Marcher, je me suis demandée pourquoi partout où j'allais, je découvrais de nouvelles chaussures, parce que, de nouvelles marches, de nouveaux sols, de nouvelles façons de penser, de travailler, de savoir-vivre et de savoir-faire. Et ici, des sandales inspirées de l’univers maritime, basé sur le tressage artisanal et utilisant des matériaux réputés pour leur résistance, leur confort et leur ergonomie. La marche fut l'une de mes préoccupations dans l'enseignement, avant qu'un mouvement politique l'utilise comme nom. J'ai revu des photographies de l'un de mes ateliers de recherche avec des collègues et étudiants, rien n'a été publié, c'était une longue marche en périphérie de la ville de Limoges, dont j'avais donné la direction : sans aucune carte, ni repère. De cette longue balade de quelques jours, tant de lieux que nous avons découvert. J'ai gardé des traces, qui me semblent, à l'aune de ce qu'il s'est passé ensuite de dramatique pour moi, assez merveilleuses. De l'ordre du miracle, lorsqu'on y pense un peu plus. C'est juste après ce moment d'introspection pour tous, et de marche, ou du moins, pendant, que l'on fomentait des stratégies pour me pousser à bout et me trouver d'ignobles fautes dans ma profession, que j'aimais et j'aime toujours : enseigner. L'être humain est capable, par lâcheté et ignorance, des pires projets, pour détruire ce qu'il construit patiemment et dans une paix, paradoxale. Dans ce monde sont détruits des activités, chaque jour, pacifistes et remarquables, pendant qu'elles sont détruites, dans le même temps. La difficulté de l'enseignement, est de comprendre que l'ignorance et le savoir, sont intimement mêlés, et démêlés dans l'apprentissage. Ce tissage entre l'apprenti et le maître, lorsque le maître est une femme, est d'autant plus admirable, car il n'y a pas d'assurance de la reconnaissance, ni de traces, ni d'effet "mousse". Pourtant cela pétille, j'ai encore le goût des bulles et les traces délicates dessinées dans ma mémoire. Rien n'a été gâté de notre long chemin d’apprentissage, ni les obstacles, ni les destructions.
Le cerfeuil tubéreux est un délicieux légume racine de culture, ancien et oublié dit-on. Une petite carotte conique, terreuse. Elle possède une chaire excellente, sucrée et fondante entre châtaigne et pomme de terre. Je le cuisine cuit puis revenu dans du beurre à la poêle, c'est exquis. Tout d'abord je les lave les tubéreux, vite fait hein ! Puis je les dispose dans une casserole qui accueillera de l'eau bouillante : 15 minutes d'ébullition, je rajoute une pincée de bicarbonate de soude, histoire de conserver plein de bonnes choses. Puis je les épluche (non, nous les épluchons, c'est plus sympa à deux) et je les coupe en deux. je les dispose dans une grande poêle, j'aime quand il y a de l'espace, comme pour tout finalement ! Avec une bonne dose de beurre (non salé), un beurre Échiré, le beurre AOP Charente Poitou, par exemple, puis je fais délicatement revenir (pas le feu à fond évidemment) Puis je saupoudre d'une pincée de fleur de sel de Guérande et nous dégustons la préparation, à deux c'est plus sympa. C'est doux, c'est délicieux, c'est fondant et d'un goût très rare, un peu artichaut aussi. Avec un bon vin blanc. Même si ce soir c'était du rouge, un Big Red Beast, avec une étiquette digne de Shoboshobo (s'il m'entendait ;.) Vin du Languedoc, millésime 2016, ouh c'est quoi ce truc !
Satori fait ses premiers pas de découverte, sans cage. Et c'est plein de "binkies" qui s'offrent au regard. Tandis que Cafuné m'avait habituée à de superbes flops. Il est devenu un bonze, un gros bouddha. Satori, son éveil, c'est surtout l'éveil de sa libido. Il ressemble à un yéti blanc de neige, très curieux et très câlin, avec une rayure couleur café sur son pyjama nuage. Elle, à une petite malicieuse satinée, très délicate, mordorée rosée, pas si facile à cerner. Méthodique et reconnaissante, ne donne pas sa confiance à n'importe qui : il faut montrer patte blanche, ce que Cafuné s'évertue à réaliser assez maladroitement pour l'instant. Il est foufou, bien dans ses pattes, et il toise, les yeux bleus en amande, d'un air supérieur, mais pas condescendant. Il ressemble à une sculpture animiste, impassible, roi en son temps, en sa langue, quand ce n'est pas à un adolescent qui cherche comment circuler hors passage piétons, avec ses nouvelles grosses baskets blanches. Il est intrépide mais pas belliqueux. Elle est rapide et très prudente, elle demande la permission, puis s'en passe largement : parle à mon pompon ! Ces petits hôtes japonais mangent principalement du foin de Grau, aussi des granulés, puis en ce moment c'est découverte des plantes aromatiques fraîches, menthe, thym, persil, cerfeuil, romarin, coriandre, fleurs de soucis...
