Henri Matisse : Nice, cahier noir (1918 / huile sur toile, 33 x 40,7 cm)

Je pense à Matisse, déjà évoqué récemment dans ce blog. L'une des premières expériences artistique qui m'a engagée à m'orienter dans l'art. Grâce à ma mère, qui nous faisait découvrir son œuvre à travers des catalogues, enfants. Premiers dessins et peintures effectués, familiarité de la couleur du regard maritime, de la danse, des femmes et du travail obstiné du peintre. J'avais aussi l'expérience des dessins à la gouache, de mon père, de son obstination aussi à la tâche. J'avais leurs photographies, leurs films, de paysages. Évidemment je suis persuadée que c'est à travers la culture et l'art et très tôt, que les enfants ouvrent leur regard. J'ai été conduite à travailler avec de jeunes enfants des cités, à les faire dessiner, j'avais 18 ans. Et ces jeunes n'avaient pas tous reçu d'ouverture sur l'art, par leurs parents, mais ils avaient quelque chose de très expressifs, des facultés à dessiner, sans le savoir, car dans leur observation des faits et gestes, de leur quotidien, de la lumière de leurs pays, ce furent les plus beaux dessins que je n'avais jamais vu chez de jeunes personnes. Mon regard les accompagnait et mes formations, je les découvrais, je voyais ce dont ils étaient capables assez rapidement et nous œuvrions pour les belles choses. Il y avait des prénoms si différents et je me souviens d'une Shéhérazade, que j'ai rencontré des années plus tard dans le bus, me remerciant et se souvenant de moi lui enseignant le dessin. Des années plus tard, en enseignant dans des écoles d'art, élitistes, je n'ai jamais retrouvé cette habilité, cette expression ravageuse, sauvage et aussi douce des lignes des portraits et paysages de ces enfants, auxquels j'avais créé des éditions. Et par respect, je n'ai jamais utilisé à mon propre compte leurs dessins, comme certains artistes peuvent le faire, tout est resté pour chacun d'eux, et les éditions seulement vues de mes proches. Je pense à eux.

Alors je pense aussi à Matisse et à Nice évidemment et à la culture et l'enseignement, à l'éducation. Je suis touchée par des attaques, dans mon métier, des attaques et menaces qui ont dégradé considérablement mes conditions de travail et d'enseignement, des méthodes pour faire peur, terrifier, et des banalités du mal. Tout cela fait constamment écho à ce que nous traversons avec les attentats et qui touche les plus faibles, démunis, les plus pauvres et humbles, parfois celles et ceux qui ont la paix dans leur cœur et savent l'enseigner, ne serait-ce qu'à leurs proches. Tous ces signes convergent, la violence, le silence, l'incapacité à faire la paix. Ainsi je crains pour ma profession, l'enseignement en art, ce qu'il devient, le manque absolu de sagacité, de protection et de diversité. Les difficultés de mobilités au sein d'institutions en crise, le pouvoir administratif, les erreurs et la bêtise, tout cela me semble très significatif et laborieux dans la communication et la coordination, le nivellement par le bas, alors que nous sommes vraiment en danger et qu'il y a tant de possibilités, d'idées, pour que tout se passe mieux, et tant de voix tues. Lâchetés et manque total de solidarité sont notre lot quotidien, masqués par des publicités individualistes. Lire à travers les images, comprendre, interpréter, ne nous reste que l'attention comme refrain commun.

Voici une série de peintures, dessins, collages que j'aime bien, en considérant que tout, chez Matisse, procède d'un regard ouvert (né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis et mort le 3 novembre 1954 à Nice). Mess bonnes notes.


