Art
29/12/2022
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© Dorothy Iannone
Dorothy Iannone
Dorothy Iannone
L'artiste Dorothy Iannone, qui célébrait sans vergogne l'expérience sexuelle féminine et combattait la censure, est décédée à l'âge de 89 ans ; sa mort a été confirmée dans un post sur Instagram par sa galerie parisienne Air de Paris. "L'amour et la liberté sont au cœur du travail de Dorothy Iannone depuis six décennies, avec toute leur force jusqu'à sa mort inattendue hier", a déclaré la galerie dans un communiqué. "Elle nous manquera profondément en tant qu'artiste originale, un être humain intellectuel et engagé, une amie très aimante, amusante et compatissante."
Iannone est né à Boston, Massachusetts, en 1933 et s'est spécialisé en littérature américaine à l'Université Brandeis. Selon un CV publié par Air de Paris, Iannone a commencé à travailler "en tant que peintre autodidacte" en 1959. Elle a ensuite commencé à expérimenter divers médias, à cheval entre le dessin graphique, le collage, la vidéo et la sculpture qui s'est ensuite inspirée des fresques égyptiennes et des mosaïques byzantines. Une série d'œuvres réalisées en 1968, telles que Ease at the Helm, mêle croquis au feutre et imagerie Polaroid. Entre 1961 et 1967, Iannone et son mari James Upham ont voyagé à travers l'Europe et l'Asie, ajoute la galerie. Ils ont vécu et travaillé plusieurs mois d'affilée dans divers endroits, dont Kyoto au Japon. A Kyoto, elle commence une série de collages. Dans ses œuvres influencées par l'art du papier traditionnel japonais, les éléments orientaux et les peintures de l'école de New York, différentes formes et cultures sont liées entre elles.
Voir un choix de ses oeuvres sur le site de sa galerieAprès des études de droit puis de littérature, Dorothy Iannone commence à peindre. Son premier éclat date de 1961 : elle engage un procès contre le gouvernement américain qui interdit encore le roman de Henry Miller Tropique du Cancer, paru en France en 1934. Influencés par l’expressionnisme abstrait, ses débuts artistiques témoignent d’une grande maîtrise plastique, mais c’est en s’écartant de l’abstraction qu’elle ouvre sa voie personnelle, liquidant la matière picturale au profit du récit et de son expression graphique. Textes, figures et ornementation exubérante se bousculent jusqu’à la saturation, comme chez beaucoup de singuliers de l’art.Dorothy Iannone prône implicitement l’égalité des sexes et explicitement la roborative vertu de l’activité sexuelle, entre expérience vécue et célébration mystique. Au début des années 1960, elle cofonde et anime une galerie à New York. En 1966 elle rencontre Robert Filliou sur la côte d'Azur, puis Emmett Williams à New York à la fin de la même année. Le dessin de Dorothy Iannone prend vite la forme illustrative dont elle ne se départira jamais. Caractéristique notable, à partir de 1966, qu’ils soient conviés nus ou habillés, l’artiste dévoile délibérément les organes génitaux de ses personnages. Cette excentricité prend un tour irrévérencieux quand, dans sa série de figurines intitulée People, elle campe le portrait du président Johnson, de Robert et Jackie Kennedy en pleine guerre du Viêt Nam. Ses propres démêlés avec la censure surviennent justement en 1967 lors d’une exposition personnelle à Stuttgart, intégralement confisquée par la police qui réunit un tribunal de critiques et d’historiens d’art. Ces derniers réfutent finalement le caractère pornographique imputé aux œuvres en alléguant divers exemples artistiques extra-européens, références corroborées par les nombreux voyages que fait Iannone à cette époque, notamment en Inde. Invitée par l’artiste Dieter Roth à participer à une exposition de groupe à la Kunsthalle de Berne en 1969, elle sera encore confrontée aux mêmes problèmes, cette fois à cause des autres participants et du maître des lieux, Harald Szeemann qui lui demandèrent de couvrir ces sexes omniprésents dont la vue les incommodait. Le travail de Dorothy Iannone est autobiographique, sa rencontre avec Roth, à la fois muse et amant, constitue un repère décisif dans sa vie personnelle et un motif inlassablement repris dans son œuvre, qui prône implicitement l’égalité des sexes et explicitement la roborative vertu de l’activité sexuelle, entre expérience vécue et célébration mystique.
(Texte du conservateur Frédéric Paul)
Par kiwaïda at 19:08
23/12/2022
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Photographies © Sonia Marques
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U(´・×・`)U
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Deux œuvres d'artistes américains pour méditer...
Snow Flurry, un mobile de l'artiste Alexander Calder, qu'il décrit comme une « cascade de disques blancs », inspiré des chutes de neige qu'il observait dans sa maison de Roxbury, dans le Connecticut. L'artiste américain Alexander Calder déclina son idée pour au moins sept mobiles entre 1948 et 1959.
Par un jour d'hiver de 1983, parmi d'autres vendeurs de rue de l'East Village, l’artiste américain David Hammons façonne des boules de neige de différentes tailles, les range par taille et entreprend de les vendre comme un camelotier. Il nomme cette action de rue non annoncée Bliz-aard Ball Sale, et s'inscrit dans le contexte des œuvres éphémères et peu documentées qui se développent à partir des années 60 et questionnent la nature de l’œuvre, le monde de l'art et la race aux États-Unis.
Par kiwaïda at 23:41
20/12/2022
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Montage © Sonia Marques
Petit clin d’œil à mon article Sol de Mayo, l'année dernière, le soleil du mois de mai, symbole du pays de l'Argentine, un anniversaire, un Noël, des argentins et des argentines victorieuses !
Feliz Navidad Argentina !
Feliz Navidad Argentina !
Par kiwaïda at 02:00
16/12/2022
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Jellycat Design
Jellycat Design
Petit montage infographique de mes préférées, ces peluches sont la création de Jellycat, une marque Londonienne spécialisée dans la création de peluches. L'humour, la douceur, le souci du détail et la qualité, leur design, se démarquent des autres. L'entreprise est cofondée par les frères Thomas et William Gatacre, elle a réinventé la catégorie des peluches, créant des produits chéris par des clients de tous âges. William est le directeur général de Jellycat et raconte souvent son histoire. "Parfois, vous regardez un espace et vous pensez : cela a besoin d'un sérieux rafraîchissement. C'était le cas du marché des jouets il y a vingt ans. Il était fatigué, et un peu taxidermique" Ainsi, en 1999, Jellycat est né, du nom trouvé par le fils de sept ans de Thomas. Les débuts sont modestes, un petit stand lors d'un salon professionnel, mais la marque s'est rapidement révélée populaire. Ils ont eu des partenariats avec John Lewis, Paul Smith, Selfridges, The Conran Shop, Collette à Paris. Le directeur décrit ces moments, comme de petites joies, pas de grands projets commerciaux, mais très excitants. William se remémore les débuts de Jellycat : le frisson d'obtenir une référence, l'excitation de voir les produits en magasin et d'être invité à Paris pour rencontrer le fondateur de Zadig & Voltaire, Thierry Gillier, dont la fille était fan des jouets de Jellycat. S'inspirant des mondes de l'art, de la mode et du design, l'entreprise exploite un modèle saisonnier, proposant plus de 200 nouveaux articles chaque janvier et juillet. Cette stratégie a rendu leurs produits très convoités. À la lecture de nombreux forums de fans de Jellycat en ligne, la marque frise l'obsession pour certains produits. En conséquence, le marché de la revente de la marque est énorme, les articles abandonnés se vendant souvent plusieurs fois leur prix de détail d'origine. "La magie est dans le produit, donc tout se résume au design", explique William. La réflexion incessante de Thomas et William sur le concept et le design a conduit à une marque qui plaît à tous les âges. En effet, l'un des plus grands exploits de Jellycat a été de vendre autant de produits aux jeunes adultes que de cadeaux pour bébés et enfants. William décrit certains de ses favoris : ses best-seller, "le Bashful Bunny (le lapin timide) ; le morceau souriant de fromage de brie complet avec bras et jambes ; le dragon des neiges, et même un plat de fruits de mer câlin – parfait pour égayer un fond Zoom ! A chaque collection, nous faisons un acte de foi", a-t-il dit. "Nous n'organisons pas de groupes de discussion, nous suivons simplement notre instinct. Heureusement, nous avons presque toujours raison... il n'y a pas de meilleur sentiment que de fabriquer quelque chose que vous aimez et de le voir se vendre ! Quand il s'agit de design, la seule chose qui ne nous influence absolument pas, c'est ce que font les autres fabricants de peluches. Nous devons ignorer nos concurrents car si nous les surveillons, cela nous retarde. C'est l'un de nos principes fondamentaux en tant qu'entreprise : nous ne devons pas faire quelque chose simplement parce que quelqu'un d'autre le fait." Cette idée a été à l'origine d'une grande partie du succès de Jellycat et a également éclairé la stratégie de l'entreprise pour éviter les voies de marketing traditionnelles. Contrairement à ses concurrents et, en fait, à ses clients, Jellycat n'a pas de canaux de médias sociaux, ce qui semble presque impensable pour une gamme de produits aussi instagrammable. "Il y a quelque chose de merveilleux à être découvert individuellement", dit William, "et nous aimons laisser les produits parler d'eux-mêmes. Les médias sociaux sont quelque chose que nous étudions, mais nous voulons que les gens achètent chez Jellycat parce qu'ils le veulent, pas parce qu'on le leur dit"
Dans mon histoire, personnelle, je n'ai pas été éduquée avec un environnement renouvelé de peluches, cette frénésie consommatrice que l'on observe, mais les seules attribuées, qui me sont restées en mémoire, le sont restées toute l'enfance, durant les années 70, et dans l'esprit : un chien étrange qui aurait pu être londonien, lui aussi, orange ou rose fluo, ou bien plus tardivement, une ourse orange aux yeux verts, que j'ai nommée "Capucine", en raison des fleurs de la couleur orange, des capucines en bordure de mon jardin, à hauteur de mes yeux d'enfant. Et puis, la plus mystérieuse, fut une belette, dans les teintes brunes orangées. Dans les années 70, la couleur orange fut assez répandue, avec le marron (les camels, les cognacs, les caramels, les rouges territes, les pourpres) et le jaune solaire, sans compter les motifs des papiers peints, tous ces éléments et "patterns" sont actuellement revenus à la mode, aussi bien dans le domaine du stylisme, et ses aspects recyclés "éco-responsables", que dans celui de la décoration et la maison. Les motifs orientaux et géométriques étaient manifestes dans les impressions textiles et les nuances colorées furent qualifiées de "couleur-soleil", des couleurs acidulées et toniques, elles étaient contrastées avec des teintes plus froides, le bleu, le gris, avec l'argenté, une métallisation très en vogue, avec le vert, qui correspondaient au début des simulations végétales et celles de la nature.
L'émission télévisée pour enfants de Lîle aux enfants (qui débute en 1974) présentait un gros Casimir (créé par Yves Brunier et Christophe Izard), un dinosaure orange à gros pois, j'avais hérité de son acolyte, en peluche plutôt dure, Hippolyte, son cousin, le maladroit, paresseux, gaffeur, dont j'adorais le nom. Il était vert et était apposé à côté d'une télévision orange, design vintage assez belle. Ma mère avait un certain goût pour le design et les meubles blancs nordiques, acquis pour son appartement de jeune femme, que j'ai côtoyés, entreposés dans leur nouvelle chambre maritale, ensuite léguée, durant mon enfance. J'avais accès à une bibliothèque de livres dans une langue inconnue, avec des couvertures aussi vintages d'un autre pays. Tout était crypté. Cela forme l’œil, et le goût du déchiffrage aussi. Mes camarades, tous de classe modeste, n'avait pas d'égal à ce décor atypique, car du côté maternel, ma famille, était spécialisée dans l'art de chiner, ou tracer par l'image, la photographie, et les nouveaux usages filmiques, de façon mémoriel, située dans les Puces de Paris Saint-Ouen, le plus grand marché d'antiquaires et de brocanteurs au monde. Il y avait donc des expériences diverses et des couleurs et textiles chamarrées transmis, des manières de bricoler des cabinets de curiosités, des agencements des espaces de vie, proches des vies d'artistes, avec peu de moyen mais de l’ingéniosité, des astuces, des ruses, du goût pour les accords entre l'ancien et le moderne. Tels des petits Frida Kahlo, sans le savoir, le tout cohabitait dans une étrange maisonnée repeinte en turquoise, au goût particulier de mon grand-père. Une couleur, entre le vert d'eau et tirant parfois vers le bleu, cela dépendait des rafraîchissements, lorsque l'on est enfant et que l'on passe sa tête à travers les barreaux de la mezzanine, avec un tricot orange, on ne peut qu'être baigné dans une palette de peintres et démarrer ses premiers pas dans un climat libéré des nuances classiques et conventionnelles. Et puis, il y a toute une partie folklorique, qui tient au mariage ibérique de mes parents, une alliance entre l'Espagne et le Portugal, faites de migrations et de transculturations. Je préfère d'ailleurs ce terme espagnol de "transculturation" plutôt que celui utilisé en France d'acculturation. La transculturation désigne le processus par lequel une communauté emprunte certains matériaux à la culture majoritaire pour se les approprier et les refaçonner à son propre usage. Ce concept s'oppose à celui, d'acculturation, car celui-ci plus ancien, désigne l'absorption de la minorité par la culture dominante. Le terme de transculturation, plus récent, développé notamment par l'ethnologue et anthropologue cubain Fernando Ortiz oriente sur le processus de transformation des deux groupes au contact l'un de l'autre en soulignant les aspects créatifs que cela comporte. J'aime assez l'idée de traverser, dans la transculturation. Cette idée du voyage et du déplacement, est au cœur de mes processus de création. Les arts numériques ont été, dans mon parcours, un territoire d'investigation, où les frontières étaient traversées et respectées en tant que créations nouvelles, sans limiter le sujet dans une identité déterminée par d'autres, et des origines més-interprétées avec tous leurs lots d'à priori. J'ai ainsi apprécié faire partie des usagers d'une certaine folksonomie sur Internet, basée sur une indexation personnelle, que je continue de poursuivre. Les nuages de mots ont été mes moteurs pour naviguer, avant même qu'ils ne soient formalisés par le Web 2.0.