Jornadas Cantianas (a 16 e 17 de Março 2012), evento em torno da obra de
Paulo de Cantos, figura enigmática da auto-edição, cuja obra é
largamente desconhecida do público. As Jornadas Cantianas
apresentarão, pela primeira vez, a obra (possível) do autor (livros,
maquetas e objectos) ao público, convocando igualmente autores do
design, tipografia e crítica cultural para um ciclo de conferências em
torno de temáticas tangenciais à obra do autor. As Jornadas
abrem um ciclo dedicado a figuras pouco estudadas e amplamente
desconhecidas do universo cultural Lusófono. Expansível a diversas áreas
de conhecimento artístico, inicia-se com as artes da edição e da
publicação. Esta primeira Jornada intitula-se Cantiana (de
canto e cantão, de cotovelo e cunhal) de Paulo José de Cantos
(1892-1979), um ilustre desconhecido dos meandros bibliófilos, um
prolífico pedagogo Povoense impelido pela publicação, banzado por
tipografia, por acrósticos destravados e pelo universalismo da língua e
da lusofonia. Paulo Cantos foi um auto-editor de invulgares,
idiossincráticos, inclassificáveis e imprudentes livros que povoam (cada
vez menos) as prateleiras de várias lojas de alfarrabistas. As
Jornadas vão decorrer ao longo de dois dias em que vários convidados
apresentam, abertamente, analogias e possíveis referências empáticas às
suas edições. Em torno dos livros dissecados iremos falar das principais quimeras presentes na lista de obras do autor. Os
livros do autor, em exposição, serão acompanhados de outras publicações
relativas às apresentações dos oradores convidados. Como pequenas
extensões biográficas poder-se-á ver material epistolar, desenhos,
dedicatórias, ilustrações e maquetas originais entre outros objectos
ludo-documentais, encontrados no decurso da pesquisa.
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Érudite /
Du latin eruditus (« instruit, éduqué, savant, habile, érudit »), participe passé de erudire (« enseigner, instruire, éduquer »). Étymologiquement, un érudit est une personne « polie » par le savoir et la connaissance.
Érudition : Savoir approfondi dans un ordre de connaissances, et en particulier dans toutes celles qui sont fondées sur l'étude des textes, des documents : Un ouvrage d'érudition.
Qui s'intéresse à l'érudition ?
L'une des personnes illustre et curieuse qui enseignait au collège d'Eça de Queirós à Povoa de Varzim au Portugal, était le professeur Paulo de Cantos. Né à Lisbonne le 13 Mars 1893 il y mourut le 9 Avril 1979. Le professeur Paulo de Cantos a fréquenté les
Universités de Lisbonne, Porto et Coimbra. Il est dit de lui qu'il fut "doté d'une grande
intelligence, la curiosité et le désir d'apprendre
et doué d'une mémoire prodigieuse, de nombreuses formations, incluant
diplômes en mathématiques, dessin, physique et chimie, sciences
naturelles et biologiques, langues romanes (philologie romane), et même
des cours de beaux-arts et a, entre autres, un diplôme en viticulture
". Puis il a été professeur de l'enseignement secondaire, en
commençant par Pedro Nunes à Lisbonne et plus tard a enseigné au collège Eça de Queirós à Povoa de Varzim, dans lequel il a passé la plupart de sa vie
professorale, et est devenu recteur pendant 10 ans. L'approche du mouvement allemand du Bauhaus ou du surréalisme tel qu'on le connait en France, est approprié pour cet auteur extravagant, original et singulier.
