent des liens entre le Nord et le Sud, le bon­heur et la joie, le plai­sir et la dou­leur, le visi­ble et le non-dit.
Les œuvres de Zoulikha Bouabdellah ont été expo­sées au Mori Art Museum (Tokyo), à la Tate Modern (Londres), au Brooklyn Museum (New York), au Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig (Vienne), au Museum Kunst Palast (Düsseldorf), au Museum of Contemporary African Diasporan Arts (New York), au Mathaf Arab Museum of Modern Art (Doha) et au Moderna Museet (Stockholm).
Zoulikha Bouabdellah a par­ti­cipé à plu­sieurs bien­na­les et fes­ti­vals dont la Biennale de Venise, la Biennale Africaine de la Photographie de Bamako, la Biennale de Thessalonique, la Triennale de Turin et la Triennale d’Aichi.

Le tra­vail de Zoulikha Bouabdellah a été récom­pensé par de nom­breu­ses dis­tinc­tions dont les prix Abraaj Capital Art Prize (2009), le Prix Meurice pour l’Art Contemporain (2008) et la Villa Médicis Hors les Murs (2005).

In pursuit of Bling : La transformation, 2014 de Otobong Nkanga, tapisserie - 180 x 180 cm -  (Photographie : Sonia Marques)

J'ai particulièrement apprécié les tapisseries d'Otobong Nkanga, artiste que j'ai eu l’occasion de croiser lors de mes études. Son travail a trouvé un fabuleux développement. Ces œuvres exposées au Musée, dont l'installation est au grenier, qui hélas, dans un éclairage qui ne profite pas à sa notion de l'éclat, donne un aperçu tout de même. Il faut se documenter ensuite et pouvoir visualiser ses installations dans d'autres expositions, et ces tapisseries avec d'autres éléments. L’adjonction de fils métallisés, a attiré mon attention, ainsi les photographies de près peuvent mieux rendre compte du travail effectué sur le tissage.

Otobong Nkanga est fascinée par la notion de ce qu’elle décrit comme l’« éclat ». Pour l’artiste, ce terme n’invite pas seulement à réfléchir à la qualité de brillance de la surface de ressources naturelles comme les minerais rares, mais aussi au désir de se laisser séduire par des objets de consommation exotiques. Glimmer est le terme allemand pour le mica, un minerai précieux, le sujet de son installation In Pursuit of Bling (2014). Des œuvres comme celles-ci tendent à établir des liens explicites entre raréfaction et désir, des notions essentielles aux réseaux complexes d’offre et de demande qui définissent la mondialisation. Les œuvres de Nkanga, qu’il s’agisse de dessins, de performances, de sculptures, ou d’autres médias, s’articulent autour d’une compréhension plus holistique du temps et de l’espace, reliant des fragments non linéaires d’histoires, d’expériences et d’images. Ensemble, ces éléments constituent le décor d’une série de performances et d’actions participatives que Nkanga va organiser tout au long de la durée de l’exposition.

In pursuit of Bling : La transformation, 2014 de Otobong Nkanga, tapisserie - 180 x 180 cm -  (Photographie : Sonia Marques)

Née en 1974 à Kano, Nigéria
Vit et travaille à Anvers, Belgique

Plasticienne et performeuse, Otobong Nkanga a suivi des études d'art à l'Obafemi Awolowo University d'Ile-Ifé, au Nigeria, et ensuite à l'Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Elle a été résidente à la Rijksasademie van beeldende kunsten à Amsterdam, avant d'obtenir en 2008 un master en Performing Arts à Dasarts, Amsterdam.

Les dessins, installations, photographies, performances et sculptures d'Otobong Nkanga interrogent de différentes manières la notion de territoire et la valeur accordée aux ressources naturelles.
Dans son travail, La dimension performative imprègne différents média et génère toutes sortes d'oeuvres (peinture, dessin, photographie, sculpture, installation et vidéo), bien qu'elles soient toutes connectées aux thèmes du paysage et de l'architecture. Traces humaines attestant de modes de vie et de problématiques environnementales, l'Architecture et le Paysage servent de point de départ à la narration et à l'acte performatif. Selon ses propres mots, Otobong Nkanga utilise sa voix et son corps comme véhicule de ses idées, à travers des performances ou des vidéos,  pour devenir la protagoniste de son propre travail.
Sa présence est paradoxalement le catalyseur de sa propre disparition, une main invisible qui met en mouvement le processus artistique.  Otobong Nkanga négocie l'accomplissement du cycle de l'art entre le domaine esthétique  de la monstration et une stratégie dé-sublimation qui pousse le statut d'oeuvre d'art vers sa contingence. Dans plusieurs de ses travaux Otobong Nkanga réflechit de manière métonymique les différents usages et valeurs culturelles connectés aux ressources naturelles, explorant ainsi comment sens et fonction sont relatifs au sein de cultures,  et révélant les différents rôles et histoires de ces matières, tout particulièrement dans le contexte de sa propre vie et de ses souvenirs.