Je me suis intéressée à la couleur "terre de Sienne", en 2010, et son pigment minéral naturel, de teinte brune rougeâtre, dont j'ai recherché une nuance très spécifique en céramique, pour mon œuvre de grande envergure, "Cendrillon". Dans l'élaboration de ce puzzle de biscuits décorés à la main, et dont, chaque tuile, fut aussi modelée à la main, en céramique et porcelaine, d'un savant mélange de rébus destinés à être jeté, des excédents, j'ai confectionné et étalé comme des pâtes à cuisiner, chaque carreau, émaillé et traité individuellement, par mes soins, afin d'être verni de couleurs et motifs graphiques différents, se juxtaposant ensuite, par vibrations, ainsi tous disposés, avec un jeu visuel mathématique, entre figure et abstraction, tel un tapis lumineux et chatoyant, indécent et magique. Je pense que les couleurs solaires, qui contrastaient avec les noirs et blancs et leurs motifs (comme des signes typographiques pixelisés et numériques, toutes sortes de hastags, dièses musicaux) étaient issus de ces nuances colorées de mon enfance, des années 70, et s'inscrivaient dans une composition ambitieuse, une fresque, un décor d'azulejaria, d'une histoire revisitée, de cet art des carreaux de céramique ibériques, mozarabes et portugais, des Maures, typiques de l'art mauresque. La matrice, le nuancier, que j'ai créé, était si particulier, et les couleurs provenaient d'une mémoire qui s'est imprimée, surtout avec le jaune, et le brun, majoritaires, des couleurs solaires, très chaleureuses.Ainsi, je peux à présent relier, une de mes réalisations en céramique, qui emprunte à cette mémoire des couleurs, sensorielle à tous point de vue, que j'ai réalisée dans ma ville à Limoges :
Dans la région porcelainière du Limousin, où j'ai conçu et créé cette installation, et l'ai exposée dans la ville de Saint-Yrieix-la-Perche, berceau de la découverte du kaolin (l'argile essentielle à la fabrication de la porcelaine, prénommé "l'or blanc", l'exploitation des carrières se réalise en 1786, alors que la Chine découvre et utilise la porcelaine dès le XII e siècle) c'était une véritable gageure. Car cette région du centre de la France, orne et décore toujours traditionnellement ses espaces patrimoniaux, d'assiettes blanches et divers objets de porcelaine blancs, avec très peu de couleurs, voir quasiment pas. Souvent les visiteurs et clients de ces lieux labellisés, sont plutôt aisés et retraités. On peut visiter de petits espaces, réservés, avec des créations d'artistes qui rassemblent des œuvres uniquement blanches, sans aucun décor, ni même d'aspérité. Toute expression est effacée, tout métissage, tout voyage exporté-importé, toute histoire. Souvent, je me suis posée la question de la répétition de ces formes, qui se situent entre art de l'artisanat pour décor d'intérieur et art contemporain. Le silence devait dominer, comme si des drames historiques de guerre, ou de conflit, empêchaient tout dire, toute évocation d'un égo, d'une personnalité, et qu'en groupe, tous les artistes devaient choisir d'immaculer leurs objets ou sculptures, d'un commun accord. Comme s'il fallait s'abstraire de l’indicible, éviter toute culpabilité ou collaboration, ou faux pas. C'est ainsi que je le ressentais en écoutant aussi les exposants designers à mes côtés, surpris par ma proposition franche et généreuse, qui pouvait être censurée par son audace, questionnant les couleurs autorisées dans leurs circuits habituels d'exposition, ou leurs formations artistiques.
J'ai rencontré une spécialiste des contes littéraires, Élisabeth Lemirre, venue faire une conférence à Limoges, à laquelle j'ai assisté dans la belle bibliothèque multimédia, sur le conte spécifique de Cendrillon, et apporter des éléments de son livre ("Sous la cendre : figure de Cendrillon", de 2007) Elle m'a fait comprendre que ma réalisation artistique ressemblait aux contes africains, plutôt que la Cendrillon occidentalisée. En Afrique, elle est "noire" et telle une "garce", un peu garçonne, elle désarçonne. Sa beauté résidait dans le côté frondeur de Cendrillon, tels que les contes africains le relatent, et non dans le versant soumis, occidental, de la Cendrillon qui attend patiemment le prince charmant, maltraitée par des femmes, belle-mère et filles, et doit "rentrer dans le rang" afin d'être choisie par le premier venu et se marier avec. Elle avait remarqué mon petit sac en bandoulière, et m'avait dit qu'il était couleur de l'arc-en-ciel, irisé, comme ceux des fées, qu'il y avait une histoire de fées là-dessous.
La question de la couleur était au cœur de ma recherche artistique et la communication de l'historienne, personnelle, m'avait fait questionner les fondements de mon histoire et de mes traversées, car, je n'avais jamais vu ma proposition ainsi. Tous ces croisements coïncidaient : je réalise une œuvre en 2010, du nom d'un conte de fée à Limoges, et, dont quelques prémices pédagogiques, avaient été bien explorés à l'école supérieure d'art d'Angers, où j'ai enseigné une dizaine d'années auparavant, dès 2001, avec deux collègues peintre et designer, à destination des étudiants en Master, d'un atelier de recherche et création, que nous avions nommé du même nom du conte "Cendrillon", pour une rencontre, d'après diplôme, et la professionnalisation (qui avait très bien été accueilli) ; en devenant professeure à l'école nationale supérieure d'art de Limoges, en infographie et et création multimédia (comme à Angers), je conçois et réalise une œuvre entièrement en céramique, de ce même nom, puis, je l'expose dans la région à 2 reprises ; puis un an après, un Opéra de la ville, un spectacle lyrique nommé Cendrillon, que j'ai vu, se produit, et je rencontre une conteuse, qui me raconte le versant de la couleur de mon œuvre. Une traversée assez magique à travers la France et les régions, le tout motivé par mes projets artistiques et pédagogiques reconnus.
Les aspects mathématiques d'une matrice qui multiplie les possibles, un nuancier qui contamine tous les carreaux, et peut se rejouer à l'infini, recréer d'autres figurines ou tableaux abstraits, m'intéressaient plus que tout. Cette réalisation continue de m'inspirer, dans mon parcours, la fulgurance et la sagacité de la méthodologie aussi. C'est la représentation d'un potentiel, une sorte d'autoportrait à un instant T. À la lecture de l'essai "La peur de la couleur", de David Batchelor, artiste, écrivain et directeur d'études au Royal College of Art de Londres, lorsque je voyageais beaucoup en train, chaque semaine pour enseigner en région des Pays de la Loire, avait confirmé certaines de mes réflexions intimes, sur la couleur; telle que je la vivais, ici. Il avait analysé, dès les années 2000, l'histoire de la "chromophobie", en occident, et ce qui se cachait derrière ce phénomène depuis ses origines, au travers d'exemples empruntés à la littérature, à l'architecture et au cinéma. En explorant des thèmes aussi variés que La Baleine blanche de Melville, Le Voyage d'Orient de Le Corbusier, Le Magicien d'Oz ou des expériences d'artistes contemporains, l'auteur montrait comment la couleur s'inscrit, dans l'imaginaire culturel occidental. Il allait jusqu'à qualifier même, une forme de "haine de la couleur", la peur de la perversion ou de la contamination par la couleur, selon lui, s'inscrivent au cœur de la culture occidentale depuis l'Antiquité, soit en l'assimilant à un "corps étranger", oriental, féminin, infantile, vulgaire, pathologique, soit en la reléguant au domaine du superficiel, du superflu ou du cosmétique.
Pour revenir à Jellycat, la grande tortue, que j'ai acquise pour orner le pare-brise d'une voiture japonaise, feu... se fond dans le paysage, avec mes "vrais lapins". Il se trouve que j'ai découvert ces peluches londoniennes, dans le petit magasin à Limoges, adorable, tenu par une femme qui tricote soigneusement ses peluches, "La Lune Noire" et dispose toujours un assortiment des nouvelles créations de Jellycat, entre autres. J'échange très souvent avec les commerçants de ma ville, il n'est pas rare que je présente aussi des créations que je transporte. J'avais un sac grand cabas en velours noir, orné de fleurs et d'un loup blanc d'une créatrice anglaise justement, il est souvent admiré et aimé par tous. C'est ainsi que je peux aussi faire connaître des créateurs et créatrices aux commerçants, qui, à leur tour, me font part de leurs histoires insoupçonnées, si aucune conversation n'est engagée. J'ai toujours pensé que les créations étaient d'excellents médiateurs, entre soi et l'autre, et l'au-delà, comme l'étaient les icônes religieuses, et le sont toujours. À Paris, je ne portais pas grande attention au marché des jouets, ou des peluches. Mais à bien y regarder, ce n'est pas si exact. Il y a une culture quelque part et une formation, que j'ai acquis, au fil du temps :
J'avais un camarade de classe, lors de mon diplôme supérieur aux arts appliqués, à l’École supérieure des arts appliqués Duperré, située au 11, rue Dupetit-Thouars dans le 3ᵉ
arrondissement de Paris, dans laquelle j'ai passée 4 années de ma vie à vivre et travailler et étudier avec une grande assiduité et un grand bonheur, début des années 90, qui s'était spécialisé dans la scénographie futuriste des vitrines de Noël, versus soucoupes-volantes et nombre d'objets ludiques métallisés. Il nous avait ainsi sensibilisé au développement de recherches des jouets. Il faut dire que nous avions une bonne équipe de professeurs, et nous étions engagés à travailler également en équipe entre étudiants. J'ai enseigné ainsi, ensuite, par stimulations intellectuelles et tempêtes de cerveaux (brainstorming). À bien y regarder, à cette période, j'ai développé auparavant une gamme, qui était considérée comme une démarche artistique "pure" et non "appliquée". Elle était axée sur des "Boules" que j'avais confectionnées de longue haleine et en solitaire, après des visites d'expositions diverses et ma recherche sur le "gribouillis" en volume (aujourd'hui, on nommerait mes recherches "en 3D") Elles étaient réalisées avec du fil, et parfois des textiles utilisés pour réaliser des polaires ou des peluches, ou tout simplement de la laine. J'avais pressenti la complexité, les réseaux, la cartographie, je m'intéressais aux réseaux de neurones, à comment je pensais et formulais des idées, par grappes de connexions, sans envisager, que je n'étais pas la seule à avoir de telles réflexions intellectuelles. Parfois, je tombais sur des livres ardus de sciences cognitives que je dévorais, sans pouvoir partager mes connaissances avec mes camarades. Je travaillais artistiquement toutes formes de réseaux, avec la photographie, des matériaux que je mixais. Je visitais les magasins dédiés à la maçonnerie, avec mon père, avec l’expérience de sa profession, et j'imaginais des associations de plâtre et de boules de polystyrènes pour faire de gros volumes, ou bien j'associais des éléments d'articulations (des boulons, des roues, des boudins de protections de canalisations, etc.) avec des formes moulées dans des préservatifs distribués gratuitement par les écoles (autant que cela serve aux artistes !), dans cette époque de prévention face au virus du Sida. Toutes mes recherches partagées et présentées époustouflaient mes professeurs, et apportaient plein d'idées aux autres étudiants, cela infusait des pépites de lumière, de petites graines se plantaient comme un jardin fertilisé par l'école, elle savait faire cela, mettre en confiance ses étudiants, et n'avait alors pas besoin de faire de publicité ni d'effort de communication. De grosses boules sont arrivées par magie, et des plus petites, fines et travaillées, très colorées, de velours ou de laines, ou de textiles métallisés, dont j'ai réalisé nombre de photographies, par gammes et saisons, avec des modèles choisi pour leur personnalité, et leurs facéties, leurs capacités à jouer, à s'inventer des personnages, ou se transformer en animaux devant mon objectif, en diablotins ou en anges gardiens, des jeunes hommes et jeunes garçons, de couleurs de peaux différentes, de très beaux souvenirs en commun, sportifs aussi, dynamisants. Les photographies sont magnifiques et toutes ces réalisations étaient présentées lors de mon diplôme, remarqué, notamment par un jury composé des jeunes designers Tsé-Tsé (Sigolène Prébois et Catherine Lévy, qui nous a quitté récemment) elles démarraient tout juste leur entreprise en binôme.
Je n'ai jamais breveté mon idée, mais une trentaine d'années plus tard, des jouets ont été commercialisés avec cette idée très originale. Mes pelotes en boules étaient structurés en armature de fils de fer, amovibles et se formaient à la guise des manipulations, tel des petits "Calder". J'avais été impressionnée par le cirque des années 30, de l'artiste américain Alexandre Calder. Sinon, dans l'espace, mes installations pouvaient prendre des formes expressives dignes du mouvement artistique des peintres de l’expressionnisme abstrait, dont j'appréciais les peintures à cette époque (et j'en réalisais sur 2 mètres au carré) Je visitais beaucoup d'expositions à Paris, en solitaire ou avec un camarade féru d'art et de design également, en binôme. J'admirais les dessins et peintures de CoBrA, un groupe d'artistes qui élaborait à Paris dès les années 1948 des recherches picturales en réaction à la querelle entre l'abstraction et la figuration. Poètes et peintres (j’appréciais le travail du néerlandais Karel Appel et du danois Asger Jorn) certaines de mes grandes peintures en sont assez proches. J'avais entrepris, dans le jardin familial ouvrier, des scénographies de feux d'artifice et guirlandes énormes, lorsque je les déployais. J'étais photographe, donc la traçabilité de ces scènes éphémères étaient envisagées comme des images iconiques. Évidemment, cela avait fait tout le tour de l'école, lorsque je ramenais ces photographies, et à cette période, cela avait engagé d'autres étudiants plus jeunes, qui observait l'engouement général, à réaliser des objets hybrides d'influences de gestes et des arts du spectacle, ce qui n'existait pas encore, dans cette école, qui travaillait principalement sous forme d'images et de magazines. Comme je l'exprimais, dans d'autres articles, j'étais absorbée par "L'énergie du geste" le titre de mon mémoire.
J'ai beaucoup aimé voir la festivité se généraliser dans cette école, l'envie d'avoir envie de créer, de rechercher. Je n'étais pas obsédée par la notion auctoriale, et mon indifférence à la compétition, encore durable, m'a fait prendre un chemin plus singulier et très réfléchi, j'étais l'inspiratrice, mes idées étaient copiées et je n'y pouvais rien. Ma scénographie finale se basait sur un ring de boxe arrangé, il y avait une lutte entre la rigueur des formes en plâtres oblongues et noires (elles auraient pu illustrer la chanson stellaire et onirique, "Madame rêve" d'Alain Bashung), puisqu'elles figuraient le plein des préservatifs, dont je me servais comme moules, que j'étirais à l'aide de pinces ou seulement avec la gravité de mes suspensions, teintées dans la masse, et celles en peluches ou de textiles proches d'oiseaux exotiques. J'opposais ainsi, le dur et le mou, le noir et blanc et les gris bleutés, aux rouges et jaunes solaires, mes propositions étaient très riches de sens, et donnaient généreusement le ton de futures tendances stylistiques. Mes professeurs étaient "fans" de mon travail, mais je l'ai appris seulement qu'aux résultats de fin d'année des diplômés, me félicitant longuement devant mes camarades pour ces 2 années de travail et me reléguant au rang de première de cordée, ce que, je n'avais jamais imaginé durant mes 2 années passées à travailler mes jours et mes nuits. Il y avait 2 équipes d'enseignants, qui ne s'entendaient parfois pas très bien (opposition Mode-stylisme et Textile/couleur), et mes recherches était parvenues à les réunir, mes résultats traduisait la réunion de leurs enseignements et leurs apportait un éclairage inédit, ce qui facilitait la vie étudiante de mes camarades de classe. J'étais donc montrée en exemple du diplôme supérieure en arts appliqués (DSAA "Modes et environnements"), tel qu'ils tentaient de le développer, dans l'idée de la conception et des tendances, pour agences de styles ou cabinets d'architectures, ou du monde automobile, textile. Dans chacune de mes classes et d'études en art, j'étais un élément pacifique, et, le travail le plus discret, s'activait, dans l'harmonie d'un groupe, à rechercher à stimuler intellectuellement et à avoir une attention sympathique pour chacun, de mes amis, sans en laisser au bord de la route.