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Plusieurs
traces écrites attestent qu'il est difficile de faire la synthèse de
qui était Paulo de Cantos, professeur, rédacteur en chef, graphiste,
philanthrope, philologue. Son intérêt s'est porté sur
des manuels d'enseignements, livrets frénétiquement édités depuis les
années 20 jusqu'à sa mort. Sur plusieurs sujets, la langue, la
géographie, de l'anatomie, de la littérature, les mathématiques, le
folklore - et dont la particularité est le chemin utilisé pour créer la
composition des caractères, des dessins stylisés, des cartes
anthropomorphes. Un travail de pionnier, pratiquement inconnu, très visuel, avec un souci pédagogique. Il est rare de trouver ses livres. Paulo
de Cantos a créé son propre langage. Après un voyage au Brésil, vers
1965, l'auteur a organisé dans sa maison un Congrès Luso-brésilien dédié
à la langue portugaise. D'où l'idée d'unifier l'orthographe des deux
langues, qu'il appelait PAK. Paulo de Cantos a été un homme
en avance sur son temps. La plupart des livres de Cantos trouvés dans
les librairies n'ont même pas été ouverts. Il y a une grande distance entre le travail qu'il a produit et le
public reçu, qui n'a pas été comprit à l'époque mais son travail a des
choses à dire. Cantar veut dire Chanter, en portugais, son nom est celui d'un chant, d'un champ ?
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Il est
retourné à Lisbonne, où il a fondé le Centre de Prophylaxie de la
vieillesse dans sa maison, et a créé une librairie adoptée par Fernando Pessoa, Cesariny, entre autres. Mais
contrairement à ses contemporains, Paulo de Cantos est resté pratiquement
inconnu, ce qui crée un certain mystère autour de lui, comme liés à la
dictature. Dans quelle mesure il a influencé les artistes qui le
connaissaient ? Paulo de Cantos va au-delà des livres. Il a
inventé un mobile construit en taille réelle, qui s'ouvre et a
l'intérieur des os humains pour simuler un squelette, ou une canne
bizarre avec plusieurs compartiments pour stocker de petites quantités
de produits d'épicerie. La vision polygraphique de Paulo de
Cantos, un artiste scientifique a permit de déplacer certains problèmes
concrets, de nature technologique, vers des couches plus abstraites de
la culture, impliquant la langue et la cognition, dont la théorisation
arrive à des limites obsolètes ou absurdes. Comme Fernando Pessoa,
Paulo de Cantos, modernistes, a construit un travail basé sur la
diffusion imaginative de la science, dans des livres comme Astrarium
(1940) ou O livr-o-mem (1930-1936). L'imagination dépasse toujours
l'élan de la diffusion. Le travail "Cantianas" est est arrivé à
connaissance de nouveaux chercheurs, car invisible et ignoré pendant
longtemps, et commence tout juste à être découvert par des designers
portugais. Ils sont enchantés par l'utilisation créative des éléments
typographiques et rédactionnels, dans tous les livres étrangers publiés
par Cantos. Cependant la langue originale et poétique conçue dans des
configurations complexes par Cantos, attendent toujours une analyse
systémique. Robert Massin, graphiste, typographe, directeur artistique, français considéré comme un génie, avait été invité à une conférence à Lisbonne en 2012, sur Paulo de Cantos et avouait qu'il ne connaissait absolument rien sur celui-ci, mais plus largement sur l'art au Portugal, ou même son histoire.
* José Maria de Eça de Queirós ou Queiroz, (25 novembre 1845 – 16 août 1900) est un auteur naturaliste et diplomate portugais. * Fernando António Nogueira Pessoa est un écrivain, critique, polémiste et poète portugais (13 juin 1888 - 30 novembre 1935) Théoricien
de la littérature engagé dans une époque troublée par la guerre et les
dictatures, inventeur inspiré par Cesário Verde du sensationnisme.
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Tous les visuels sont de Paulo de Cantos
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J'ai logé là à Lisbonne, peut-être en 2006, pour pouvoir créer un
contact avec l'école angevine, lorsque j'étais professeure, juste à côté
de la maison de Paulo de
Cantos, dans le Bairo Alto, où il a créé en 1949, un centre de prophylaxie de la vieillesse pour la valorisation de la motricité
humaine. Une institution d'utilité publique. En médecine, une
prophylaxie désigne le processus actif ou passif ayant pour but de
prévenir l'apparition, la propagation ou l'aggravation d'une maladie.
