Image du film : Les mille et une nuits - L'Enchanté, de Miguel Gomes (2015)

L'enchanté, troisième volume de Miguel Gomes, réalisateur portugais dont j'avais déjà écrit un article sur son film Tabou.
Hasard, la salle de cinéma était non loin de ma mission parisienne. Je commençais par ce film, par la fin, car je n'ai pas vu les autres. La ville en province où je vis, ne diffuse pas les films de Gomes, qui ont reçu une critique élogieuse, en France. Je n'ai lu aucun article, confiance. Commencer par le troisième, c'est rentrer en osmose avec le livre ouvert de ce conte magique. Dans la lumière imaginaire d'un Bagdad, je reconnais la ville de Marseille telle que je l'ai photographiée, dans l'un de mes albums photographiques nissologiques (DEPP, BONJOUR, JUNGLE) une trilogie également ;.)

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Image du film : Les mille et une nuits - L'Enchanté, de Miguel Gomes (2015)

Coïncidence, il y a dans ce film un long moment documentaire sur une communauté d'hommes qui écoutent des oiseaux chanter, plus exactement des pinsons. Sur cette marginalité, près d'un aéroport lisboète, la séquence nous montre une organisation secrète. Ces hommes ne parient pas sur des joueurs de football, mais capturent des pinsons, les nourrissent et les hébergent dans de petites cages afin de les entrainer à développer leurs chants, les enregistrer. Un domaine se développe dans l'espace, car il s'agit avant tout de territoires. C'est toute une culture migratoire, comme dans chacun de ses films, qui agit chez les lusophones. Se réchauffer le coeur en regardant le film de ce réalisateur portugais, c'est aussi se sentir appartenir à cette culture là, celle qu'adorent les intellectuels français, aujourd'hui. J'essayais de trouver une explication. Les français ne peuvent pas réaliser de films engagés, de contre-pouvoir qui décrivent leurs pays, leurs manifestations, alors ils récompensent un film d'un autre pays qui le fait sur son propre pays en crise.

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Image du film : Les mille et une nuits - L'Enchanté, de Miguel Gomes (2015)

Au Portugal, le troisième volume ne sort que début octobre, voici début septembre, qu'à Paris, j'ai pu le voir. Mon ami parle de la liberté poétique des portugais, quelque chose qui n'existe pas en France. Je pense au mélange de cultures ramifiées, Indes, Brésil, Chine, les îles, l'Afrique… et cette singularité à survivre dans la misère, le dénuement le plus total, mais joyeux, de fêtes et de danses maritimes, avec ces éclats de lumière, observer tout ce qui n'est pas rendu visible, les beautés des marges, et d'imaginer tous les possibles. La force de création se fait par l'imagination, d'un petit pays, avoir inventé les cartes du monde et découvert les autres continents, les îles et les langues. Un pays ouvert sur la mer. On m'a toujours appris qu'il ressemblait à un visage tourné vers la mer. Si chacun, dans ce film, parle de la perte d'emploi, de ce que l'on était avant et de ce que l'on est plus, des inventions et histoires croisées, c'est souvent en terme d'une nostalgie, dans ce volume (il est dit, la nostalgie de Bahia)

Je pense aux 2 verbes "être" portugais (Ser et Estar : : être ce que l'on est, et être là où l'on est) qui évoquent déjà l'être et le déplacement. La langue portugaise (et espagnole), possède cette conciliation de l'identité (Ser) avec la réalité (Estar). La complémentarité entre ces deux dimensions rapproche l'être immigré ou issu de l'immigration, où se jouent l'absence, les retrouvailles, l'espoir, le manque, le développement régional, tout comme celui de l'appartenance et des contacts avec une autre région, un autre pays. De mon point de vue, la naissance de l'imagination (des images) arrive dans ces êtres et devient prolifique dans la création. Le va-et-vient entre deux états, entre deux pays, entre deux lieux, entre la séparation et le rapprochement des impossibles, des étrangetés, font partie d'une culture d'adaptation. Être invisible, être intégré, devenir autre, la métamorphose devient une richesse qui invente son territoire, toujours singulier. Le mot "saudade" est un mot qui a la charge de ces séparations, de la distance et de la proximité dans le même temps, une oscillation entre le ici et le là-bas. La double étymologie du mot : solitas et salus (solitude et santé), en fait une aporie.

Shéhérazade, une des héroïnes de l'histoire, qui laisse quelques textes, et lorsque le jour se lève, elle se tait, interroge et doute, tout comme elle contemple tout ce qu'elle voit. Son inquiétude fait naître un art divinatoire, jusque dans l'humilité de l'épisode du "Chant enivrant des pinsons".