Plus tard, j'ai été conduite à participer des jurys pour le DSAA dans cette école, une des étudiante a d'ailleurs fait partie ensuite du collectif artistique que j'ai co-fondé, elle a ainsi connu son compagnon, au sein de notre collectif, un informaticien et chercheur en arts génératifs de pixels, avec un intérêt justement en réseaux cognitifs, ce que nous ne manquions pas de discuter. Un enfant est arrivé par la suite. C'est assez amusant, et les jardins de pixels ont généré pas mal de surprises, et de rencontres, dans nos desseins.
J'ai compris, bien plus tard, que ces qualités invisibles, conféraient tout simplement à mon devenir d'enseignante. Sans le savoir, je collaborais aussi aux recherches pédagogiques de mes enseignants, complétant ma participation pour une véritable formation artistique supérieure digne de ce nom. Nous avions travaillé pour le groupe Hermès et j'avais formé une équipe qui me suivait et nous avions remporté un prix, tous ensemble. J'avais appliqué formidablement leur enseignement, jusqu'à m'en émancipé, puisque je me suis tournée vers les beaux-arts à leurs grands regrets, tentant de me dissuader de mon choix, prétextant que les écoles des beaux-arts étaient très mal en point et très conservatrices. À postériori, ils n'avaient pas tout à fait torts sur certains points, même si le chemin que je choisissais, en toute liberté, était le plus juste, dans ma recherche..
Je me suis laissée une année, j'ai travaillé dans des bureaux de styles
parisiens (Peclers), ou pour un architecte (Alexis De La Falaise), dans la conception de meubles et d'aménagement de boutiques de modes. J'ai aussi travaillé dans le spectacle, particulièrement dans la danse
contemporaine et j'ai été amenée à collaborer activement avec ma
chorégraphe, tout en étant danseuse parmi ses élèves, et participants de plusieurs de ses spectacles montrés au public. J'avais fini par m'installer dans un théâtre pour réaliser tous les éléments de sa scénographie pour 3 danseurs, présentés aux plates-formes de Seine-Saint-Denis. J'enseignais dans le même temps des cours d'arts plastiques à des élèves de 6 à 12 ans, dans le Val-d'Oise, avec des idées assez audacieuses, elles ravissaient les parents et les organisateurs et organisatrices de l'association des arts plastiques. Puis j'ai passé le concours à l'école supérieure des Beaux-arts de Paris, et j'ai été sélectionnée en cours d'année, la suite fut une toute autre aventure, les écoles des arts appliqués supérieures et les écoles des Beaux-arts, supérieurs, ont des méthodes très différentes d'enseignement. Ainsi mon parcours des études supérieurs fut très diversifié et assez exceptionnel. Je ne le dois qu'à la notion de l'effort personnel, au désir du meilleur, mais également à la sympathie des liens l'amitié et la reconnaissance du bon, du bien, du vrai, et du mieux chez les autres et à travers les paysages traversés, les régions, les pays et leurs coutumes.
Les boules (© Sonia Marques) 1990-94
Les écoles d'art sont des lieux absolument fabuleux, qui doivent se rééquilibrer, reconnaître leur histoire et ne pas se couper des meilleurs qu'elles ont formés, en se laissant emporter dans des luttes politiques qu'elles ne maîtrisent pas, et dont ce n'est pas leur métier. Se tourner vers le meilleur, en sachant s'opposer aux mauvais comportements qui violentent les étudiants et les professeurs et empêchent de mener à bien les études, seront-elles discerner les enjeux les écoles d'art si nombreuses, en France, ne pas tomber dans des rivalités inutiles qui éliminent l'expérience artistique et la création ? Je ne sais pas et je ne suis pas sollicitée pour témoigner de mon parcours, ainsi je ne peux leurs apporter ni mon soutien ni mon aide précieuse, ni mon expérience confirmée. Les directions sont seules responsables et manquent non pas de moyens, mais de compétences dans l'enseignement artistique et l’appétence de participer au monde en transition à tous points de vue.
Chez les artistes, il a une grande sensibilité aux fragilités du monde
et des êtres vivants, même du minéral, du paysage. Leurs facultés
résident dans l'expression artistique, l'analyse du détail, des moindres
sensations, impressions, de l’infra-mince, des phénomènes, ce qui
demande du temps d’observation et de grandes qualités d'imagination, celui aussi de se connaître, telle l'idée philosophique de
Socrate, d'avoir une vie intérieure riche.
Les écoles d'art, telles que je les ai connues, avaient les moyens humains de préserver ces qualités et de les reconnaître. Celles et ceux qui partagent ce temps, avec des artistes ou
sont avides de lire, voir, apprendre de leurs réalisations, savent que
les œuvres leurs révèlent beaucoup, ce que ne peuvent exprimer ni les
informations et leurs médiatisation, ni les pressions du quotidien, l'idée factice de vivre dans l'urgence de tout, et finalement, le rien du tout devient même urgent. La
culture est essentielle à la vie et se mature avec le temps, elle est
irremplaçable par des algorithmes, le dessin devrait être une discipline, sauvegardée. De meilleurs desseins seraient envisagés et des observations plus fines et précises, douée de la sensibilité de l'âme humaine, cette alliance entre la main et l'esprit, si savante. De la pratique, du temps de paix, pour étudier et non pas rêver de faire la guerre, alors que nous avons tous les outils et les talents pour œuvrer, de concert : se retrousser les manches et n'oublier personne ! Lutter contre les ostracisations qui bloquent toutes les belles énergies. Différences et fantaisies bienveillantes ne devraient pas se se soumettre, dans ces domaines de création, aux pressions de normalisations, qui peuvent masquer une normalisation des violences, un systématisme banalisé.
Il n'est
pas étonnant que les plus jeunes soient encore plus sensibilisés sur
les questions de l'environnement et aussi de comment sont portées les
attentions aux limites de l'autre, ce qui touche aux violences faites
aux corps et à leurs exploitations, ce sont des notions bien plus explorées par
la génération d'aujourd'hui. Je me sens en accointance avec cette
génération. Je me sentais toujours décalée avec la mienne, à présent
c'est beaucoup mieux, et, je pense que les écoles en subissent les transformations urgentes et nécessaires, pour pouvoir s'adapter au changement, visible partout ailleurs, dans notre société.
Joyeux Noël à tous, un repos salutaire, après une année socialement mouvementée, intimement émotionnelle, intense et transformatrice ! Douces vacances oranges.
Par kiwaïda at 14:17
13/11/2022
€✖◎ⅾℯ
Photographies © Sonia Marques
Gamalag, Ydaki, Terres australes, Gisement d'uranium, Mooloo, Didjeridoo...
Par kiwaïda at 18:16
12/11/2022
℘℮тḯ☂ ηèℊяℯ
Exposition de Hervé Télémaque au Centre Pompidou (Photographies © Sonia Marques - avril 2015)
Belle exposition en 2015 de l'artiste Hervé Télémaque, au Musée National d'Art Moderne, centre Pompidou.
J'avais beaucoup apprécié. Je n'ai pas intégré la photographie de son tableau :
"Petit célibataire, un peu nègre et assez joyeux, 1965", mais j'inscris son titre évocateur.
"L'art c'est un désir de répondre à l'extérieur, mais d'être soi-même aussi dans sa vérité"
Par kiwaïda at 01:49
07/11/2022
♭ґїᾔḓїʟℓℯs
© Andy Goldsworthy (Ammonite, Spiral of twigs)
+
Je retrouve l'une de mes références lorsque j'étudiais à l'École Dupérré, pour le diplôme supérieure en arts appliqués "Modes et environnements", l'artiste anglais Goldsworthy. Mon mémoire s'intitulait : "L'énergie du geste" en 1994. Bien que je réalisais de longs trajets pour étudier, bus, train, métro, chaque jour, pour arriver dans le tout urbain du marais, très beau quartier parisien, avec mes camarades qui habitaient plutôt à Paris, j'étais imprégnée d'air et de nature. Je ne vivais pas en appartement, mes parents avaient un jardin et un temps, cultivaient des légumes et des fruits. Enfant, ce fut, mon terrain de jeu, je déterrais les vers de terre, regardait un peu comment tout cela poussait ou dépérissait, enfin c'était un peu, mes premières sensations avec des formes naturelles. Je côtoyais une tortue, que j'aimais beaucoup. C'est assez naturellement que passant des jours à la bibliothèque de mon école, assez bien documentée, pour mon mémoire, début des années 90, que je découvre les œuvres de cet artiste, anglais Andy Goldsworthy, en image. Je prenais des cours de danse contemporaine, j'aimais assister ma chorégraphe, elle avait besoin de documenter ses chorégraphies.
Je savais filmer, et elle m'a demandé de la suivre, parfois à Paris. J'ai ainsi eu accès à ses petits entretiens privilégiés dansés, dans des salles de danses privées, avec des femmes plus âgées, célèbres danseuses, et moi, je filmais d'en haut d'une mezzanine, afin de donner à ma chorégraphe, ce qu'elle souhaitait : une archive de ses rencontres.
Un jour je vois que l'artiste Goldsworthy travaille avec une chorégraphe, et leur spectacle passe à Paris (1995 ou 1996). Complètement inaccessible, les places sont hors de prix. Je ne sais comment je parviens à voir ce spectacle, de places que d'autres ne désiraient, et cela n'intéressait pas non plus ma chorégraphe, l'idée qu'un plasticien artiste travaille avec les danseurs. Puis, de nos échanges, elle a ensuite fait appel à mes créations et je me suis trouvée scénographier une de ses pièces, avec mes sculptures, avec laquelle, elle a obtenu un prix pour les plateformes de Seine-Saint Denis.
J'ai donc assisté au Théâtre du Châtelet à la pièce "Végétal" de Régine Chopinot conçue avec Andy Goldworthy. J'avais l'impression d'être la seule à apprécier ce spectacle, je découvrais un public très arrogant, malotrus, et peut-être ignorant. J'avais des voisins qui ont hué le spectacle du début à la fin, je n'avais jamais vu cela. C'était très gênant. D'autres ont souhaité se lever et faire la démonstration à tous qu'ils
partaient, des couples bourgeois habitués de ce théâtre. Je n'avais
jamais vu une pièce dans ce théâtre, habituée à celui de ma banlieue, et
à ce moment, en Seine-Saint-Denis, les spectacles étaient assez
innovants.
"Végétal" avait connu un bon retour, lorsqu'il fut présenté
au Japon. L'échec qu'a rencontré, à Paris cette pièce, je me l'explique
aujourd'hui avec les méconnaissances parisiennes, d'alors sur la
création contemporaine avec la nature. Les articles de journaux
spécialisés semblent d'ailleurs, dans les années 95, ne pas avoir
pressenti l'intérrêt sensible et écologique associé à la beauté du geste, ils sont complètement à côté de la
plaque.
Je repensais à Claude Debussy, avec son écrit (Monsieur Croche) prenant la plume d'un critique musical, en 1901. Il s'amuse à nous décrire ceci, afin d'expliquer comment des spectateurs ou experts dans le domaine musical, invités de coutume, aux prestations, peuvent s'y ennuyer et aussi, être dénués de sensibilité, le tout étant d'être vus et bien vus. :
« Avez-vous remarqué l’hostilité d’un public de salle de concert ? Avez-vous contemplé ces faces grises d’ennui, d’indifférence, ou même de stupidité ? Jamais elles ne font partie des purs drames qui se jouent à travers le conflit symphonique où s’entrevoit la possibilité d’atteindre au faîte de l’édifice sonore et d’y respirer une atmosphère de beauté complète ? Ces gens, monsieur, ont toujours l’air d’être des invités plus ou moins bien élevés : ils subissent patiemment l’ennui de leur emploi, et s’ils ne s’en vont pas, c’est qu’il faut qu’on les voie à la sortie ; sans cela, pourquoi seraient-ils venus ? — Avouez qu’il y a de quoi avoir à jamais l’horreur de la musique »…
La danse épurée et sans costume, sans artifice (les habitués s’accompagnaient de J.P. Gaulthier) avait inauguré, je pense, quelque chose de précurseur dans la danse. Heureuse d'y avoir assisté. Il faut dire que ce spectacle était sonorisé par le poète et peintre sonore Knud Viktor, danois (1924-2013), pionnier du field recording, un des précurseurs de l’écologie sonore, lui aussi méconnu. Étrangement, il était fasciné par le peintre Van Goght, dont je faisais référence il y a quelques jours. Le musicien s’installera d'ailleurs dans le Lubéron. Je me souviens donc de différents tableaux dansés, lors de cette pièce, des bois et des gestes de serpentins des danseurs, la construction d'un nid, de branches d'arbres, des mouvements circulaires, des feuilles sèches, tout un vocabulaire plastique que Goldsworthy développait. Je réaliserai ensuite plusieurs projets inspirés de mes références assez joyeuses. Quelques années plus tard, lorsque je rentrais à l'école supérieure des Beaux-Arts de Paris, et qu'à la rentrée j'apprends que le sculpteur Jean-Luc Vilmouth devient un chef d'atelier, j'ai quelques images et un catalogue de lui, mais je pense qu'il s'inscrit un peu dans la même veine de Godsworthy, car il avait réalisé un encerclement de pigments rouge à au sol autours d'un tronc d'arbre, qui ressemblait beaucoup aux œuvres de l'anglais Godsworthy. Je n'ai pas vraiment eu d'échanges sur ces parallèles que j'effectuais, mise en relation, entre deux pays, la France et l'Angleterre. J'avais apprécié le geste de Vilmouth, dans mon catalogue, qui l'archivait, en train de balayer toutes les feuilles du trottoir face à son atelier, pour les faire entrer, toutes, séchées. Voici pourquoi je trouvais des corrélations, et des points d'échanges, nourris de connaissances. Le mémoire que j'avais confectionné était assez inédit en 1994, car il associait des questionnements sur la nature et la création artistique, mais aussi sur l'animal, en particulier le perroquet.
Si Goldsworthy était connu à l’international, l'échec rencontré à Paris, de la pièce de Chopinot, m'informait du peu de connaissance des parisiens, et du succès qu'elle a rencontré au Japon.