J'ignorais cette proximité, mais j'ai photographié cette maison, comme toutes de façades d'azulejaria. Ce contact fut une aubaine pour l'école
d'art angevine qui peinait à avoir un contact bilatéral avec une
capitale, au moins européenne, afin que les étudiants partent étudier à
l'étranger. J'ai vu récemment de jeunes
artistes angevines, ayant étudié là-bas, à la FBA de Lisbonne, par cet
échange, créer plusieurs projets, exposer.
Les Panama Papers désignent la fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels issus du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, détaillant des informations sur plus de 214 000 sociétés offshore ainsi que les noms des actionnaires de ces sociétés. Parmi eux se trouvent des hommes politiques, des milliardaires, des sportifs de haut niveau ou des célébrités. Les chefs d’États de cinq pays — l'Arabie Saoudite, l'Argentine, l'Islande, l'Ukraine et les Émirats Arabes Unis — sont directement incriminés par ces révélations, tout comme des membres de leurs gouvernements, et des proches et des associés de chefs de gouvernements de plus de 40 autres pays, tels que l'Afrique du Sud, la Chine, la Corée du Sud, le Brésil, la France, l'Inde, la Malaisie, le Mexique, le Pakistan, la Russie, le Royaume-Uni et la Syrie. Les documents fournis par un lanceur d'alerte anonyme remontent aux années 1970 et vont jusqu'à fin 2015, représentant un total de 2,6 teraoctets de données. Initialement envoyées au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung en 2015, les données ont rapidement été partagées avec les rédactions de media dans plus de 80 pays par l'intermédiaire du Consortium international pour le journalisme d'investigation (International Consortium of Investigative Journalists, ICIJ) basé à Washington. Les premiers articles sont publiés le 3 avril 2016, accompagnés de 149 documents. D'autres révélations suivront les publications initiales, l'intégralité des sociétés mentionnées par les documents devant être dévoilée d'ici mai 2016.
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L'Île aux fleurs, Jorge Furtado, Brésil, 1989
Ce film n'est pas une fiction.
Il existe un lieu appelé Ile aux fleurs.
Dieu n'existe pas.
Nous sommes à Belém Novo, banlieue de Porto Alegre, état du Rio Grande
do Sul, à l'extrême sud du Brésil. Plus précisément à trente degrés
douze minutes et trente secondes de latitude sud, et cinquante et un
degrés, onze minutes et vingt-trois secondes de longitude ouest.
Actuellement, nous marchons dans une plantation de tomates, et nous
pouvons voir, debout devant nous, un être humain. En l'occurrence un
Japonais.
Les Japonais se distinguent des autres êtres humains par la forme de
leurs yeux, leurs cheveux noirs et leur nom caractéristique. Le Japonais
en question s'appelle Suzuki.
Les êtres humains sont des animaux mammifères, bipèdes, qui se
distinguent des autres mammifères comme les baleines, ou bipèdes comme
la poule, principalement par deux caractéristiques : le télencéphale
hautement développé et le pouce préhenseur. Le télencéphale hautement
développé permet aux êtres humains d'emmagasiner des informations, de
les mettre en relation, de les ordonner et de les comprendre. Le pouce
préhenseur permet aux êtres humains un mouvement de pince des doigts.
Celui-ci, à son tour, permet une manipulation de précision. Le
télencéphale hautement développé, allié à la capacité de faire un
mouvement de pince avec les doigts, donna à l'être humain la possibilité
de réaliser d'innombrables améliorations sur sa planète. Entre autres,
de cultiver des tomates.
La tomate, contrairement à la baleine, à la poule et au Japonais, est un
végétal. Plante de la famille des solanacées, la tomate commença à être
cultivée pour ses qualités alimentaires à partir de 1800. La planète
Terre produit environ soixante et un millions de tonnes de tomates par
an. Monsieur Suzuki, bien que travaillant environ douze heures par jour,
est responsable d'une partie infime de cette production. L'utilité
principale de la tomate est l'alimentation des êtres humains. Monsieur
Suzuki est un Japonais, et donc, un être humain. Cependant, Monsieur
Suzuki ne plante pas des tomates dans l'intention de les manger. Presque
toutes les tomates produites par Monsieur Suzuki sont livrées à un
supermarché en échange d'argent.
L'argent a probablement été créé à l'initiative de Gygès, roi de Lydie,
grand royaume d'Asie mineure, au VIIème siècle avant Jésus-Christ.