J'écrivais ma désolation sur les évènements dramatiques en France début janvier et je parlais du livre de la conférences des oiseaux (du poète soufi persan Farid Al-Din Attar). Dans le même moment, j'étais attaquée dans ma profession, celle de professeure, par la direction de mon école, avec des courriers si mal écrits que je m'interrogeais sur le rôle de l'enseignement et la maltraitance des hommes et femmes de paix. Il y a encore, beaucoup d'ignorance dans notre pays. Cela entraîne un rejet de tout ce qui parait étranger, différent. Les jeunes sont les plus touchés, le domaine de l'éducation. Et toute forme d'autorité, peut devenir dangereuse lorsqu'elle ne connait rien. Comment cela était-il possible, comment cela arrivait-il, dans notre pays ? Cela arrivait, par milliers et par de multitudes de signes. La création : dans le film de Miguel Gomes, j'étais rassurée de parler la même langue, la poésie et d'être de nationalité poète. Éclatement, démesure, fantaisie, exotisme, charme, pauvreté, merveilleux baroque, doutes et perfections… Les films longs, les longs textes et les grands contes, les peintures murales et les chants d'oiseaux, tout ce que les dictatures censurent. L'exclusion agite des courriers avec les logos de ministère et falsifie les oeuvres et les enseignements. Et d'un autre côté, nombre de citoyens français rêvent et ont besoin des rêves des artistes, de leurs mots, leurs créations, leurs images, leurs musiques, leurs humours, alors ils soutiennent encore ces voix, ces élixirs de bonheur, le savoir vivre et inventer sans grands moyens. Non la terre n'est pas plate les amis.

Image du film : Les mille et une nuits - L'Enchanté, de Miguel Gomes (2015)

“O Inebriante Canto dos Tentilhões” é um daqueles exemplos onde a realidade supera em absoluto a ficção. Entre as pilhas de cds e mp3 que, para desespero das mulheres dos passarinheiros, reproduzem em loop os cantares de mestres com que os mais jovens tentam virar os seus pássaros, irrompe, de forma inesperada, uma beleza. A nossa incredulidade e preconceito dá lugar ao fascínio. É evidente que quem antes não gostava de Marante não saiu da sessão d’«Aquele Querido Mês de Agosto» com vontade de ir ouvir na integra o último disco dos Diapasão; do mesmo modo, não creio que depois d’«As Mil e Uma Noites» sejam muitos os que se vão dedicar a fazer remixes de cantares de tentilhões. Mas é verdade que Gomes tem um jeito de escapar à armadilha do ridículo sem cair no romantismo balofo. Em «O Encantado», a atenção da câmara descobre a força revolucionária do belo numa atividade perfeitamente inútil: ensinar pássaros a cantar. Mas, justamente, a beleza está em não precisar de ser mais nada, não precisa de justificação ou legitimação. É esse também o poder das histórias.

A analogia é delicada e trágica: tal como Xerazade, os tentilhões, que são pássaros territoriais, cantam para defender a sua casa, cantam para não serem mortos; mas, às vezes, podem morrer de tanto cantar. Foi esse o risco que Miguel Gomes aceitou correr com este filme polifónico, e não perdeu.

Miguel Gomes parle des types qui élèvent des pinsons dans les bidonvilles de la périphérie de Lisbonne et les entraînent pour des concours de chant.

Des personnages très rock'n'roll, avec qui nous avons mené près de cent cinquante heures d'interviews et qui me donnaient l'impression d'être dans un film de John Carpenter. Ils me faisaient entrer dans un monde codé, secret et clandestin, puisque leur pratique est illégale. Ces personnages m'évoquent le rock de Springsteen et les livres de Borges. Ils vivent en marge de la société, personne ne sait qu'ils existent. “C'est grisant d'aller contre la tendance actuelle qui est de donner son avis tout de suite.” Nous, nous les avons trouvé sur YouTube, où quelqu'un avait mis en ligne une vidéo d'un de leurs concours. Les visages de ces hommes qui boivent de la bière en silence, en écoutant les oiseaux chanter, ça m'a vraiment ému. Avec eux, j'ai découvert un autre Lisbonne, une ville chaotique à la lisière des forêts où les gens cultivent encore des habitudes de campagnes. Dans ce film, j'ai vraiment appris des choses sur mon pays, découvert une multitude de personnages qui portaient tous une multitude de fictions.