L'étudiant anglais n'était pas satisfait du travail qu'il réalisait durant ses études (Bradfort Art College) désabusé de travailler à l'intérieur. "Je me sens comme doivent se sentir les oiseaux avant leur première migration : un instinct viscéral que quelque chose ne va pas là où ils sont, la puissante impression qu'ils doivent partir pour des lieux où ils n'ont jamais été auparavant". Goldsworthy décrit là, ce que tous les migrants ressentent. Pourtant dans les années 70, le travail présenté dans son école, venait d'artistes qui travaillaient sur l'environnement, ce qui l'influencera de façon assez significative. Le Land Art était bien développé, et les horizons ouverts. De mon côté, de ses œuvres archivées, dont la photographie a une grande importance, puisqu'elles sont fugaces, c'est celle avec les feuilles de sorbier, disposées autours d'un trou, sous la forme d'un dégradé du jaune au rouge, aux bruns de la terre, réalisé en 1987, elle m'interrogeait, dans ces mêmes années, étudiante en art, quelque part, j'ai été inspirée par ce que je trouvais, dans le même temps, d'autres artistes si loin de mon lieu d'habitation, mais si proches, dans le sens que les bibliothèques, dans les écoles d'art spécialisées, disposaient, aussitôt, les publications de recherches émises par ces artistes, encore fallait-il, faire de la recherche, et pas tous les étudiants, mes camarades, s'installaient, pour lire, récolter, étudier, comprendre (Internet n'existait pas, pour tous, ma mère nous avait très tôt, enfants, habitués à "vivre" dans les livres et les bibliothèques) Il semble qu'un chien a bondit dans le trou, et qu'il a dû tout recommencer. Les éléments de glace, les galets et la réussite de piéger, avec la réverbération de l'eau, les effets d'un arc-en-ciel, sont autant de matériaux trouvés in situ. Même chose, avec l'érable japonais (Ouchiyama-Mura) en 1987, dont il rassemble les feuilles rouges, dans l'eau, autour de l'illusion d'un trou noir, mais en fait soutenus par un anneau de ronces tressées. Le camouflage fut aussi exploré, même si je trouve que son œuvre se situe plus dans l'effet, le spectaculaire et moins dans ce qui est invisible ou révélé en se confondant avec l'environnement. Dans le Land Art, les œuvres processuelles, qui se transforment avec le temps (terre craquelée, assèchement, fonte des glaces, décomposition, irrigation...) ont un vocabulaire riche.Ces temps-ci, les activistes qui lancent des purées ou des soupes dans les musées, sur des tableaux, souhaitent éveiller les consciences sur le changement climatique. Je ne sais pas si ces happenings qui mobilisent alors tout les services de sécurité, et les renforcent, auprès des ministères de la culture, dans des capitales européennes différentes, ont l'effet escompté. Même si les spectacles de danse, il y a 20 ou 30 années n'avaient pas éveillé "immédiatement" les consciences sur des sujets écologiques, l'action violente, qui semble la plus médiatisée, n'est pas la meilleure solution, de mon point de vue. L'énergie est perdue.
Rétrospectivement, je m'aperçois que ce que j'envisageais, dans mon mémoire, avec ce titre révélateur, "L'énergie du geste", parlait de recyclage, comment des uns aux autres, et de notre mémoire, se trame une histoire. Elle s'écrit aussi parce qu'on projette un dessein. L'histoire dessinée peut voir loin. On ne sait pas où nous mènent nos desseins, mais s'ils sont sincères, le temps favorise leurs gestes, leurs actions. Et d'autres prennent la relèvent, en faisant (bien) mieux.
Sous pression, les jeunes se demandent assez justement, s'ils vont avoir le temps, eux de faire quelque chose de bien mieux.
Ils questionnent les anciens, leurs valeurs, leurs conforts, mais sont-ils (bien) compris ?
Par kiwaïda at 12:39
Ṽḯ☂ґαḯʟ
Après avoir exploré les peintures de Juan Gris, avec ses teintes bleues et sable, j'observe les vitraux de Franci Chigot, et ma sélection peut rassembler ces nuances, elles correspondent aussi à la même période, il y a un siècle.
Ci-dessous : Fenêtre La musique (1930) ces vitraux proviennent du salon de musique de la maison Laforest, place Jourdan à Limoges... Ils reflètent le goût de Chigot pour la musique et le jazz.
Photographies © Sonia Marques
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Le Musée des
Beaux-Arts de Limoges (BAL) expose
l’œuvre du maître-verrier Francis Chigot :
« Un monde de lumière : les vitraux de Francis Chigot et son atelier »
+Parallèlement à sa scolarité classique au lycée, Francis Chigot est entré à 15 ans à l’École nationale d’Art décoratif de Limoges (l’ENAD). Couvert de premiers prix, il poursuit à 20 ans ses études aux Arts décoratifs de Paris et à l’Académie Julian. Lors de l’Exposition universelle de 1900, il découvre les réalisations civiles sur verre de l’École de Nancy dont le style souple et fleuri l’enthousiasme. À la mort de son père en 1903, il est obligé de quitter la capitale pour prendre sa succession à la tête de l’entreprise de peinture-vitrerie-décoration. Il décide toutefois de privilégier rapidement le vitrail, au point de lui dédier quatre ans plus tard un local, véritable acte de fondation de son atelier de maître-verrier. Dès lors, il applique subtilement les principes de l’Art nouveau. Les commandes affluent rapidement, tant dans le domaine de la création et de la restauration de vitraux d’églises, qu’en provenance de particuliers, pour des commerces, bureaux ou maisons (baies d’escalier, verrières de jardins d’hiver, plafonds...).
Léonard Chigot, né à Saint-Léonard-de-Noblat en 1841 d’une lignée de tailleurs d’habits, devient peintre-décorateur. En 1869, il épouse Anne Jourde, fille d’un sculpteur-tailleur de pierre de la commune d’Aureil. En 1875, il crée une entreprise de peinture-décoration en tous genres, au 3 rue de la Courtine à Limoges. C’est là que naît son fils François, dit Francis en 1879. Francis Chigot, devenu bachelier, poursuit ses études à l’Ecole des Arts Décoratifs de Limoges dont il sort avec le 1er grand prix en 1899. Il va à Paris poursuivre ses études d’art, mais à la mort de son père en 1903, il revient à Limoges et reprend l’entreprise familiale. Depuis ses études il a toujours eu en tête de faire du vitrail et en 1907 il ouvre son atelier au 54 rue Montmailler à Limoges entouré d’une petite équipe de peintre sur verre et coupeurs-monteurs-poseurs en vitraux. Il signe alors le début de sa longue carrière (53 ans) de maître-verrier.
J'apprécie regarder les vitraux composés de verres striés et parfois comme de la dentelle. Cette exposition est lumineuse. De toutes mes recherches, je vois aussi un rapport direct avec mes vidéos écraniques, la lumière est aussi blanche, surtout celle (Vidéo Tonic) où je décris l'histoire du château au paysage plat et vert et du dragon rouge. Comme publié quelques fois; la gare de Limoges est lumineuse car les vitraux de Chigot, de part et d'autre (et nettoyés il y a peu) laissent entrer la lumière. Les châtaignes et les motifs aux couleurs d'Automne revêtent aussi, l'été, quelques reflets qui miroitent, et l'échelle plus fine et ample, dans la gare, fait de cette œuvre, une impression plus subtile et délicate. On peut ne pas s'en apercevoir, pour les passants pressés, et puis, dans la salle d'attente, on peut également se demander si ces vitraux sont contemporains. En tous cas, pour celles et ceux qui ne connaissent pas son histoire, ils ne laissent pas indifférent. Celles et ceux qui ont encore une once de curiosité, et sont parvenus à s'extraire de la télévision (autre vitrail un peu bruyant) ils ont accès, en France à beaucoup de chefs d’œuvres, par le train, par exemple. Le droit à la déconnexion est aussi recommandé, visiter cette exposition (jusqu'en février 2023), en passant par la gare de Limoges, affine ainsi les connaissances historiques et culturelles, mais aussi industrielles. Ici, cela fait partie de l'histoire, et dans mon histoire artistique, c'est riche, car, il y a là, un accès à la couleur et la transparence, la lumière. Et cela fait des années que je côtoie ces œuvres historiques. C'est très particulier. La cathédrale Saint Étienne a aussi son assortiment de vitraux et l'orgue vient d'être renouvelé, c'est tout un art le transport des tubes d'un orgue. Mon voisin, était l'organiste de la cathédrale, il m'a fait venir, monter voir son travail, puis, comme tout musicien, précaire, je lui ai donné mon secret pour déménager sa machine à laver... Une toute autre manière d'échanger les bons tuyaux... Les organistes lavent aussi leur linge, pas dans la Vienne, comme c'était la tradition des ponticauds et par les laveuses. Pas de place donc pour une télévision, lorsque l'on teste des orgues électroniques, avant de jouer en grand dans une cathédrale. Juste la place d'une machine à laver. J'aime bien l'histoire contemporaine, allier des notions qui n'ont absolument rien à voir ensemble... à priori.Orgue et machine à laver, vitrail et télévision
Francis Chigot a reçu une éducation chrétienne, il est resté attaché toute sa vie au catholicisme. Sa foi s'exprime dans le vitrail. Lors de la loi de la séparation des Églises et de l'État (1905) et des années de tensions précédentes, les commandes étaient rares. Il fut mobilisé pour la guerre en 1914, comme plusieurs ouvriers, et il est tombé malade, a du rejoindre sa famille, il a relancé son atelier. Il restaure plusieurs vitraux d'église, et Monuments historiques, puis en 1930, il fut sollicité pour décorer les chapelles funéraires. Dès l'Armistice, le 11 novembre 1918, (bientôt), Francis Chigot part dans les régions dévastées du Nord de la France pour proposer des projets de vitraux pour les églises reconstruites. Entre 1922 et 1936, une vingtaine d'églises de villages, de cités ouvrières, de bourgs, ont des vitraux de Chigot, avec les cartonniers maison (Léon Jouhaud, Pierre Parot, Georges-Louis Claude, Camille Boignard) L'explosion des arts décoratifs, a embrassé la production religieuse et civile. Le vitrail était célébré partout (représentations de plein air, sport, industrie et nouveaux moyens de transport)
Dans les temps reculés, les Égyptiens et les Romains ont excellé dans la fabrication de petits objets de verre coloré. Bien avant, il y a 40 millions d’années, les éruptions volcaniques, manifestations naturelles, donnent naissance au verre. L'époque médiéval et la renaissance avec les cathédrales de lumière sont des œuvres visibles partout. La période de l'Art Nouveau est particulièrement inventive, et l'école de Nancy est un repère assez spectaculaire. L'art contemporain fait perdurer cet art à travers de nouvelles créations stimulées par des aides, pour des artistes parfois sans aucune pratique, en relation avec des maîtres verrier, femmes et hommes. Il existe en France de nombreux centres de formation qui couvrent tous les métiers du verre, du cristal et du vitrail et proposent différents parcours accessibles dès le CAP. Comme le verre nécessite de nombreuses transformations en vue de ses nombreuses utilisations dans le bâtiment (verre trempé, verre feuilleté, doubles vitrages) il existe des formations dans le bâtiment pour des construction d’ouvrages (aluminium – verre – matériaux de synthèse) et aussi pour toutes les surfaces et l'étanchéité. Le secteur des verriers pour le bâtiment ou menuisiers pour l'aluminium de verre possède aussi ses formations pour façonner, découper et maîtriser le perçage du verre.
Le chêne au bord de l'eau (1914) : Les verres américains pour le paysage et les verres chenillés pour la rivière, donnent ce vitrail une lumière colorée apaisante au lever du soleil et flamboyante à l'heure du coucher, témoignant du talent du peintre verrier. I fut exposé à Montréal en 1927, et avant, à Paris en 1914, au Salon des décorateurs.
Photographies © Sonia Marques
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Par kiwaïda at 18:54
04/11/2022
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© Juan Gris
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Merveilleux pierrots, arlequins, guitares et journaux... Les journaux partout dans ses peintures, la musique, les dés (lui aussi ;.)
Toutes ces peintures de Juan Gris (José Victoriano Carmelo Carlos González-Pérez) sont de 1922 ou 1921, il y a un siècle.
Né le 23 mars 1887 en Espagne et mort le 11 mai 1927 en France, à 40 ans.
Belle gamme de couleurs, il y a quelque chose de flottant, comme des fenêtres qui ressemblent elles-même à des pages de livres. La superposition de calques et de tons cérusés, forme une galaxie lunaire, pourtant posée, calme mais aussi masquée. Paginations de l'invisible, ce passage secret vers l'abstraction est divin. Les méditations de cet esthète sont bienvenues, un siècle plus tard. Un imagier du papier découpé. Un capharnaüm qui déguise des feuilles d'automnes bien rangées et disposées consciencieusement. Composition qui annule le "range ta chambre" (mais non c'est un pêle-mêle maîtrisé) Merveilleux désordre coordonné.
Par kiwaïda at 23:48
01/11/2022
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Photographies (© Sonia Marques- 1997 Vancouver - Groenland)
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Hasard, je découvre la réalisation récente du clip
vidéo "Freed from Desire" du chanteur Thomas Azier, d'Ellen Treasure, avec les maisons qui défilent. Je suis conduite également à cadrer sur des souvenirs qui défilent très vite. Je décide de réaliser des arrêts sur images. Voyages et croisements, scènes, pays
différents, à travers lesquels, j'ai formé un chemin
artistique.
Je pratique une autoscopie bienheureuse, un voyage astral, de la voyance ? Percer à jour, percevoir. Ces livres ouverts de rencontres et récits communs, dont je deviens porte-parole silencieuse, m'offrent des fenêtres où voir le vrai, dans l'absence d'un regard intrusif, quelque chose de l'ordre de la vérité, transparait. Limpide, et pourtant ma présence paraissait alors inexistante, non résistante, passage furtif, ou simplement discrète, dénuée de pensée, mais imprégnée de ces autres et de leurs irréductibles mystères. Serai-je médium, sans intermédiaire, véhicule d'histoires, d'un vécu que l'on croyait ne pas avoir vécu, témoin de forces dont il manquait l'oracle, passé trop vite, parti plus loin, disparu. Faire accoucher l'autre de ce qu'il n'a pu voir, son geste allié de son regard artistique, sans toucher, ni faire, juste être là, ou moins là, mais quelque part, sans incidence, juste en coïncidence. Faire coïncider, adjoindre l'étoile pour qu'elle file son propre cheminement. Fée.