Jésus-Christ était un Juif. Les Juifs ont le télencéphale hautement
développé et le pouce préhenseur. Ce sont donc des êtres humains.
Jusqu'à la création de l'argent, l'économie se basait sur l'échange
direct. La difficulté d'évaluer la quantité de tomates équivalant à une
poule, et les problèmes de l'échange direct de poules contre des
baleines ont été les motivations principales de la création de l'argent.
Depuis le IIIème siècle avant Jésus-Christ, n'importe quelle action ou
objet produit par les êtres humains, fruit de la conjugaison des efforts
du télencéphale hautement développé et du pouce préhenseur, de même que
toutes les choses vivantes ou non vivantes sur la Terre : tomates,
poules et baleines, peuvent être échangées contre de l'argent.
Pour faciliter l'échange de tomates contre de l'argent, les êtres humains ont créé les supermarchés.
Madame Anete est un bipède mammifère catholique apostolique romain. Elle
a le télencéphale hautement développé et le pouce préhenseur. Par
conséquent, c'est un être humain. Elle est venue à ce supermarché pour,
entre autres choses, échanger son argent contre des tomates. Madame
Anete a obtenu son argent en échange du travail qu'elle effectue. Elle
utilise son télencéphale hautement développé et son pouce préhenseur
pour échanger des parfums contre de l'argent.
Les parfums sont des liquides normalement extraits des fleurs, et qui
donnent aux êtres humains une odeur plus agréable qu'au naturel.
Madame Anete n'extrait pas le parfum des fleurs. Elle échange avec une
entreprise une quantité déterminée d'argent contre des parfums. Après
quoi, Madame Anete fait du porte à porte pour échanger ces parfums
contre une quantité un peu supérieure d'argent. La différence entre ces
deux quantités s'appelle : le profit.
Longtemps interdit aux catholiques, le profit aujourd'hui est libre pour
tous les êtres humains. Le profit de Madame Anete est inférieur à celui
d'une entreprise. Mais il est suffisant pour être échangé contre un
kilo de tomates et deux kilos de viande. En l'occurrence, de porc.
Le porc est un mammifère, comme les êtres humains et les baleines,
cependant quadrupède. Il sert d'aliment aux Japonais, aux catholiques et
autres êtres humains, à l'exception des Juifs.
Les aliments que Madame Anete a échangés contre de l'argent, lui-même
échangé contre des parfums extraits des fleurs, seront totalement
consommés par sa famille en l'espace d'un jour.
Un jour, c'est l'espace de temps que met la planète Terre pour effectuer
un tour complet sur son axe. La moitié d'un jour, c'est midi.
La famille est la communauté formée par un homme et une femme unis par
le lien matrimonial, et par les enfants nés de ce mariage.
Quelques tomates que Monsieur Suzuki a échangées contre de l'argent et
qui à leur tour ont été échangées contre l'argent que Madame Anete a
obtenu grâce au profit dû à l'échange des parfums extraits des fleurs,
ont été transformées en sauce pour la viande de porc. Une de ces
tomates, que Madame Anete n'a pas jugée bonne pour la sauce, a été mise
aux ordures.
Les ordures, c'est tout ce qui est produit par les êtres humains dans
une conjugaison d'efforts du télencéphale hautement développé et du
pouce préhenseur et qui, selon le jugement d'un être humain déterminé,
n'est pas bon pour la sauce. Une ville comme Porto Alegre, habitée par
plus d'un million d'êtres humains, produit environ cinq cents tonnes
d'ordures par jour. Les ordures attirent tous les types de germes et
bactéries qui, à leur tour, sont la cause de maladies. Les maladies
nuisent sérieusement au bon fonctionnement des êtres humains. Même quand
elles ne provoquent pas de maladies, l'aspect et l'odeur des ordures
sont extrêmement désagréables. C'est pour cela qu'on emmène les ordures
dans des endroits déterminés, très loin, où elles peuvent librement
salir, sentir mauvais et attirer des maladies.
A Porto Alegre, un de ces endroits choisis pour que les ordures sentent
mauvais et attirent des maladies s'appelle l'Ile aux fleurs.
Une île est une portion de terre entourée d'eau de tous côtés.
L'eau est une substance inodore, insipide et incolore, formée par deux atomes d'hydrogène et un atome d'oxygène.