Parmi les récentes expositions d’Otobong Nkanga, on peut citer :

MHKA Anvers « Bruise and Lustre » (2015) ; Kadist Foundation Paris Comot your Eyes Make I borrow you Mine (2015) ; Portikus, Francfort / Main, Allemagne (2015) ; Unisono 28 : Otobong Nkanga - Taste of a stone, Stedelijk Museum Schiedam, Schiedam, Hollande (2015) ; Diaspore, 14 Rooms Basel, Suisse, (2014); In Pursuit of Bling, 8ème Biennale de Berlin, Berlin, Allemagne (2014); Glimmer Fragments - Symposium "Landing and confessions", Stedelijk museum, Amsterdam, Pays-Bas (2014); 11ème Biennale de Sharjah, Sharjah, Emirats Arabes-Unis, (2013); Across the Board: Politics of Representation, Tate Modern, The Tanks, Londres, Royaume-Uni (2012); Inventing world: The Artist as citizen, Biennale du Bénin, Cotonou, Bénin (2012); Tropicomania: The Social life of Plants, Betonsalon, Center of art and research. Associated venue of La Triennale 2012 - Intense Proximity. Paris, France (2012); and Object Atlas ? Fieldwork in the Museum, Weltkulturen Museum, Frankfurt-am-Main, Allemagne. (2012). ARS 11, Kiasma Museum of Contemporary Art, Helsinki, Finlande. (2011)

Otobong Nkanga : Dessin, 2 x (29 x 42 cm). - 2009, Materials: stickers, acrylic on paper - Collection: Courtesy of the Artist.


Dessins, performances, sculptures, tissages, ses réalisations sont d'une grande qualité plastique et fine précision, avec, à chaque fois, une bonne expérience graphique, des signes, une maîtrise illustrative. Ses performances, et avec le son, posent et disposent d'un espace aérien très libre et engagé. J'apprécie la douceur de l'ensemble de son travail et son étonnante productivité, sans frontières de techniques artistiques, mais une géopolitique plastique, j'y vois des espaces de négociations.

(Ces dessins ne sont pas exposés dans le Musée)

Zéro Canyon (A dissimulation) de Julie Mehretu - 2006, encre et acrylique sur toile - 305 x 214 cm, (Photographie : Sonia Marques)

Julie Mehretu est une artiste plasticienne américaine, née à Addis-Abeba en 1970, en Éthiopie. Née le 28 novembre 1970 à Addis-Abeba, d'un père éthiopien et d'une mère américaine, elle y vit jusqu'en 1977, lorsque sa famille quittent l'Afrique pour s'installer aux États-Unis. Ses parents, raconte-t-elle, « ont reconstitué l'atmosphère d'une maisonnée éthiopienne dans le Michigan ». Elle passe son adolescence dans cet État du Michigan et obtient un MFA (Master of fine Arts) à la Rhode Island School of Design en 19973. Elle est en résidence au Musée des Beaux-Arts de Houston en 1998-99 puis s’installe à New York où elle vit et travaille, avec sa partenaire la plasticienne Jessica Rankin. Le couple a deux fils.
Plusieurs de ses œuvres ont été présentées lors de l’exposition Ethiopian Passages en 2003. Elle participe à l'exposition Africa Remix (Paris, Centre Georges-Pompidou, 2005).
Dans une publication intitulée Poetry of Sappho, elle a également illustré les traductions anglaises de la poétesse grecque Sappho, réalisant vingt imprimés, placés en alternance avec les textes grecs et leur traduction anglaise. Ces gravures peuvent évoquer les figures abstraites de Kandinsky, entre dessins architecturaux, et formes graphiques ou calligraphiques.
En septembre 2005, elle est lauréate du prestigieux Prix MacArthur6, qui lui assure une bourse de 500 000 dollars sur cinq ans pour développer ses activités.
Le MoMA a intégré plusieurs de ses œuvres dans ses collections permanentes, et elle expose de manière régulière à New York, Londres et Berlin (où elle a vécu en résidence artistique8,7 en 2007). En 2010, elle a terminé une fresque murale de 24 mètres de long commandée en 2007 par la banque d'affaires Goldman Sachs pour le hall d'entrée de son nouvel immeuble.


Ses tableaux, souvent de taille impressionnante, consistent en de grands tourbillons de couleurs, de traits et de formes. Chacune des œuvres est à la limite entre la figuration et l'art abstrait, et peut rappeler par certains aspects le futurisme du début du XXe siècle. Le trait est rapide, énergique. Les toiles superposent des éléments architecturaux partiellement reconnaissables (façade, porte...), des cartes géographiques, ou d'autres éléments figuratifs à des éléments purement graphiques, en couches très minces, avec des effets de transparence et des couleurs furtives.
Ses thèmes sont divers. Un tableau noir et blanc de 2004, The Seven Acts of Mercy, [Les sept actes de miséricorde], fait ainsi référence à une peinture éponyme du Caravage, avec plusieurs points de fuite autour d'une structure centrale presque religieuse. Un an plus tard, en 2005, une série de gravure intitulée Heavy Weather est inspiré d'un fait d'actualité, l'ouragan Katrina et ses ravages.
Elle est peut-être l'un des peintres américains les plus importants de sa génération, et, en tout état de cause, parmi ceux dont les œuvres atteignent des montants les plus importants.

Voici d'autres réalisations (non visibles au Musée)

Stadia II Mehretu, deJulie Mehretu - 2004 (107 x 140 in.)

Entretien à Paris, Centre Pompidou (2014) Entretien entre Julie Mehretu et Jean-Pierre Criqui.

Son studio avec différents assistants ici, et ici (Episode #106: Julie Mehretu puts the finishing touches on her large-scale painting "Mural" at Goldman Sachs, adjusting shapes and colors in dialogue with the architecture and views from the street)