Non concernés par ce qui advient, bien plus par qui nous sommes, et bien moins par comment sommes-nous. Pourtant, la somme de tout ce que nous croisons, forment les décisions, renoncements, changements de directions, trajectoires de ce que nous sommes devenus. Si sous chaque souvenir, il est un jour de fête, lorsque l'on parvient à percevoir la félicité, dans toute insignifiance, peut-être que l'on parvient à lâcher les fardeaux trop signifiants, adipeux obstacles en travers des routes, ou flétrissures ruminantes, tout ce qui gène et s'encapsule dans d'infâmes lourdaudes, toutes ces consciences plombées, ne regardant que leur inintérêt personnel. Ce gros "soi" qui se fige dans le miroir des alouettes. Il veut être l'initiateur et le terminus et devient une fin en soi, ensevelir sous son malheur, tout ce qu'il croise, bétonner pensant figer l'autre croyant le posséder. Où sont les fluides ? Du moment où l'on dispose la poudre du café, puis, l'eau coule et se filtre, jusqu'au moment où le choix du récipient changera la tonalité de notre pensée, sa couleur, afin que nos lèvres au bord du goût, nous disposent dans un état de conscience, ou de souvenirs, chaleureux. Le discernement s'opère avec le temps.
Aéroport, centres villes, de pays éloignés, bus, gares, je rencontre des personnes que j'ai connues, plusieurs années plus tôt, des signes, de drôles de hasards, que l'on croit. On prend un café, des nouvelles, des pans de vie racontées à la hâte, des confidences, ce n'est qu'un passage, on se souvient avec amitié et douceur des choses en commun, des nœuds Nord ou Sud, la discrétion, les créations, mon accompagnement, je ne sais, oui, j'étais là, je me souviens de tout, de toi, de vous, de ta famille, de vos découvertes. Les personnes revues, ne s'imaginent pas qu'elles ont compté, sont respectées, qu'elles m'accompagnent toujours, milles souvenirs. Ces petits riens, ces petits clins d’œil sont les éclats d'un diamant insoupçonné, le cœur généreux des êtres est la plus honorable des sensibilités, et chacun, chacune, sommes seuls à pouvoir décider d'y accéder. On a joué aux connexions virtuelles, on oublie tout de l'expérience de la marche et des déplacements.
Jusqu'ici, ma vie se trouvait transportée de façon collective, était-ce une façon de participer à comment mieux protéger la terre ? Je ne le formulerai pas ainsi, sous cet angle politiquement correct. C'était pour être humain. J'ignorais à quel point mes déplacements seraient des lieux traversés et partagés, des expériences du savoir, puisque mes pas étaient innocents. Revoir des amis, c'est apprendre la disparition de leurs proches, cela fait partie de ce qui nous lie à la vie, perdre. Tout se perd, nos plus beaux souvenirs, comme les plus mauvais. Les meilleurs nous tiennent éveillés jusqu'à les destiner aux plus jeunes, désarmés face à la cruauté. Me lire c'est ne pas nous oublier, c'est espérer nous décerner le prix si dérisoire de nos présences. Nous nous sommes perdus de vue, est une très belle phrase, elle dit aussi, que nous allons nous retrouver.
Le chanteur hollandais, Thomas Azier, nous l'avions découvert au festival musical du Printemps de Bourges en 2013, bientôt 10 ans. Il était charismatique sur scène. C'était la première fois que je découvrais ce festival, et la dernière fois, car je n'apprécie plus les rassemblements. Mon conjoint le connaissait, l'histoire de cette ville, pour moi inconnue. Un souvenir riche de sens. Nous avions assisté à un brusque changement climatique entre deux journées, d'une dizaine de degrés, la pluie et le froid, puis la chaleur écrasante, ou l'inverse. Dans le même temps j'ai été conduite à découvrir une partie de l'histoire de France. J'écoutais avec assiduité, comment cultive-t-on les palmiers, les dattes, la question de l'arrivée d'eau, les oasis, le Sahara, d'un sage instruit, une parenthèse enchantée. Je suis invitée alors à découvrir les marais de Bourges, une enclave d'une centaine d’hectares aménagés sous des formes d'agricultures privées de potagers, avec un mode de circulation singulièr. Cette découverte inédite, restera dans ma mémoire, je repars avec des photographies, puis, je reviens souvent à Bourges pour accompagner une famille, une histoire, loin de la mienne.
Je serai conduite à enseigner dans l'école d'art de cette ville, trois années plus tard, dans une vétusté qui n'en faisait pas l’esclandre. De ces récentes connaissances sur ces marécages, je les ai partagées, avec parcimonie, à l'intention de mes étudiants des premières années ou deuxième, celles et ceux désireux d'apprendre, ils avaient choisi le studio que je développais sur le dessin, un groupe qui s'était élargi à d'autres de toutes les années. Je plaçais mes affaires dans le casier de Nathalie Magnan, le seul ouvert, elle m'avait soigneusement recommandé de l'utiliser, plus tard je le lèguerai à sa compagne pour son hommage, puis j'ai disparu, je n'ai fait que mon devoir. Je concevrai deux sessions consécutives (formulées en deux workshops pour l'école) "L'art de la disparition" et "Apparitions", en immersion dans les marécages, qui semblaient si exotiques, palmiers et canoés, des étudiantes glisseront au gré de leurs enregistrements sonores. Avec l'idée de faire ce même chemin de ma première fois, et de présenter cette flore et faune, à des étudiants en art, afin de réaliser un partenariat pour toute l'école, en tâtonnant, en favorisant la contemplation d'un paysage insulaire. Mes références se basaient sur le peintre américain, Gerald H. Thayer Abbott Handerson et ses découvertes, à propos de la couleur et le camouflage dans le paysage animal, notamment ses motifs. Mais bien évidemment, à partir de mon expérience pédagogique et artistique, personnelles, un peu plus longues, émaillées d'autres artistes et rencontres, de ses dernières années. J'ai ensuite réalisé une conférence sur mes recherches pédagogiques, ce qui a inspiré d'autres professeurs. J'avais la vision d'une ruine, je ne me suis pas trompée. Mes collègues ont désiré poursuivre ce partenariat dans les marais, dès 2017. J'ai pu honorer des adieux à cette collègue, que j'avais rencontrée, lorsque j'étais étudiante, vers 1996, elle s'éteignait après un long combat. Je décris cette rencontre, encore un hasard, plus bas.
Lors du festival, en 2013, j'avais beaucoup apprécié le groupe Efterklang danois, et Mesparrow, la jeune tourangelle faisait ses premiers pas avec son album au nom d'oiseau. Thomas Azier, a évolué depuis, son album "Love disordely" est poétique, à la recherche d'une beauté qu'il sait insaisissable. Ses cris et ses efforts de les contenir, le rythme toujours en tentant de courir après la fuite ou de fuir l'ennui.
Le désir c'est intime, c'est voir en l'autre la belle lutte qu'il ou elle mène, sans que personne ne le sache même. C'est adhérer à la force de vivre au delà même de ce que l'on décrit : la difficulté. Le désir serait-il lié à l'effort ?
Dans l'histoire de la chanson qu'interprète le chanteur hollandais, Freed from Desire, même si l'intonation me rappelle l'intention poignante de la chanson de Bruce Springsteen ("State Trooper" sur l'album Nebraska de 1981), c'est à la base, une chanson du même titre, connue du public en 1996, de Gala, une chanteuse italienne de l'Eurodance. Ce sont deux époques très différentes, pourtant, la répétition des accords musicaux traduisent un climat haletant, tandis que les mots nous conduisent, tel des véhicules, vers des antagonismes de notions de survies (liberté/contrainte/dépassement/limites) Une tension qui est palpable dans notre société contemporaine, entre restrictions et désirs d'émancipation, depuis les guerres et la pandémies, entre autres, et, de façon plus individuelle, l'impossibilité de trouver des formes d'expression, afin d'être entendu, compris (crier ou susurrer ?) s'isoler ou participer, contempler ou agir.La création d'imaginaires formule déjà des canaux d'expressions fédérateurs, certains artistes recherchent aussi à s'émanciper de ce qu'on leurs impose d'incarner, ainsi peuvent-ils, ou peuvent-elles, se trouver fuir les demandes d'arrêt, sur image.
Je me situe là, entre l'arrêt et le désir de mouvement. Si je me retourne, tout à disparu, si je retiens, je révèle, si je continue, tout se transforme, le temps file, et la demande de ralentir se fait toujours plus puissante. Chacun, chacune peut ressentir cette force de transformation et sa résistance.
Le monde change, la tension se mesure partout, entre régressions et progressions, cela produit des chocs. Pourtant, il y a des transformations douces, au fil de l'eau. Peut-être est cela, le fluide.
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Je pensais qu'il y avait une méprise sur la notion "Punk". On peut attribuer cette désignation à des artistes qui ne sont pas punks. Sans aucun pouvoir d'achat, mais avec un pouvoir de création exceptionnel. Telle fut, la période que je vais décrire.
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En visionnant son clip, je me suis alors souvenue de la vidéo particulière que j'avais réalisée et présentée en mai 1999 au Château d'Oiron, là où je rencontrais Ellen Treasure. Le paysage était si plat, terne, sans relief, brumeux, sourd aussi, inquiétant. La vidéo que j'exposais, tonique, réveillait les fantômes. Ellen était venue regarder nos installations communes dans ce château. Nous y étions depuis quelques jours afin d'acheminer une exposition collective. Nous étions tous étudiants, sous la coupe de l'artiste Jean-Luc Vilmouth, notre chef d'atelier à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris (ENSBA). L'intention première du conseiller en arts plastiques, que connaissait Jean-Luc Vilmouth était que notre groupe d'artistes déjà singulier, puisse investir le château et apporter de l'animation. Ce à quoi, il ne s'attendait pas, c'est que ce château sera quelque peu secoué, par des punks, terriblement attachants, pas du tout violents, des beaux bizarres.
Selon Baudelaire : « Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu’il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. C’est son immatriculation, sa caractéristique. Renversez la proposition, et tâchez de concevoir un beau banal ! »
Dès les années 90, le ministère de la Culture y disposait une collection d’œuvres d'art contemporaines, dans ce château, immiscées dans les collections historiques du monument de différents siècles. En évoluant rapidement, l'expérience tentée d’une création contemporaine dans un patrimoine ancien sera un modèle et dès 1996, la collection fut présentée en renouant avec l’esprit de curiosité de la Renaissance.
Aucun hasard, finalement, si ce château hanté, faisait ressurgir des souvenirs vivants, avec lesquels, nous nous sommes enthousiasmés, avec bonhomie, de nos approximations artistiques. Cette fête de tous les Saint, moment particulier pour penser à tous ceux-ci, compassion, mansuétude, reconnaissance, meilleurs sentiments.La vidéo que j'avais confectionnée, est propice à cette fête, s'en remémorer, comme une œuvre fédératrice, rassemble des idéaux et des forces. Nous nous entendions tous très bien, mes camarades étaient mes amis, nous avions œuvré ensemble, juste avant les années 2000, et mes souvenirs réveillent de la joie et de l'amour, au sens noble du terme. Je pense que j'étais un élément pacifique, Jean-Luc Vilmouth partageait ce calme et le souhait de l'harmonie, dans un groupe. J'avais étudié au Canada, je revenais partager pour tous mes camarades, mes recherches, et cela avait motivé quelques uns à poursuivre leurs études, dans la même école à Vancouver. Je devais m'activer pour passer le diplôme de fin d'études quelques semaines après, en juin 1999. J'avais donc préparé bien en amont cette séance programmée à Oiron, pour être avec tous, sachant que j'étais la seule à passer mon diplôme, la première de l'atelier. Par gentillesse, j'avais accepté, malgré mon échéance, de prendre une journée pour aider Ellen Treasure. Elle était venue au château, pour son travail personnel, dans l'intention de réaliser des photos de mode et avait besoin de modèles. Elle avait quelques accessoires, et me proposait de poser pour elle. J'ai porté deux robes, l'une bleue indigo avec de grosses boules cousues colorées dessus en polystyrène, il me semble me souvenir que c'était Charlotte, son amie, qui les avait créés, l'autre, une robe confectionnée dans un drap beige et céladon rayé d'édredon de plumes, boursouflée, très originale. Elles avaient toutes deux trouvé, pour l'une une caravane blanche comme décor en extérieur et l'autre, en intérieur avec une lumière douce, années 70, avec un siège à bascule en osier. Je crois me souvenir, que les tirages agrandis n'avaient pas donné satisfaction, d'autant plus que je faisais l'acrobate sur le fauteuil, ou la gymnaste avec la robe, en réalisant une roue. Mes deux photographes de mode en herbe, attendaient que je sois plus disposée à prendre la pose. Je n'étais pas mannequin, mais une petite athlète espiègle, et photographe, agile, j'avais la maîtrise du cadre photographique, moins la photogénie. C'était un moment récréatif, c'est avec bonheur, que je me souviens d'elles. J'ai obtempéré dans ce rôle amusant, pour les dépanner et puis, je suis retournée installer ma vidéo, rechercher le bon angle, la meilleure stabilité et l'acoustique, bien que tout était réverbérant.
Si Jean-Luc Vilmouth fut reconnu pour avoir participé à la nouvelle sculpture anglaise et du courant minimaliste, son travail a nettement changé lorsqu'il entra à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris pour y enseigner. Il nous parlait de l'artiste Tony Cragg, et il avait travaillé avec la sculptrice Kate Blaker, avec qui, il avait vécu. J'ai eu l'occasion de la rencontrer des années plus tard, lorsque j'étais membre d'un jury de diplôme en Normandie, par hasard, signe du temps et des révélations. Comme tous les jurys où j'ai eu l'occasion d'être invitée, l'ambiance était très professionnelle et instructive pour tous. L'artiste sculpteur avait déjà enseigné dans l'école d'art grenobloise, et nous avait fait connaître tous ses artistes étudiants devenus artistes depuis. Puis, enseignant à Paris, il s'est intéressé au design, une toute autre période, très différente, pour lui, c'était une évidence, car il situait déjà, son travail artistique en prise avec des objets du quotidien. Venant d'études d'arts appliquées et ayant été designer, je percevais son profil artistique et d'enseignant plus ouvert à des profils comme le mien, et plus enclin à côtoyer le monde du design. Lisa White, directrice artistique était devenue sa compagne. Dans les années 90, le design et la mode, étaient bien développés à Paris. Dans les formations aussi, diplômée de l'école Duppéré, avec mes camarades, nous avions déjà travaillé dans des agences différentes, pour le textile, le graphisme, les voitures, le mobilier, les vitrines, le stylisme, les couleurs et tendances, bref, plus de secrets. C'était une période aussi prolifique dans le domaine de la danse contemporaine, j'étais devenue danseuse et scénographe, avant d'entrer à l'école des beaux-arts de Paris. Le couple White-Vilmouth, m'avait proposé d'être modèle, pour le magazine spécialisé, "View on color", que je connaissais par ailleurs, dédiés aux couleurs et tendances pour le design de produits et de mode, créé par Lidewij Edelkoort, prévisionniste hollandaise célèbre. C'est toujours ce qui se passe en décalé, qui m'intéresse, alors que ce n'est pas ce qui était prévu. Les photographes s'étaient réunis autours de mon profil pour le photographier et parlaient du mouvement de la Renaissance. Ils consacraient leurs numéros sur les fruits et légumes, le cuir, la nature, comme modèles de créations dans l'artisanat (Art and Craft) Ils avaient trouvé que je pouvais correspondre à une figure de la peinture préraphaélite. Secondant les photos et publications, ils m'avaient fait suivre à d'autres photographes de mode, j'avais été enregistrée sur plusieurs polas, comme il est de coutume pour les mannequins, pour être piochée par des magazines féminins. J'ai oublié ou n'ai pas donné suite aux contacts. C'était intéressant de voir des spécialistes de la mode et de l'édition, visualiser un autre siècle italien sur mes gestes.