La réflexion (huile sur toile 46 x 55 cm, 1935) 

Auguste Matisse 1933, Photographe : Carl Van Vechten

 

Intérieur à Nice, la sieste (Nice-1922) / Jeune fille à la mauresque, robe verte (Nice -1921)

 

Nature morte aux grenades, 1947 / Le rêve, 1940

Découverte un matin de 1917, Henri Matisse n’envisageait qu’une brève étape sur la Côte d’Azur. Il y passera plus de 35 ans de sa vie, comblé par une lumière et un territoire unique. Il s’en émerveillait inlassablement. Et, c’est au printemps 1943, redoutant les bombardements alliés sur Nice, qu’il reculera d’une vingtaine de kilomètres, louant la « Villa Le Rêve » à Vence, en compagnie de Lydia Delectorskaya. Elle était sa secrétaire, son modèle, son assistante, mais également sa muse. Raymond Escholier écrira d’elle « La grande inspiratrice du maître, par sa splendeur plastique, par la beauté et l’expression de son visage, et aussi par son intelligence et son esprit, demeure Lydia Delectorskaya ». Ils resteront à Vence six ans, touchés par le charme de la demeure, avec son dédale de pièces désuètes, sa terrasse, ses fleurs, « ses beaux panaches de palmiers qui remplissent les fenêtres » et son jardin gorgé de lumière. Matisse avait emporté à Vence sa collection d’objets sans lesquels il ne pouvait créer : jarres, vases, tables et chaises, coquillages, tapis, textiles… que l’on retrouve dans ses peintures et dans ses dessins. Un charmant désordre régnait dans la villa enfouie dans une nature chatoyante au travers de laquelle se découpe la cité médiévale et les collines qui s’écoulent doucement vers la Méditerranée. « Villa le Rêve », un endroit au nom idéal.

Il dit d'elle :

« Belle villa, je veux dire pas en nougat, sans chiqué. Murs épais et portes vitrées et fenêtres allant jusqu’au plafond - donc lumière abondante. (...) Une belle terrasse, avec une grande balustrade abondamment doublée de lierre romain panaché et de beaux géraniums de couleur chaude que je ne connaissais pas - de beaux panaches de palmiers remplissent mes fenêtres ».

La Villa où vécut Henri Matisse de 1943 à 1949

Icare : Page extraite de Jazz Nytmoma, 1947

 

Petite odalisque à la robe violette, 1937

Matisse à l’œuvre (Nice) pour La chapelle du Rosaire (dite aussi chapelle Matisse) dans son appartement

À cette époque, Matisse était déjà gravement malade, âgé de plus de soixante-dix ans, Lydia décide alors d’engager Monique Bourgeois, une jeune fille pauvre, orpheline de père, pour veiller sur les nuits de Matisse. À son tour, elle deviendra son infirmière, son modèle et sa muse. Entre elle et Matisse se tisse une tendre complicité. À Louis Aragon qui lui demandait son opinion sur son modèle, Matisse répondit: « C’est le foyer de mon énergie ». L’aventure prend un tour inattendu le jour où Monique Bourgeois donne à Matisse un rival redoutable : DIEU. La jeune fille va entrer dans les ordres de Saint-Dominique, prenant le voile sous le nom de Sœur Jacques-Marie. Matisse la regrette. Toutefois, elle viendra lui rendre visite souvent. En Août 1947, elle lui soumet un dessin de vitrail qu’elle voudrait voir exécuter pour la chapelle en ruine du couvent des dominicaines, située à quelques mètres de la « Villa le Rêve ». Au bout de quelque temps, il lui annonce qu’il réalisera lui-même non seulement le vitrail, mais la chapelle entière. Commencée en 1948, l’énorme entreprise s’achève en 1952 : Matisse a 82 ans. La Chapelle du Rosaire sera offerte aux sœurs dominicaines. Pour la première fois, un peintre réalise un monument dans sa totalité, de l’architecture au mobilier en passant par les vitraux. Cette réalisation est son testament spirituel. Une œuvre majeure, dont il aimait à dire qu’elle était son chef-d’œuvre « malgré toutes ses imperfections », un lieu dont la visite emplit d’émotion. Son unique œuvre monumentale, connue dans le monde entier sous le nom de Chapelle Matisse.


La chapelle du Rosaire dite aussi chapelle Matisse est une petite chapelle érigée de 1949 à 1951 à Vence, (Alpes-Maritimes), pour le Couvent des Dominicains, par l'architecte Auguste Perret (1874-1954) et décorée par Henri Matisse (1869-1954). Elle a été consacrée le 25 juin 1951.

  

Vues de La Chappelle de Matisse, toit, intérieur...

