Image du film Saya Zamuraï, Hitoshi Matsumoto (2012)
Saya Zamuraï est un film du réalisateur japonais Hitoshi Matsumoto (2012)
Les premières images captent l'attention, sur un chemin dans une forêt, sous l'ombre des arbres, la lumière pénètre et ouvre la première scène du film : un homme essoufflé court face à la caméra, le fourreau de son épée, vide, il s'arrête, tousse, semble épuisé… mais il continue. Une petite fille en kimono, le suit, court derrière lui, elle semble se préoccuper de la course de cet homme. On peut les associer, quelque chose de fort les lie. Toute l'histoire tient à ces premières images. La relation entre le père et sa fille sera développée en plusieurs chapitres, où comment la petite fille va reconnaître samouraï, son père sans épée, comment ce samouraï va-t-il honorer les espoirs de sa fille. Une histoire d'amour filiale, avec un parcours burlesque, un scénario fou, plein d'inventions.
C'est l'histoire d'un héros, répudié par tous, mais admiré par tous aussi, au final, dans sa ténacité, relevant tous les défis pour que le sourire d'un petit prince tombé dans une profonde dépression mélancolique, suite à la mort de sa mère, puisse poindre.
Image du film Saya Zamuraï, Hitoshi Matsumoto (2012)
L'ultime geste est celui du suicide (de faire "seppuku"), une éventration au sabre, littéralement "coupure au ventre", ou aussi Hara-kiri. Une finalité exercée par les hommes, apparue au Japon au XIIe siècle, interdite depuis 1868.
Ventre :
Espace de la volonté et du courage en Asie. Avoir un gros ventre, en Occident est souvent une moquerie. Au Japon, c'est un compliment qui signifie, avoir un grand cœur. De tradition, lorsqu’un échec est constaté, il est pleinement assumé, les Japonais cherchent rarement à fuir leurs responsabilités. Aujourd'hui, les japonais n'ont pas recours au suicide, mais on peut observer que les hommes politiques japonais démissionnent lorsqu'ils doivent faire face à une faute, une accusation grave ou une menace de condamnation. Ils ne font pas appel tandis que dans les pays occidentaux, l'appel est souvent suspensif de la peine.Dans ce
film, comme dans tous les autres que j'ai pu voir d'Hitoshi Matsumoto,
la fin est toujours inattendue, mais évoque une forme d'éternité. Faire
rire ou mourir. Le film a pour objet d'étude, le deuil, avec pour
mission, les performances d'un clown et ses échecs comme divertissement
publique. Les gags s'enchainent et la répétition de leurs apparitions
finissent par être populaires et très attendues. Ce héros déchu, devient
célèbre, encouragé, celui que sa fille décevait, se retrouve aimé, le
héros de sa fille, qui ouvre chaque performance et soutien son père
jusqu'au bout. Une belle histoire d'amour.
Une illustration de la
difficulté de distraire un public capricieux, lorsque l'on dépend de
son appréciation. Le cinéma, le réalisateur, connaissent la variabilité
de ces efforts et de ces échecs, face à sa popularité, ou bien, le
devenir culte d'un film pas apprécié dans son temps, mais bien plus
après. Dans le film, les réactions des spectateurs face aux pitreries du
samouraï sont inattendues et forment de façon caricaturale, des scènes
semblables à celles des péplums et des gladiateurs qui se battent au gré
des pouces levés ou baissés. D'ailleurs cette légende a été créée par
Hollywood, ces gestes n'ont jamais existé dans l'Antiquité. Ils ne sont
pas sans me rappeler l'icône choisie par Facebook du pouce levé… Mais
laissons là les américains et retournons au film japonais déjà culte.
C'est
aussi le chemin d'une fille afin de reconnaître le courage de son père,
sans épée, dans un monde sans pitié. Le symbole du fourreau désamorce
la violence et renforce une virilité en creux.
Hitoshi Matsumoto
est un artiste complet et insaisissable, écrivain, chanteur, acteur,
réalisateur… Derrière le comique désabusé de ses films, ses réflexions
sont plus graves et philosophiques. Il échappe aux conventions de genre,
inaccessible et très en avance sur son temps.