Les incognitos, est une série de dessins que j'ai réalisés, ils expriment bien, la force de l'intériorité, invisible, face à l'usage des figures et icônes, de ce que l'on croit percevoir et des à priori, des clichés. Ces photographes hollandais m'ont incité à mieux regarder les peintures de Sandro Botticelli. Vingt ans plus tard, je réaliserai des peintures sur textile en satin de méduses et de formes féminines indistinctes, inspirées de cette période de la Renaissance. Je les revisitais lors de la pandémie qui nous masquait, sur le thème du bavardage. Puisque nous portions des masques, incognitos, nous bavardions intérieurement. Période idéale pour méditer.
Je travaille avec l'expérience du terrain, et des souvenirs que j'explore, selon une mémoire sensitive très précise, de mes rencontres et dialogues avec d'autres domaines artistiques, ou scientifiques. Lorsque je retrace la genèse d'une de mes œuvres, elle n'est pas relative à la tendance actuelle, puisqu'elle émane de souvenirs anciens. Je déterre, comme un lapin. Les phénomènes se révèlent sur des surfaces sensibles.
Jean Luc Vilmouth avait repris l'atelier de sculpture à l'école Nationale supérieure des beaux-arts de Paris, un peu à l'abandon de l'artiste Georges Jeanclos, tombé malade. Ce dernier sculptait de petits personnages de terre, qui s'épousaient entre les plis, affectueusement. La terre était un peu partout, tracée, dans cet atelier. Nous avions été plusieurs à en prendre soin, le nettoyer totalement. Mathilde Ferrer sa compagne, fut professeure dans cette école dans les années 1970. J'ai eu des échanges avec elle, par la succession de l'atelier, de ce moment délicat, entre sculpteurs, mais surtout à la bibliothèque. J'assistais à ses séminaires, très peu d'étudiants pourtant faisaient l'effort de venir afin d'étudier suite aux exposés proposés généreusement par l'école. Il y avait un peu une séparation entre la théorie et la pratique. Certains de mes camarades ne souhaitaient pas être interrompus, dans leur atelier, par des présentations d'autres artistes, théoriciens, cinéastes ou sujets explorés. J'aimais beaucoup, c'était passionnant. Elle avait mis en place, le centre d’information et de documentation de l’école (C.I.D.) Son initiative avait également introduit une première approche de la vidéo au sein de l’école, afin de documenter ses événements et de donner aux étudiants un accès à ce médium. Dans cette histoire, avec Monique Bonaldi, vidéaste, qui s'occupait de toute la logistique technique et la réservation du matériel, ainsi que toutes les formations dédiées (immense travail, assisté de Julie à cette époque) je me suis aussitôt mise à apprendre le montage, en parallèle aux enregistrement sonores, la composition analogique, puis numérique, avec Daniel Dehay et Alain Michon, d'une philosophie de l'acoustique jusqu'aux nouveaux logiciels. Des domaines très riches d'enseignements techniques et artistiques, mais aussi de bouleversements majeurs dans les pratiques et les usages de ces outils. Je souhaitais reprendre des études en art pour avoir un atelier afin de continuer mes peintures, et, il en sera tout autrement évidemment.
Page du catalogue des diplômés de l'École Nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris de la promotion de 1999 (© Sonia Marques : Vidéo Tonic)
(©Sonia Marques : Vidéo Tonic)
Les souvenirs vibrants de cette épopée au château, sont ceux de l'amitié, bien plus que ceux d'une exposition, même si elle fut très originale, chacun ayant eu des propositions abouties, spectaculaires ou plus secrètes, de médiums très variés, avec une prédominance pour les installations sonores et visuelles, ou olfactives et gustatives. Je pense au grand banquet, auquel nous étions tous sculptés, et mangés, avec des mets conçus par les artisans de la restauration locale, une idée d'un artiste italien, érudit. C'était une exposition visionnaire, chacun de nous, avait beaucoup donné, c'était généreux, nous partagions quelque chose de particulier, spirituel, c'est une mémoire qui permet de valoriser notre présence au monde : nous devions être là, rassemblés, et repartir chacun, chacune de notre côté. Je déroule alors la pelote d'un fil rouge, comme celui qui entoura un château, très solide...
Nous étions un groupe plein d'énergie, c'était une chance, une époque aussi, de liberté de création, chacun, chacune devenus artiste, ou déjà artistes, de toutes façons, entrer dans cette école induit un questionnement particulier, dans sa vie. Je m'étais organisée pour projeter une vidéo nommée : "Vidéo Tonic", où défilaient des titrages comme des néons et où figuraient, entre autres un train en négatif lui donnant un aspect futuriste, le son de sa vitesse et son freinage amplifiaient un cadre scénique de science fiction. Plusieurs vues de Vancouver, photographiques au piqué scintillant, dont la gamme colorée était calibrée et choisie comme des aquarelles, des pastels roses et turquoises côtoyaient des teintes plus vives, rouge orange et le noir pour souligner la luminosité, la blancheur de l'effacement du grain de la peau filmée, elles-même, évanescentes. Les personnages plus petits, enfants ou femmes chanteuses, étaient filmés à travers soit des vitres de train, soit de tout petits écrans, alors que le téléphone portable n'était pas là, pourtant cette vidéo le préfigure, étrangement. Une danseuse d'un carnaval brésilien de banlieue bleue en robe de sequins scintillants, un fond musical mixé, un dragon rouge, la gueule ouverte, une grande sculpture de rue, le tout d'une durée de 45 minutes. Elle se situait dans un langage lusophone, saoulé d'un cocktail de couleur, elle était tonique, dans l'expression d'une synesthésie, couleurs, sons et goûts. Pour les chromophobes il n'était pas recommandé de regarder la vidéo. Auparavant, j'avais effectué un repérage sur place, en profitant de nos premiers voyages à Oiron, avec l'équipe. En embarquant une caméra dernier cri, Tri-CCD, assez imposante, les petites caméras numériques n'étaient pas encore arrivées, mes camarades se demandaient bien ce que je faisais, tandis qu'ils profitaient du voyage pour discuter. Je filmais à travers la vitre, plus tard je filmais dans les greniers du château, c'est là que j'ai découvert un dragon énorme. Évidemment, tout à fait cohérent.
De retour au montage, j'avais également d'autres prises de vue de carnavals expressif, mais aussi je filmais, un vieil ordinateur, avec un jeux vidéo de chevalier "Gauntlet", de couleur verte, un univers fantasy, des années 80, avec des chevaliers, des dragons. J'ai ainsi collé une bande son, avec des images, sans rapport avec la prise réelle sonore, ou presque puisque j'ai gardé le son du freinage du train, ou des ambiances sonores qui m'intéressaient, comme celle du jeu de chevaliers. Ces incursions entre le document réel et la fiction, l'artifice du son et de l'image, parfois avec des couleurs modifiées, avec des sources si différentes, produisaient un film qui ressemblait à une peinture, de différentes couleurs et pinceaux. À cette période, je visitais souvent le Centre culturel Suisse à Paris et j'avais découvert une artiste dont j’appréciais les réalisations, Pipilotti Rist, notamment son installation Ever is Over All. Elle n'était pas encore bien connue, aux beaux-arts, mes camarades ne regardaient pas dans ces chemins, la vidéo était encore récente et le domaine du son également, dans les enseignements. C'est une période magique, où avec les quelques camarades épris de ces nouvelles techniques, nous nous connaissions tous, et les professeurs et techniciens et techniciennes aussi, nous suivaient avec attention. Des merlins enchanteurs.
J'ai eu l'occasion ces derniers temps d'échanger avec celles et ceux qui m'avaient suivis, j'étais étonnée qu'ils se souvenaient bien de moi et comme raconté, avec des propositions pertinentes.
Nathalie Magnan, vidéaste dans les années 90, invitée par Monique Bonaldi, était venue directement des États-Unis, nous présenter un tas de petits films charmants, réalisés par de très jeunes femmes, avec une caméra, notamment "Fisher-Price" (comme Sadi Benning) Même si son workshop fut assez court dans cette école parisienne, Nathalie continuait de suivre l'évolution de mon travail à distance, car nous découvrions, en même temps, le potentiel d'Internet, pour des artistes chercheurs ce fut une remarquable avancée. J'avais co-fondé un collectif (Téléférique), avec mon compagnon de route, étudiant de ces écoles entre les arts appliqués et les beaux-arts. Elle était très admirative de ce que j'entreprenais, percevant une attitude féministe dans un groupe d'hommes. Je ne pense pas avoir eu une quelconque similitude, en écho au féminisme qui se manifestait alors. Encore une fois je ne remplissais pas le rôle espéré, créer, inventer étaient prioritaires. Je voyais plutôt que la création allait disparaître ou être dévaluée. Elle nous faisait des clins d’œil de loin. Une fois, elle m'a invitée à relater de cette expérience, mais plus particulièrement de mes cours à Angers, nommés "êtrAngers", des cours très singuliers, aussi corrélés avec mes déplacements et l'étrangeté de ma discipline que je développais pour cette école, le multimédia, leur première fois. Puis, je me suis aperçue, que je n'étais pas très férue de la technique pour la technique ni de la technologie pour sa performance non plus, mais plus à rechercher ce que cela racontait comme mondes et comme usages, comme perceptions de mutations de nos environnements, nos comportements, nos affections, la vitesse à laquelle tout allait finalement se retourner aussi. J'avais un point de vue plus philosophique, et inclassable. Ma pensée poétique frisait des notions ontologiques, elle s’affinait, sans s'affirmer. Mes camarades épris de technicités ne comprenaient pas toujours la profondeur de mes réflexions, mais elles faisaient avancer le groupe, vers de nouveaux horizons. C'était mon moteur à moi, pas les engins que je conduisais, très bien d'ailleurs.
J'ai de suite été très investie dans ces domaines, alors que j'avais souhaité concourir dans l'école prestigieuse parisienne afin de poursuivre mes dessins, peintures et sculptures ; en arrivant dans l'organisation de celle-ci, ce sont ces techniques, dont j'avais déjà explorés les notions, plus jeune, en filmant et en apprenant le solfège, qui m’apparaissaient les plus en accord avec ce que je recherchais. Aussi, car les ateliers étaient tous nouveaux et il y avait alors bien plus de calme pour apprendre, et pas beaucoup d'étudiants pour y étudier. Les ateliers de peintures étaient mal situés, gelés, surpeuplés d'étudiants, parfois arrogants, ou simplement dirigés par leurs parents, ou, en réaction contre les technologies, la vidéo, pas facile. Les jeunes femmes allaient d'ailleurs dans ces ateliers, des repères, sans jamais s'aventurer dans les studios plus récents. Pourtant, nous découvrions, avec quelques unes, musiciennes, des espaces avec de la moquette, le petit luxe, chauffés l'hiver. J'étais aussi souvent dans l'atelier de tirages photographiques, situés dans une cave glacée, pas très bien équipée. C'est lorsque j'étudiais à l'école Duperré, que je venais le samedi emprunter le studio afin de faire des photographies. Nous étions une autre bande d'amis, à réaliser des images très singulières, l'enseignant photographe, partageait ses moments avec une autre enseignante, avec qui, j'ai réalisé mes premières animations sur Amiga, sélectionnée pour un défilé au cirque d'Hiver. Je réalisais aussi dans cette école, une plus longue animation en stop-motion, avec des papiers qui enveloppaient des oranges, nommée "Spania". Elle fut sélectionnée par Hermès. Toute une épopée, fin des années 80. Exquise animation, un travail de fourmi, entre les prises de vue de papiers de soie délicats et leur animation, selon un scénario haletant, sur une musique de Carmen Amaya, chanteuse de flamenco, qui débute feutrée, puis développe une tension aux saccades érotiques propres au flamenco. Hermès avait déjà senti que ce serait magique. Nous travaillions alors avec le styliste Pierre Hardy, qui avait beaucoup apprécié ce travail réalisé à deux, avec mon ami Martin. J'étais donc, une bonne conceptrice et réalisatrice de l'animé.
Si je fus intégrée en cours d'année, aux Beaux-Arts de Paris, après le concours, l'école ne voyait pas d'un bon œil les étudiants venus des arts appliqués, ou des arts décoratifs. Ils en savaient trop. Ils faisaient donc encore une séparation nette entre les arts appliqués et les beaux-arts. Cela a bien changé, la tendance est revenue à l'artisanat, après avoir maugréé la céramique, la gravure, la mosaïque, tout était balisé, pour devenir des agents conceptuels, sans acquérir des savoir faire de la main. Pour celles et ceux qui n'avaient pas bénéficié de formations antérieures, comme les arts appliqués, ils leurs manquaient beaucoup de pratiques, de travailler les gestes, comme j'ai pu le faire avec les technologies, la vidéo, ou le son. De mon côté, je confectionnais toujours des petits costumes, même s'ils étaient fait de lumière écranique. Ainsi vont les modes, il faut toujours s'en méfier et suivre son propre chemin. Lors d'une exposition au Centre Pompidou sur les enseignements dédiés au numérique en France, j'ai été réquisitionnée pour une interview et filmée, pour une diffusion lors d'une exposition au Centre, parmi une petite poignée d'enseignants artistes. J'étais la seule femme enseignante artiste, je ne sais plus, 2002, 2003. J'exprime déjà mon point de vue, ma façon de concevoir les arts appliqués et les arts plastiques, mon immersion dans ces deux disciplines sans frontière.
Lorsque je donnais des cours en banlieue à de jeunes élèves chaque semaine, en même temps que j'étudiais, une exposition de cette artiste helvète Rist, était présentée au Musée d'Art Moderne. J'ai établi une convention avec les présidents de l'association d'arts plastiques des cours, pour emmener découvrir cette exposition, que j'avais vue auparavant pour préparer la visite. Nous sommes partis en train et métro avec une équipée d'une dizaine de personnes. C'était certainement un peu avant le passage de mon diplôme, je pensais aussi à mes élèves, c'est assez émouvant de me souvenir de la nécessité que j'avais, de transmettre ce que j'apprenais, d'en retranscrire l'essentiel, afin que d'autres puissent créer de nouveau, approcher les expressions artistiques différentes. Ce que j'ignorais, c'est qu’effectivement, des élèves, que j'avais eu, très jeunes, de 6 à 10 ans, se rapprocheraient de formations artistiques pour en faire leur propre chemin.