Les fleurs sont les organes reproducteurs des plantes, généralement
odorantes et de couleur vive. Des fleurs odorantes, on extrait les
parfums, comme ceux que Madame Anete échangea contre de l'argent qu'elle
échangea pour des tomates.
Il y a peu de fleurs sur l'Ile aux fleurs. Il y a par contre beaucoup
d'ordures, et parmi elles, la tomate que Madame Anete jugea n'être pas
bonne pour la sauce de la viande de porc. Il y a aussi beaucoup de
porcs, sur l'île. La tomate que Madame Anete jugea inadéquate au porc
qui allait servir d'aliment pour sa famille peut devenir un excellent
aliment pour le porc et sa famille, selon le jugement du porc. Il faut
rappeler que Madame Anete a le télencéphale hautement développé, alors
que le porc n'a pas même de pouce, et encore moins préhenseur.
Le porc a cependant un propriétaire. Le propriétaire du porc est un être
humain avec le télencéphale hautement développé, le pouce préhenseur,
et de l'argent. Le propriétaire du porc a échangé une petite quantité de
son argent contre un terrain sur l'Ile aux fleurs. Il est ainsi devenu
propriétaire du terrain.
Un terrain est une portion de terre qui a un propriétaire et une
clôture. Ce terrain, où les ordures sont déposées, a été clos pour que
les porcs ne puissent en sortir, et pour que les autres êtres humains ne
puissent y entrer.
Les employés du propriétaire du porc séparent des ordures les matières
d'origine organique qu'ils jugent adéquates à l'alimentation du porc.
D'origine organique est tout ce qui un jour a été vivant, sous la forme
animale ou végétale. Les tomates, les poules, les porcs, les fleurs et
le papier sont d'origine organique. Ce papier, par exemple, a été
utilisé pour l'élaboration d'un contrôle d'histoire à l'école Notre Dame
des douleurs, et soumis à l'élève Anne-Louise Nounes, un être humain.
Un contrôle d'histoire teste les capacités du télencéphale d'un être
humain de se souvenir des données qui se réfèrent à l'étude de
l'histoire. Par exemple, qui fut Gengis Khan ? Quels étaient les deux
fleuves de la Mésopotamie ?
Se souvenir, c'est vivre.
Quelques matières d'origine organique, comme les tomates et les
contrôles d'histoire, sont donnés aux porcs comme aliment. Ce qui a été
considéré inadéquat à l'alimentation des porcs sera utilisé pour
l'alimentation de femmes et d'enfants.
Les femmes et les enfants sont des êtres humains avec le télencéphale hautement développé, le pouce préhenseur, et sans argent.
Ceux-ci n'ont pas de propriétaire. Et pire encore, ils sont nombreux.
Parce qu'ils sont nombreux, ils sont organisés en groupes de dix par les
employés du propriétaire du porc, et ont la permission de passer à
l'intérieur de l'enclos. A l'intérieur de l'enclos, ils peuvent prendre
tous les aliments que les employés du propriétaire du porc ont jugés
inadéquats pour le porc. Les employés du propriétaire du porc ont
stipulé que chaque groupe de dix êtres humains a cinq minutes pour
rester à l'intérieur de l'enclos afin de ramasser les matières d'origine
organique.
Cinq minutes, c'est trois cents secondes.
Depuis 1958, la seconde est définie comme étant équivalente à neuf
milliards cent quatre-vingt-douze millions six cent trente et un mille
sept cent soixante-dix cycles de radiation d'un atome de césium.
Le césium est une matière non organique trouvée dans les ordures de la ville de Goiania.
La tomate, plantée par Monsieur Suzuki, échangée contre de l'argent avec
le supermarché, échangée contre l'argent que Madame Anete a échangé
contre des parfums extraits des fleurs, refusée pour la sauce du porc,
jetée aux ordures et refusée par les porcs comme aliment, est maintenant
disponible pour les êtres humains de l'Ile aux fleurs.
Ce qui place les êtres humains après les porcs dans la priorité de choix
des aliments, c'est le fait de n'avoir ni argent, ni propriétaire.
Les êtres humains se distinguent des autres animaux par le télencéphale
hautement développé, par le pouce préhenseur, et par le fait d'être
libres.
Libre est l'état de celui qui jouit de liberté.
Liberté est un mot que le rêve humain alimente. Il n'existe personne qui l'explique, et personne qui ne le comprenne.