Très malade, l'artiste n'a pu assister à l'inauguration de son œuvre, en 1951. Il écrivit ceci à cette occasion :

« Je n'ai pas cherché la beauté, j'ai cherché la vérité. Je vous présente en toute humilité la chapelle du Rosaire des dominicaines de Vence… Cette œuvre m'a demandé quatre années d'un travail exclusif et assidu. Elle est le résultat de toute la vie active… Je la considère, malgré toutes ses imperfections, comme un chef-d'œuvre. »

Les vitraux : en correspondance directe avec les céramiques, constituent l’alternative indispensable à l’« équilibre expressif de deux forces, la couleur du vitrail du côté droit et le blanc et noir sur tout le côté gauche ». Le vert, le jaune et le bleu, couleurs dominantes, s’inspirent de motifs végétaux.

En réalisant cet ultime travail pour la Chapelle du Rosaire à Vence, Matisse démontre ce qu’il a toujours proclamé, à savoir que l’art excède les « sensations rétiniennes » : « Je ne travaille pas sur la toile mais sur celui qui la regarde » déclare-t-il. Dans cet esprit, Matisse conçoit et effectue les éléments architecturaux (atelier blanc, porte du confessionnal et autel), les vitraux (Le Ciel sur la terre, Jérusalem céleste, Les Abeilles, Le Vitrail bleu pâle, L'Arbre de vie et des vitraux annexes comme "le Poisson à l'Étoile" ou un projet de vitrail "Crucifixion" non abouti), les céramiques (Pages murales, Le Chemin de croix, La Vierge à l’enfant), (Saint Dominique, Le Médaillon de la Vierge) et les chasubles, ce qui explique leur excellente coordination et la parfaite harmonie d'ensemble.

Odalisque à la culotte grise, (1926-1927, Huile sur toile)

Dans l’Odalisque à la culotte grise, la géométrie et les couleurs fortes jouent les premiers rôles. L’odalisque peinte dans des couleurs sobres : chair, vert et gris tend à se fondre dans le décor. Dans son compte rendu du Salon d’automne de 1927, le critique d’art Jacques Guenne (1896-1945) s’interroge : "Pourquoi avec toutes ses raies bleues, rouges, violettes, jaune, avec cette grande tenture rouge aux motifs gris, la petite toile de Matisse ne devient-elle pas le plus affreux étalage de papiers peints de quartier populeux, je l’ignore. Ou plutôt je sais que cet artiste est comblé par la grâce de la couleur."
Les grands motifs des tissus que Matisse a tendus sur un châssis démontable et le chromatisme dominé par le rouge annihilent toute sensation d’espace. Seuls les accessoires donnent une relative sensation de profondeur. La table Louis XV et le brasero sont régulièrement utilisés par le peintre. On a cependant bien du mal à les situer par rapport au canapé qui semble envahir leur espace.

 

Primavera (1938, Linogravure) / Nature morte aux grenades (1947 - huile sur toile, 80.5 x 60 cm)

Matisse et ses colombes...

Je ne connaissais pas cette anecdote, mais nous avons la même passion et les mêmes chemins d'observation, depuis les berges de la Seine... Riez bien de cette trouvaille, lectrices et lecteurs, vous qui m'avez accompagné dans mes pérégrinations diverses ou observé nombre de mes dessins, de vols sauvages, ou écouté des albums sonores de voix d'ailés colorés, hébergé certains anges, enterré même, accompagné l'élévation de leur esprit.

Henri Matisse avait une passion pour les oiseaux (et surtout des colombes) qui a commencé au cours de l'été 1936. De retour à Paris et en se promenant le long des berges de la Seine, son attention s'est porté sur les marchands qui vendent une variété d'oiseaux et des colombes en cage. Il est revenu à la maison avec cinq ou six oiseaux à la fois et heureux dans leurs formes et couleurs, le plumage et le chant. Son amour des oiseaux a duré toute sa vie. Vers la fin de sa journée, Matisse donna à Pablo Picasso, qui aimait les oiseaux et avait des canaris et des pigeons, une élégante colombe. Picasso en a tiré son portrait sur ​​la célèbre affiche, Colombe de la Paix.