Ce que j'avais réalisé pour "Vidéo Tonic", était très organique, expérimental et faisait appel aux sens, à la sensualité, c'était réaliser une peinture très longue en mouvement à l'écran, c'était une expérience assez envoutante, pour moi et pour les autres qui l'avaient vues. Elle reste une expérience, que je qualifierai d'extra-sensorialité, car il y avait une liberté totale. C'était un long travail de montage, sonore et visuel, je faisais corps avec la caméra. Très atypique cette vidéo, comme me félicitait le président de mon jury, Jean Louis Froment, directeur d'expositions et critique d'art à la tête du CAPC de Bordeaux : "En France vous ne pourrez pas montrer un tel travail, allez à Berlin, j'ai vu des artistes avec des réalisations proches de la vôtre, allez-y, on se retrouvera plus tard c'est sûr" Je ne l'ai jamais revu, quelques jours plus tard, c'est avec mon collectif que je démarrais mes projections sonores et visuelles face au public, et bien en France, sans jamais être interdite de le faire, ni empêchée, car je ne subissais pas les barrières des institutions, puisque nous inventions, en toute indépendance, et ce durant 5 années. Un risque que personne ne voulait prendre. Il pouvait être interprété comme l'exploration d'un groupe punk.
Vidéo Tonic, était projetée sur les murs intérieurs du château, dans les grands escaliers, l'exposition fut ouverte au public, première fois que ce château devait s’accommoder avec une réalisation technique aussi expérimentale, où les œuvres contemporaines ne devaient pas dénaturer le bâtit, le patrimoine. À cette époque, seules des sculptures que l'on posait, étaient acceptables, mais dans la projection de vidéo, et sans écran, qui couvre les murs épais, cela n'avait pas été envisagé encore. Des danseurs étaient venus faire leur spectacle devant, attirés par la musique et les couleurs étalées sur les murs démesurés. Je m'occupais déjà de toute l'intendance et la logistique, car le personnel technique et les médiateurs n'avaient pas encore travaillé avec des formes de vidéoprojections. Je me souviens avoir fait venir l'entreprise avec laquelle j'avais l'habitude de louer des vidéoprojecteurs dans cette région au paysage si plat et attendre à l'aube l'arrivée du transporteur, dans le brouillard, des souvenirs dignes de l'esprit château. Tels un chevalier je me trouvais défendre les images vidéographiques verdoyantes, devant un dragon rouge.
À ce moment, un camarade, avait décidé d’embobiner avec un fil rouge tout le château, c'était aussi une illustration du Minotaure. Mes camarades regardaient de près ce que je fabriquais en vidéo. Puis, ils se sont mis à apprendre, à filmer et monter des vidéos documentaires ou scénarisées, de fictions, de toutes natures. Ces émulations profitaient à tous. Puis, Je suis complètement partie sur la dématérialisation plus radicale, délaissant la vidéo, et toutes celles que j'avais déjà réalisées et exposées en galerie. Internet est venu complètement chambouler mon rapport aux connaissances de fond en comble. À ce moment là, mes camarades ne me suivaient plus du tout, je faisais du "hors piste", ni même Jean-Luc Vilmouth. Il fallait apprendre tout un nouveau monde, de nouveaux codes à inventer, sans équivalence avec toutes les connaissances techniques transmises et acquises. J'étais passée dans une autre galaxie, c'était passionnant : le saut dans le vide, sans aucun élastique. Il fallait avoir des ailes quelque part.
Je découvrais un espace absolument inédit, et incroyablement... laborieux pour y accéder. Un paysage aride de chiffres. Il fallait se transformer en codeurs pour comprendre, déchiffrer et faire un nombre considérables d'erreurs, pour progresser. Les hypertextes complexes formulaient des entités qui correspondaient à ma façon de créer des liens, dans ma pensée. J'écrivais déjà des poèmes, dont le lien était la couleur du mot, en réseau, les uns avec les autres, je les avais nommés "Hypercolor", sans connaître les hypertextes. Un peintre à mon jury m'avait dit : "Je n'ai jamais vu cela de ma vie ! " Il allait le voir des années plus tard. "Je suis peintre et l'école m'a disposé à un jury multimédia, je n'y connais rien à la vidéo, mais vos poèmes, c'est très bien". Plus tard je deviendrai collègue de ce peintre à Angers, dont j'ignorai même qu'il y enseignait. Est-ce que tout cela est important, complètement insignifiant. Ce qui permet de larguer les amarres et laisser les feuilles mortes tomber.
Je n'ai plus le même point de vue aujourd'hui. Mon rapport aux techniques et technologies a changé, mon enseignement s'est trouvé aussi transformé, assez éloigné de l'acquisition de savoir faire techniques. Je prends beaucoup de plaisir à n'utiliser aucun outil sophistiqué, ni réussir quoique ce soit. Mon enseignement s'est trouvé participer du développement personnel ajusté à chaque étudiant, étudiantes, selon son histoire et sa curiosité. Les étudiants étant témoins de mes apports, j'ai compris que j'étais moi-même devenue un médium pour eux, pour elles. Je pouvais révéler une partie de leur potentiel.
Photographies (© Sonia Marques- 1997 Vancouver)
Par kiwaïda at 14:55
27/10/2022
☾Ѻ℃ϴ
© Rodney Graham (image de son film :Vexation Island, de 9 minutes en boucle, 1997
“J’aime jouer avec l’idée du paradoxe qu’illustre parfaitement la boucle (Loop). La blessure sur mon front est là avant la chute de la noix de coco. Elle donne implicitement l’idée du cycle perpétuel.”
L'artiste de Vancouver, Rodney Graham, de cette école photographique dans ces contrées où j'ai étudié durant 6 mois, et où j'ai pu le rencontrer, tout comme Jeff Wall, autre artiste photographe conceptuel, m'avait marqué, comme un personnage rocambolesque, et généreux, pas froid du tout, qui philosophait, sur tout.
En 1997, alors que j'étudie dans l'école d'art et de design dédiée à la photographie et le cinéma (Emily Carr University of Art + Design) sur l'île exactement, de Vancouver, je suis invitée à voir la présentation du dernier disque (film gravé) de Rodney Graham, en comité restreint. Je m'étais fait une bande d'amis, dont j'ai gardé longtemps des communications à travers des lettres anglophones, copines et copains artistes, et avec lesquels j'ai aussi lié une amitié toujours actuelle. L'un d'eux est venu me voir ici à Limoges, et par un périple assez cossasse en voiture, traversant 3 pays. C'est un peu le genre d'amis que j'ai eu là-bas. Dans mon pays, en France, les habitants rechignent à se déplacer dans une autre région, il y a toujours une excuse pour ne pas bouger, ni rencontrer de nouvelles personnes. Les distances ne sont pas les mêmes, donc la vision des pays situés, non plus. Face au Japon, à l'opposé du Québec, depuis Vancouver,mes camarades venaient d'Alaska ou de Seattle, de l'Ontario, d'origines des Premières Nations (First Nations)...l'histoire et la distance sur les mutations du monde, guerres et migrations, ont été transmises avec des évènements différents, du côté de l'Europe. Mes camarades de classe, à 16 ans avaient déjà tous le permis et une voiture, quittaient leurs parents, afin de circuler à travers les États-Unis, aller à Seattle, ou pêcher en pleine nature... Ce n'est pas la même envergure d'esprit. Ça décoiffe ! La France, pour les étudiants canadiens de la Colombie Britannique, était visuellement imbriquée avec L'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, ils ne faisaient pas de différence, ni même traçaient des frontières. C'étaient de toutes petites régions, seule la seconde guerre mondiale et les Nazis étaient symboliques de ce qui se tramait dans ces Pays. Du côté de mes camarades, avec une culture des Premières Nation, toutes les colonisations depuis le sud de l'Europe vers le continent des Amériques étaient étudiées. Lorsque je retournais en France, quasiment tous mes camarades, qui effectuaient des études supérieurs en art, pensaient encore que le Canada était entièrement Québécois. La Colombie britannique n'était pas visuellement traduite, et c'était étonnant, ni même la proximité avec le Japon, finalement. J'ai toujours été intéressée par la géopolitique. Enfant, mes camarades ne connaissaient rien du Sud de l'Europe, et il n'y avait aucun cours d'histoire sur les découvertes et les colonisations. Je prenais des cours de portugais à l'école primaire, et l'institutrice nous apportait un regard sur l'histoire de la Lusophonie, comme ont pu le faire nos parents, donc cela a très tôt éveillé mon rapport aux cartographies, et a certainement induit le développement de mes recherches artistiques sur les déplacements d'images et d'iconographies, les transports, les migrations, ce qui est importé et exporté dans nos mémoires culturelles.
En 1995, je suis à ce moment photographe et vidéaste, et déjà professionnelle, puis sélectionnée sur dossier artistique depuis l'école nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, par les artistes professeurs de cette école, intéressés par mes propositions artistiques et mes expositions. Une de mes vidéos est achetée par un collectionneur, suite à une exposition personnelle, dans la Galerie Area, dans le marais, qui fut nommée par le galeriste, selon mes différentes vidéos des années 90 "O.V.N.I". Oui on trouvait que ce que je réalisais était de l'ordre du supra-naturel, non identifié en tous cas... Je réaliserai d'ailleurs deux expositions de plus d'une centaine ou deux ou 400, photographies, des tirages en couleur, dans une galerie et un Run's space, que je nommerai "Vancouver Lover". Cela veut tout dire. C'est d'ailleurs au Canada que j'apprendrai tout des tirages couleur, en travaillant chaque jour dans des labos dédiés. J'avais l'habitude de le faire en argentique et en noir et blanc, ayant acheté un petit labo, dès mon premier salaire vers mes 18 ans. Je réalisais beaucoup de photographies, puis le numérique a révolutionné ma façon de concevoir l'image.
Né en 1949, à Abbotsford, au Canada, il vient de nous quitter à Vancouver.
Lorsqu'il nous montra son film étonnant et court, qui me restera gravé en mémoire, et dont j'aurai loisir d'en relater l'expérience à mes étudiants, devenus amis, c'était surtout l'épopée, d'un grand désastre. Je me trouvais, enfin, face à un artiste plein d'humour et d'auto-dérision, nous faisant part d'un fiasco et aussi d'une recherche de génie. Je rencontrais tout simplement un polymathe, comme moi, capable de passer d'une discipline à l'autre, ce qui, à Vancouver pouvait être un potentiel, en France, cela n'était pas très bien envisagé comme une démarche sérieuse et maîtrisée. On parie plutôt sur des artistes que l'on reconnait à travers un parcours linéaire, dont on reconnait le même tableau, les mêmes rayures, la même couleur, le noir, par exemple. Pourquoi pas. Pour des artistes ayant une curiosité touche-à-tout, d'inventeur, me trouver face à un artiste réflexif, à l'imaginaire développé, assez décomplexé de cette capacité, indisciplinée, c'était avoir un peu plus confiance en mon chemin.
Pour ce film, Vexation Island, il était somptueusement filmé, avec toute la netteté et la brillance, les couleurs d'une publicité pour une croisière exotique. Ce film est très séduisant. Il se déroule sur une île déserte, une plage de sable blanc. Rodney Graham nous racontait alors à quel point il s'était endetté, pour y aller, investissant 50 000 dollars et il a convaincu tous les techniciens de sauter dans un avion
en direction des îles Vierges et de travailler gratuitement. Beaucoup de péripéties en découlent, mais comme dans tous ses projets. Je trouve que c'est un artiste intelligent, minutieux et très précis, zélé et cabotin. Réputé pour ses caissons lumineux, je retiens de petites vidéos assez spirituelles, voir occultes, avec une décontraction assez folle et géniale. J'étais sur une île, je travaillais sur l'insularité, cela n'a pas changé d'ailleurs et je voyais ce coco complètement rigoureux, plein de facéties envers le milieu artistique, et doué du troisième degré de l'humour, ce qui n'est pas accessible, dans un domaine plus administratif des choses, ni pour les algorithmes d'ailleurs, enfin, pas encore, ils faut qu'ils apprennent à bien recopier et recommencer.
Tout d'abord, le film nous plonge sur l'île à vol d'oiseau depuis un point de vue sous un grand palmier. Le panoramique depuis l'arbre s'arrête sur un homme en costume du XVIIe siècle évanoui sur la plage avec une blessure sanglante au front. C'est Rodney Graham très maquillé en pirate. À côté de lui se trouve un tonneau avec un grand perroquet perché dessus, un Ara Bleu. Le perroquet croasse, le pirate se réveille hébété, se lève, voit le palmier et le secoue jusqu'à ce qu'une noix de coco se détache, se décroche et le frappe à la tête, l'assommant. Le pirate retombe dans sa position d'origine alors que la noix de coco roule jusqu'au bord de la mer. Le film revient au début. C'est une boucle (Loop)
Rodney Graham suggère la duplicité. Il incarne lui-même le sujet et sa position, et l'œil de la caméra. Il y a donc, en tant qu'artiste aussi, une dimension autobiographique. Il a déjà joué dans d'autres réalisations filmique, avec cette même duplicité. Halcion Sleep, en 1994, le filme dans un sommeil induit par la drogue alors qu'il est transporté de la banlieue de Vancouver à la ville à l'arrière d'une limousine. C'est un doux rêve, une paisibilité filmée, l'artiste retourne en enfance. Étrangement ce petit film ressemble à mes songes bleus, qui furent envoyés à Vancouver pour ma sélection. David Rimmer, un cinéaste expérimental (que j'ai rencontré quelques années plus tard à Paris), et dont j'ai suivi les cours à Vancouver, avait trouvé cela très rare et exceptionnel. Je me retrouvais avec des étudiants très fortunés qui filmaient avec des équipes à travers le monde entier, plus jeunes que moi. Leurs films ressemblaient à des télé-réalités, cela n'était pas encore arrivé sur les chaines télévisées françaises. Vancouver est un paysage de tournages, entier, il y avait toujours des cinéastes en train de tourner un film. Je me souviens d'une jeune femme, qui réalisait des trajets en avion à travers le monde. À côté, mes vidéos étaient de petits bijoux ridicules, et étranges, elles faisaient renaître une certaine enfance de ce que ces artistes réputés et des modèles, avaient pu produire plus jeunes. La petite française devant eux balbutiait. Lors d'un tour de table j'ai dû expliquer mes intentions, ils n'en revenaient pas que cela puisse exister, comme s'il n'y avait pas eu encore d'impact du monde de l'art ou du cinéma sur ma vision. Robinson ou Vendredi ? Je bricolais à travers mon imaginaire, des sortes de rêves éveillés, assez subliminaux. Si je peux faire une petite actualisation, c'est toujours resté au stade de "la première fois", ce geste si juste, qu'il ne faut pas en ajouter d'autres. Des croquis elliptiques, des énigmes précoces.
