Nous étions devenus des bêtes sur des sellettes. Soit que nous étions trop noirs, trop étrangers, trop lettrés, trop intelligents, trop pauvres, sans sièges, mais nomades, volatiles, légers et éternellement sales parce que salis par des mécréants. Nous devenions des familles d'accueil, des créatifs inventant des abris en cartons, des petits morceaux de fromage ou de saucisson, de graines, nous fêtions dans les îlots les bonnes actions et personne ne pouvait les connaître, car il faut pour cela être sur des sellettes, et nous vivions dans un monde où les sièges étaient posés sur le thème du jeu des chaises musicales. Mais sans le savoir, tous ces gardeurs de sièges, deviendraient des sans abris. Et un jour, peut-être, une famille d'accueil, aura une petite place à offrir, des petits morceaux de fromage ou de saucisson, de graines, parmi son troupeau informe, amaigri, borgne, sans queue, déplumé… Afin d'oublier ce que ces tribunaux de gardeurs de sièges avaient inventé comme mot, la sellette, même si son usage fut aboli après la Révolution, mais encore bien présent, dans notre pays.

Nous étions fort de ces expériences, nous avions construit des sièges partout, des assises pour chacun, des lieux pour mieux sauter, grimper, voir, voler, se percher, tant de sellettes, tant de possibilités. De nouveaux mots, de nouvelles définitions, de nouvelles amitiés. Une épaule devenait la sellette idéale, sur qui compter, un ventre, une main, le souffle chaud d'un mot doux, le creux d'un arbre, une forêt dans la nuit. Et la liberté de partir loin, sans être abandonné malgré tout, sans devoir rendre compte de sa liberté. La confiance.


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Photographies © Sonia Marques