Vexation Island, convoque la psychologie. Les deux présentations de soi dans un état inconscient amènent le spectateur à réfléchir sur la nature des états d'être conscients et inconscients. Rodney Graham s'inspire alors de la théorie freudienne de la répétition de la « défamiliarisation visuelle » ( Entfremdungsgefühl ) révélatrice du refoulement, ce qui affecte la réalité. Il y a dans ce film, des mythes revisités, comme celui de Sisyphe et de l'Oroboros, le serpent qui se mord la queue. Cela plairait à mes amis philosophes ! Lorsque j'étudiais aux arts appliqués à Dupérré, cette école prestigieuse parisienne, avant mes études aux beaux-arts de Paris, pour devenir designer, à priori, je travaillais principalement sur l'Oroboros. Je découvrais le travail aussi de l'artiste Jean-Luc Vilmouth et empruntait des photographies de ses pigments rouges autours d'un arbre, en les associant à des yeux de perroquets immenses. Bon, ce que je ne savais pas, c'est que lorsque je décidais de reprendre mes études après l'obtention d'un master à Duppéré, et avoir travaillé une année en tant que designer, dans la mode, devenue aussi, danseuse et scénographe, je me retrouvais au même moment où l'artiste Jean-Luc Vilmouth, que personne ne connaissait là-bas, débarquait dans l'école, le gros paquebot fantomatique. Sélectionnée par le concours d'entrée en cours d'année, j'ai choisi son atelier, en lui montrant un catalogue "vintage" de ses productions, dont il avait honte, avec les pages à l'envers, que j'avais trouvé soldé. Pour un artiste qui souhaitait envoyer un marteau dans la Lune, avec mes sculptures de nuages en plâtre, et la valise en carton empruntée de mon père qui avait fait le grand saut des Pyrénées, nous étions des extra-terrestres qui pouvaient commencer à communiquer avec une autre langue, celle des artistes dans la Lune. Une mise en abîme chère à Graham ! Plus tard, Vilmouth nous racontera sa réalisation "autours d'un palmier" et son escalier qui tourne autours du tronc pour voir en haut, avoir le même point de vue que celui du palmier.
J'ai beaucoup apprécié, devoir le revoir plusieurs fois, le film de Rodney Graham, il rend addictif. Le voir, ce pirate très cramé par le soleil, se redressant, secouant le tronc d'arbre, comme un abruti, et là on pense : Mais non, ne le fait pas ! Puis la noix de coco se fracasse sur son crâne, le pirate retombe, n'ayant pas écouté notre signal d'alerte, nous les spectateurs, transformés en lanceurs d'alerte. Je connais bien ce devoir, suivi de l'échec, lorsque l'on est ni compris, ni entendu, et que la catastrophe arrive. Et bien mieux lorsqu'elle se répète à l'infini, par de mauvais gestes, de mauvais comportements : les signaux, trop faibles, pour être perçus, non pris en compte, pour être corrigés à temps, pour éviter le pire, seuls les grands sensibles peuvent alerter.
Ce film réveille en nous, le devoir de changer la destinée, quand on connait la chute, mais elle frustre, car la chute se reproduit. Rien ne sert de savoir. Le pirate est seul sur son île, le perroquet ne lui dit rien, il répète, lui aussi, inlassablement. Tel un algorithme paramétré pour une intelligence artificielle taxée de perroquet stochastique.
Le format est un 35 mm en boucle destiné à être joué en continu. C'est une répétition compulsive, elle fonctionne à la fois comme une farce et une énigme, qui met à distance le sujet et l'artiste, au travail, en train de jouer. C'est à la fois ridicule et libérateur, on ne peut s'empêcher d'être vexé de ce dont on rit. Cette répétition, nous fait penser à Freud encore, dans son "principe de plaisir" des années 20, liée à la pulsion de mort. Le décor est burlesque et le pirate est complètement passif.
J'avais beaucoup aimé "Coruscating Cinnamon Granules" de 1996, une boucle de quatre minutes de 16 mm, sur une cuisinière était saupoudrée de la poudre de cannelle, cela produisait un effet animé scintillant comme une constellation d’étoiles qui apparaissait, telle une hallucination, une alchimie.
Bref, son œuvre est protéiforme et questionne souvent la frontière entre la fiction et le réel, que ce soit dans ses photographies, films, vidéos, maquettes, partitions musicales, l'écriture, les livres sont des objets très présents. Il interroge aussi la représentation de l’artiste, sa posture. Depuis les années 70, son travail est riche de références et de mises en abîme. Il aime aussi figer des narrations dans des scènes, passionné par l'écriture, il a rédigé des passages supplémentaires à des écrits d’Edgar Allan Pœ, réutilisé des sculptures de Donald Judd, emprunté des mesures de Wagner. Sa dernière grande exposition en France datait de 2009 au Jeu de Paume. En 2012, je présentais "Magic Ring" au Jeu de Paume, un projet lunaire et éphémère. Une conception insulaire sertie de mes recherches pédagogiques en école d'art (Angers et Limoges) et du collectif "Téléférique", post-"île de Seuqramainos", en passant par "Nissologie". Autant de marteaux envoyés dans la Lune. Il y en a d'autres, mais ce n'est pas des outils matérialisés pour construire ou détruire, j'envoie des poèmes, ainsi cela ne pollue pas l'atmosphère, et c'est bien reçu, cela marque les esprits. Je travaille sur la diffusion et l'infusion. On tente toujours d'être télépathes, sur terre, les lanceurs d'alertes c'est pas vraiment bien reçu.
Ces jours-ci j'écrivais sur ce film. J'ai donc complètement revu ma copie, ne sachant pas, que d'un coup, les médias anglophones lui rendaient hommage. Je reste avec mon petit souvenir atypique, sans autographe, perdu dans une île, avec mon perroquet, qui ne me répète pas, mais un autre, passant allègrement de la femelle à l'être humain masculin, sans aucune transition. Ainsi sont les artistes. RIP.
© Rodney Graham : Vue de l'installation Paddler, Mouth of the Seymour, 2012–13 (exposition à la Vancouver Art Gallery en 2017
Nicholas Logsdail, fondateur de la Lisson Gallery à Londres a déclaré ceci :"We've lost our dear Rodney, a genius artist, dear friend, master of disguise, snappy dresser, supplier of dry humour, an amazing songwriter, always modest, an understated intellectual, gifted amateur, professional connoisseur, Sunday painter who seldom worked Sundays, ultimately a true professional in every sense of what it means to be an artist,"
"Un peintre du dimanche qui travaillait rarement les dimanches"
Par kiwaïda at 01:14
25/10/2022
ℬя@ⅾ
Brad Pitt, l'acteur, producteur a présenté neuf de ses œuvres au Sara Hildén Art Museum de Tampere, en Finlande, le 19 septembre 2022. Étonnant, c'est un bon sculpteur, autodidacte ! Le bas relief en plâtre, et cette sculpture d'un homme mettant sa tête dans un étau, m'ont vraiment surprise. "Un inventaire radical de soi, devenant vraiment brutalement honnête avec moi et tenant compte de ceux que j'ai pu blesser, des moments où je viens de me tromper" La sculpture "House A Go Go" de la petite maison en bois, des chutes maintenus par des adhésifs me parle aussi. C'est une exposition de l'artiste Louise Bourgeois qui m'avait fait aimer la sculpture, plus jeune, dans tout ce qu'elle peut contenir d'émotions et de matériaux denses, et aussi, dans la disposition de la fragilité, comme ses étagères de verre sur une seule roue, le bois, le plâtre, l'inconscient, les souvenirs, la conceptualisation d'une filiation, la fille et le père. J'avais pu admirer aussi ses œuvres en Espagne, gigantesques. Je retrouve dans ce personnage, la tête dans un étau de Pitt quelque chose d'aussi dense. Sculptrice, dans l'une de mes vies antérieures (nuages en plâtres et monticules pour danseurs, ou tour de casque en dégradés...), ou récemment pour mes "écoutants", je peux savoir les techniques employées, comme tous, ressentir la pièce, parfois l'intention de l'auteur, mais surtout, j'aime prendre le temps. Je suis très difficile, concernant des œuvres sculptées "contemporaines". Sinon les Musées des périodes non contemporaines qu'ils soient d'Asie, d'Afrique, ou de nos contrées, m’apprennent toujours, je développe des sentiments inexplorés en tournant autours, en écoutant justement, en ressentant aussi la petite chose, sa finesse ou la force de plus amples formes entropiques ou érigées, molles ou dures. Eva Hesse et Robert Morris m'ont aussi ouverts sur les accointances avec la danse, lorsque je faisais de la danse contemporaine, le mouvement Anti Form, ou plus récemment les installations qui viennent tout de même de notions de sculptures avec la lumière ou les miroirs d'Anne Veronica Janssens. Voir les œuvres devant soi, c'est toujours émouvant. Les artistes révèlent des parties de ce que l'on cache, se retrouver seul à seul avec des œuvres peut faire émerger une connaissance insoupçonnée, de soi, ou du monde, c'est toujours une rencontre, un croisement à priori anodin.
L'acteur a aussi des tenues de lins subtiles, mais c'est autre chose, quoique...
En tant que regardeur, contemplatrice, l'art n'a jamais rien à voir avec l'argent, de pertinence, peut-être que mon point de vue concerne plus le talent, plutôt que l'art, en tant que système. J'ai visité une minuscule exposition de retraités, avec mon conjoint, et nous avons pu découvrir ce que réalisait un homme et son étonnante modestie, en regardant des "tutos sur youtube". À la gouge pour sculpter dans le bois, ou en tordant des cuillères, ses oiseaux de différentes tailles, recelaient une émotion forte et discrète, quelque chose d'implacable s'imposait, une évidence. Cerise sur le gâteau, il y avait de l'humour dans certaines de ses réalisations et l'usage de technologies lumineuses, détournées (Led pour les yeux, détecteur de mouvement) ou une grande pelle et de simples verres en plastiques pour figurer un Bart Simpson, égérie de la série d'animation télévisée américaine. Échanger sur son travail, dans sa maison était fort instructif sur la valeur artistique et la puissance d'expression, peu importe le contexte et même si autours, personne d'autre ne réalisait de création. Il est toujours précieux et plein d'espoir de rencontrer des personnes aimables, qui donnent une expression à ce que l'on ne peut donner, à ce que personne d'autre, puisque c'est singulier, n'est en capacité d'offrir. Il m'est arrivée par hasard, au pied d'un château, d'être guidée vers une sculptrice, elle nous a conduit dans son atelier. Atteinte d'une maladie, elle s'est trouvée, plus tôt retraitée, et a investit des caves et a réalisé des œuvres sculptées avec un four à céramique, assez étonnantes. Parfois je pense, que je rencontre de façon fortuite, en humant l'air, des personnes qui n'exposent pas en galerie, et elles ignorent même la valeur de leur travail, si singulier, qui rivaliserait avec des réalisations bien en vues. Je n'aime pas être téléguidée, non plus. Aucun vernissage, aucune exposition, aucune biennale (toutes non éco-responsables), aucune école (pareil), comme quoi, réduire l'impact de l'empreinte carbone, certains ont déjà tout compris. Et les artistes sont autours de nous, ou bien, nous sommes des artistes entre tous. Peut-être, pour cela, faut-il marcher, exercer sa curiosité, s'ouvrir à l'aventura, sans trop de balises, ou, à partir de repères exposés, faire son petit chemin, essayer aussi de comprendre et apporter sa petite pierre à l'édifice, lorsque nous partageons un intérêt commun : l'expression artistique.
Dans les milieux de l'enseignement, pas tous les artistes sont en mesure de relater, historigraphier, faire l'effort d'expliquer, d'écouter les étudiants, et de les accompagner. C'est vraiment un tout autre art, que celui d'être le lien, entre la création et celles et ceux qui souhaitent apprendre. Ce sont des qualités rares et dévaluées, dans notre société, il faut pourtant du talent pour devenir enseignant, et c'est aussi différent que celui d'être soi-même l’artisan au service de son imaginaire. Pourtant, les qualités des pédagogues affinent le regard que l'on porte sur le monde, ouvre des perspectives et horizons, parviennent à faire germer l'espoir, et, pour ma part, je l'ai observé, donne le goût d'apprendre et d'apprendre aux autres. C'est merveilleux.
Brad Pitt a déjà le tapis rouge, quoique : du milieu des acteurs et actrices... sculpter, c'est aussi mordre le tapis rouge, ou faire une queue-de-poisson, aux entre-soi trop étanches. Le grand saut.
Découvrir Pitt, c'est malgré tout être un peu téléguidé tout de même, mais je ne suis pas si souvent agréablement surprise, donc je retiens ceci, et attend de voir le développement.
Le paysage est à lui seul une scène de sculptures, mes photographies sont aussi des peintures ou des cadrages dans ces sculptures naturelles, qui peuvent aussi devenir artificielles, lorsque la fiction déborde et explose les repères, les perspectives, ou renverse l'attraction terrestre. Surréalistes.
Par kiwaïda at 00:39
21/10/2022
℘ℯятℯ
Photographies © Sonia Marques
Vaillantes tiges qui s'offrent au soleil,
Perte d'équilibre toujours optimistes.
Un espoir et ses miroirs.
Par kiwaïda at 21:48
20/10/2022
ϟÅṲⅤÅḠ€
Photographies et dessins © Sonia Marques
The Wild One
Kiwaïda Blue had always loved deserted Galicia with its resonant, raw rivers. It was a place where she felt sexy.
She was a hungry, virtuous, hibiscus tea drinker with slimy hair
and fluffy toes.
Her friends saw her as a precious, poised painter.
Once, she had even helped a rare bird recover from a flying accident.
That's the sort of woman she was.
Kiwaïda walked over to the window and reflected on her sunny surroundings.
The wind blew like loving dragon.
Then she saw something in the distance, or rather someone.
It was the figure of The Jazzist Purple.
The Jazzist was a courageous parrot with red hair and ginger toes.
Kiwaïda gulped. She was not prepared for The Jazzist.
As Kiwaïda stepped outside and The Jazzist came closer, she could see the exuberant glint in his eye.
The Jazzist gazed with the affection of 7 hopeful harsh horse. He said, in hushed tones, "I love you and I want a hug."
Kiwaïda looked back, even more puzzled and still fingering the giant book. "The Jazzist, I love you," she replied.
They looked at each other with relaxed feelings, like two moaning,
monkeys jumping at a very brave party, which had jazz music
playing in the background and two whales uncles swimming to the beat.
Kiwaïda regarded The Jazzist's red hair and ginger toes. "I feel the same way!" revealed Kiwaïda with a delighted grin.
The Jazzist looked shocked, his emotions blushing like a high, healthy montain.
Then The Jazzist came inside for a nice drink of hibiscus tea.
The End
Par kiwaïda at 00:10
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